Archives des Opinion - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/societe/opinion/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 02 Apr 2025 03:33:36 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 À la petite fille que j’étais https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/a-la-petite-fille-que-jetais/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58033 Et à la femme que je deviens.

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Ê tre une fille, c’est souvent apprendre à se surveiller. À être jolie mais pas trop, brillante mais pas arrogante, gentille mais pas soumise. Être rayonnante sans être fake, être forte sans être envahissante. Être intelligente, mais en n’osant jamais faire d’ombre aux hommes qui nous entourent. Occuper la place qui nous est réservée sans jamais trop sortir du moule.

Être une fille n’a jamais été simple. Au 19e siècle, on attendait des femmes qu’elles soient silencieuses et décoratives, confinées à la sphère domestique et réduites au statut de simples accessoires. Au 20e, elles ont acquis des droits, mais pas sans devoir se révolter. On leur a demandé de travailler sans déranger, de s’émanciper sans trop ébranler le statu quo, de devenir modernes tout en demeurant modestes. Aujourd’hui, la femme — et la fille qui l’a précédée — jongle avec cette myriade d’injonctions contradictoires, mais tellement normalisées : être ambitieuse mais douce, indépendante mais désirable aux yeux des hommes, affirmée mais jamais trop bruyante, jamais trop dérangeante.

Ce texte se veut un rappel, à moi et à toutes les filles de ce monde. Un rappel qu’on a le droit de vivre pleinement, sans permission. Que le regard des autres ne devrait en rien influencer notre trajectoire, qu’elle est valide quelle qu’elle soit, que l’indulgence est le secret d’une relation saine avec soi-même.

Girlhood : grandir fille

À l’école primaire, j’étais en tout point ce qu’on attendait d’une jeune fille. Relativement performante à l’école, avide de lecture, attirée par les arts plastiques. J’étais douce, calme, je ne faisais jamais trop de bruit. J’étais celle qui faisait tout comme il faut, celle qui plaisait aux adultes. Mais en vieillissant, quelque chose a changé. J’ai pris de l’assurance. J’ai commencé à parler plus fort, à défendre mes idées, à dire non. J’ai occupé un peu plus d’espace, sans m’excuser. Et ça, ça n’a pas toujours plu.

On nous apprend à être sage, pas à être libre. À être aimables, pas affirmées. Très tôt, on intègre — pas par choix, mais par une sorte de mimétisme des femmes qui nous ont élevées — l’idée qu’il faut se faire petite pour être acceptée, pour plaire. Qu’il faut mériter l’amour, l’attention, l’écoute. Qu’il ne faut surtout pas déranger. Alors, chaque fois que je m’autorise à vivre un peu plus pleinement — sortir, danser, dire ce que je pense — une petite voix me demande si je ne vais pas trop loin. Être une fille, c’est souvent avoir peur d’être trop. Trop bruyante, trop visible, trop vivante. Et paradoxalement, pas assez : pas assez mince, pas assez jolie, pas assez douce, pas assez parfaite.

Chaque petite chose que je fais pour moi, pour ma propre jouissance, vient avec un prix : culpabilité, justification, jugement. Comme s’il fallait mériter la joie. Comme si vivre librement, c’était déjà transgresser quelque chose. Être une fille, c’est souvent être sa première ennemie. Mais j’apprends, doucement, à devenir ma meilleure alliée.

Vivre comme des filles

Hier, on m’a tirée au tarot. La scène illustrait parfaitement les meilleurs aspects du girlhood : un groupe de copines assises au sol après une longue soirée à danser, à chanter. Il devait être quatre heures du matin quand une amie a sorti ses cartes et m’a demandé de réfléchir à ce que je voulais vraiment. Instinctivement, avec tous les questionnements qui me hantent à l’aube de ma graduation, c’est d’être acceptée par mon entourage qui m’est immédiatement venu à l’esprit.

Pourquoi toujours vouloir plaire? Vais-je toujours me soucier du regard des autres? Et si mes amies me disent souvent envier ma confiance, à quel point d’autres peuvent-elles sentir les yeux constamment rivés sur elles?

On en a parlé longuement avec ces copines, et la conclusion à laquelle nous sommes parvenues est que c’est un sentiment quasi universel, et ce, encore plus chez les filles. Cette conversation faisait écho aux idées d’une professeure qui nous parlait des pressions sociétales ressenties par les femmes partout à travers le monde : d’être de bonnes mères tout en contribuant à l’économie nationale via l’intégration professionnelle des femmes. Elle comparait ces pressions au panoptique décrit par Michel Foucault dans Surveiller et punir ; l’idée d’une société disciplinaire et contrôlante.

Se faire plaisir et dire oui

Ces derniers temps, je pense souvent aux petits plaisirs. Ceux qu’on minimise, qu’on croit anodins, presque superficiels ou dispensables. Une soirée improvisée entre copines. Un café en terrasse quand il fait juste assez doux. Complimenter quelqu’un dans le métro. Être une fille, bien que la société nous indique le contraire, c’est aussi se faire plaisir, traiter ces moments qui peuvent sembler superflus comme des choses précieuses. Parce qu’à quelque part c’est ça, la vraie résistance : se faire plaisir.

La vie est courte, mais surtout, elle est imprévisible. Et, dans un monde qui pousse les jeunes filles à la performance constante, au contrôle de soi et au dépassement, ralentir, savourer et dire oui à ce qui nous fait du bien devient un acte presque radical, une forme de défiance de l’ordre établi. S’autoriser ces petits plaisirs, ce n’est pas être égoïste, c’est être vivante, c’est se permettre de vivre sans entraves ou inhibitions.

Et ça, ça commence souvent par l’entourage. Par les gens qu’on choisit d’aimer, avec qui on se sent pleinement soi. Ceux — et souvent celles — qui nous célèbrent sans nous comparer, qui nous applaudissent quand on ose, qui nous accueillent et nous tiennent la main quand on en a besoin. Ce sont ces personnes qui comptent vraiment, parce que ce sont celles-ci qui ne nous jugeront jamais, qui nous aideront à bâtir la vie dont on rêve.

« Et, dans un monde qui pousse les jeunes filles à la performance constante, au contrôle de soi et au dépassement, ralentir, savourer et dire oui à ce qui nous fait du bien devient un acte presque radical, une forme de défiance de l’ordre établi »

Pour mes amies, j’essaie d’être celle qui dit toujours oui. Qui dit « vas‑y ». Qui dit « t’as le droit, c’est important ». Celle qui applaudit, qui admire : on m’a déjà dit que j’étais la plus grande fan de mes amies, et cette idée résonne encore aujourd’hui en moi. Le regard extérieur a la tendance pernicieuse de dresser une compétition malsaine et factice entre les filles, alors qu’entre nous, on devrait cesser de se comparer et enfin s’autoriser à vivre notre vie.

Et après?

Il n’y a pas de conclusion parfaite à ce genre de texte. Pas de leçon toute faite, pas de mode d’emploi préétabli pour se libérer du regard des autres. Seulement une main tendue. Un rappel qu’être fille, c’est quelque chose de beau. Quelque chose qui devrait être célébré. Et que sortir du moule, c’est ce qui fait de chacune de nous celle que nous sommes. Sois douce avec toi. Sois ta meilleure amie. Sois honnête, mais indulgente avec celles qui t’entourent. Danse un peu plus longtemps. Ris fort. Pleure sans gêne. Dis oui à ce qui te fait réellement envie, et non à ce que les autres attendent de toi. Parce que la vie est trop courte pour se priver de vivre au maximum, et que, en tant que fille, tout est à portée de main.

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Le temps des bouffons https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/le-temps-des-bouffons/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58104 Réflexions sur la soumission volontaire.

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Dans une lettre ouverte publiée le 11 janvier dernier, Jean Chrétien, laquais loyal de sa Majesté Charles III des Rocheuses, défend son illustrissime pays, le Canada, contre des menaces d’annexion proférées par Donald Trump. Un monument poussiéreux des hautes sphères du Canadian Establishment qui fait la promotion des vertus de la souveraineté et de l’indépendance – mais quelle farce!

Les sparages incohérents du président des États-Unis ont l’effet pernicieux de rallier les pleurnichards fidèles à l’unifolié. L’union fait la force! Long Live the King! On veut nous voir ramper en rang docilement vers l’idéal d’une nation canadienne qui refuse de plier l’échine face au monstre américain. Moi, ramper, ça me fait mal aux genoux, je préfère m’abstenir. Pourtant, je l’avoue, je partage la complaisance fédéraliste pour nos arrogants voisins du sud. Leur cirque d’illuminés ploutocrates ne fait plus rire personne. Ce que j’abhorre, c’est plutôt l’utilisation canadienne des conjectures trumpiennes pour marteler d’éternelles tentatives hypocrites de suppression de l’identité québécoise.

L’ex-premier-ministre libéral Jean Chrétien (ministre de l’In-Justice sous Trudeau père, illustre mentor!) en profite pour jouer de sa réputation, nous rappelant dans sa lettre son fort goût pour les pirouettes politiques à l’intégrité douteuse. L’épouvantail de l’indépendance aura passé sa carrière à faire de l’ingérence son modus operandi, effrayant les Québécois pour mieux les assimiler à une confédération restrictive et abusive. Le Scandale des commandites? C’est lui. Le love-in du Non quelques semaines avant le référendum? Encore lui. Chrétien ne recule devant rien pour frauduleusement dilapider les fonds publics et détruire le projet indépendantiste apportant des contributions déterminantes aux défaites du Oui en 1980 puis en 1995. Effronté tout de même de faire la leçon à qui que ce soit sur l’importance de l’autodétermination d’un peuple quand on a dédié sa vie politique à l’éradiquer systématiquement.

« Avides de pouvoir et d’influence, ils s’entretuent pour gravir les échelons de l’administration néocoloniale. Premier-bouffon. Bouffon-général. Bouffon-gouverneur. Quand on est tanné de se battre, mieux vaut se vautrer dans une lâcheté aseptisée et défendre une ribambelle d’enjeux minables »

La quête pour l’indépendance n’est pas un caprice. La frayeur fédéraliste actuelle, ironiquement, le démontre parfaitement. La campagne de propagande pro-Canada orchestrée par les élites du pouvoir martèle que jamais le pays ne cédera sa terre, son pouvoir, sa culture et son identité – peu importe les bienfaits socio-économiques proposés par l’envahisseur. Voilà qui est curieux. La menace hypothétique auquelle fait face le Canada s’avère étrangement similaire au traitement que celui-ci réserve aux Québécois depuis 265 ans déjà. On redoute ce que l’on sème. Destruction de la langue et de la culture, partage des pouvoirs inéquitable, chantage économique… toutes les méthodes sont bonnes pour bâillonner le peuple québécois et le priver de son identité distincte. On réduit le passé de notre glorieux pays francophone à quelques allusions folkloriques dont les souvenirs s’effacent graduellement de la mémoire collective. Le gouvernement canadien résiste à « l’envahisseur » tout en servant d’exemple aux États-Unis quant à l’assimilation répugnante d’une nation souveraine. Pathétique. À des fossiles néo-colonialistes comme Trudeau (le père, le fils et le Saint-Esprit) et Chrétien, l’Histoire ne donne que très peu souvent raison.

Pour faire oublier à un peuple qu’il existe, il faut lui faire oublier qu’il a pu exister. Chrétien et ses sbires sont les artisans de cette identité canadienne illusoire, un nationalisme artificiel financé par les bénéficiaires du fédéralisme néocolonial. Les grands aristocrates du Beaver Club, les quartermasters et autres voraces WASPs (White Anglo-Saxon Protestants) se liguent depuis des siècles pour faire des Québécois un petit peuple, un bassin de cheap labor insignifiant. Quand il s’agit d’exploiter les ressources québécoises, l’amour canadien est sans mesure. Même chose quand un référendum s’annonce.

On est exploités par nos geôliers, jusqu’à ce que leurs chaînes nous meurtrissent trop et que par la force du nombre on gagne la volonté d’aspirer à la libération absolue de notre peuple.

Nous sommes les victimes inféodées d’un Canada hypocrite, profiteur, menteur, assimilateur un Canada bâti sur les larmes et la sueur des Québécois francophones. Un pays de Frobisher, de Molson et de McGill, aidés
dans leur funeste entreprise par quelques déserteurs opportunistes trahissant leur peuple. On me dira que ces temps sont révolus, que le patronat anglo-protestant n’est plus une menace à l’épanouissement de notre Québec, que le combat pour l’indépendance est un vestige archaïque dans un système de mondialisation frénétique. Voilà une belle pensée d’adorateur du Commonwealth, qui frémit d’excitation quand on aligne statu quo, oppression et assimilation dans un plan de société. Quand on profite de la misère de l’autre, il suffit de le nourrir juste assez pour ne pas qu’il crève de faim. Les boss sont peut-être bien morts, mais leur héritage gruge encore la détermination des Québécois. L’enjeu de la libération du Québec, tout comme sa culture et son identité, n’est pas un combat statique, monolithique. Par la montée de mouvements de valorisation de l’identité québécoise et de la nécessité de son indépendance au 20e siècle, le peuple condamné à se prostrer pour l’éternité prend son destin en main. Ainsi naissent le Rassemblement pour l’indépendance nationale, le Front de libération du Québec, le Parti Québécois déterminés à octroyer une souveraineté chèrement payée et amplement méritée aux Québécois.

Le sabotage fédéral s’amorce aussitôt que le mouvement se démocratise et gagne en importance pas question de laisser un petit peuple réaliser qu’il peut devenir grand. On nous menace de refuser le résultat du référendum, de nous soutirer nos maigres pensions, de faire du Québec le paria miteux de l’Amérique. Le Québec, étouffé par un Canada qui dépend de lui, ne trouve pas la force de se séparer. Les chaînes sont rouillées mais on se refuse à s’en débarrasser, on y est trop habitués.

À l’incertitude, certains préfèrent la servitude.

L’internalisation de l’oppression canadienne donne naissance à un infect regroupement de bouffons fédéralistes obsédés par l’unité d’un pays dysfonctionnel depuis sa création. Avides de pouvoir et d’influence, ils s’entretuent pour gravir les échelons de l’administration néocoloniale. Premier-bouffon. Bouffon-général. Bouffon-gouverneur. Quand on est tanné de se battre, mieux vaut se vautrer dans une lâcheté aseptisée et défendre une ribambelle d’enjeux minables. Pour essayer d’oublier qu’on trahit son peuple, rien de plus efficace que se liguer avec ceux qui affirment qu’il n’existe pas. Le pire dans tout ça? L’oppresseur fédéraliste originel cède sa place à une confrérie de bouffons qui se portent volontaires pour assujettir leurs frères québécois contre un titre, médaille de l’Ordre du Canada en option.

Les Québécois libéraux fédéralistes comme Chrétien, ils pullulent. Ils empestent la petite bourgeoisie (ou la grande aristocratie) et les idées de grandeur opportunistes. Par leurs manigances, ils corrompent la pureté
du débat identitaire québécois. Ils s’appliquent minutieusement à rendre le statu quo alléchant, indispensable. Ils rendent l’indépendance partisane, ils profanent l’idéal de liberté, ils crachent sur l’identité québécoise.

L’indépendance, je le répète, ce n’est pas une idéologie qu’on peut placer bêtement sur un spectre. C’est une évidence, un instinct, une nécessité à la condition humaine.

Sont Québécois tous ceux qui aiment la culture québécoise et veulent s’en faire les bâtisseurs.

Sont Québécois tous ceux qui désirent l’avancement collectif de la société qu’ils intègrent.

Sont Québécois tous ceux qui veulent voir la nation prospérer loin du joug abusif d’une confédération qui ne voit en nous qu’une vache à lait gouvernée par une assemblée de bouffons.

Sont Québécois tous ceux qui rêvent d’indépendance.

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Pop : Éclater l’enseignement sélectif https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/pop-eclater-lenseignement-selectif/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57915 Des cours gratuits proposés par l'UPop Montréal.

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Pourquoi notre éducation supérieure devrait-elle se cloisonner à l’apprentissage d’une seule discipline, de nos 18 à nos 25 ans? Comment se fait-il qu’il faille payer et s’investir à temps plein ou partiel pour se renseigner, discuter, débattre en société? À l’heure où le président américain tente d’étouffer la science pour en balancer les cendres sous le tapis, des chercheur·se·s bénévoles et passionné·e·s continuent de solidifier les bâtisses de notre démocratie avec le ciment de leurs questions, hypothèses, découvertes et critiques. Ils·elles s’appliquent à partager des cours compréhensibles et accessibles pour nous tous, acteur·rice·s de notre démocratie.

Créer une société vivante

UPop Montréal, créée en 2010, est un organisme à but non lucratif qui s’inspire du mouvement alternatif des universités populaires européennes. Sa mission est de rendre le savoir accessible, en créant des lieux de rencontre, de réflexion et de partage des connaissances, le tout dans des espaces conviviaux, tels que des cafés et librairies. L’UPop soulève le couvercle de questions socialement vives : des objets de débats et d’incertitudes qui invitent les gens à enquêter sur leur quotidien de façon interdisciplinaire. « La gestion des déchets est une question socialement vive », soutient Blandine, le micro en main, éclairée par un projecteur d’appoint dans le Café les Oubliettes près du métro Beaubien. Postdoctorante en éducation à l’écocivisme, la chercheuse présente à une quarantaine de participant·e·s le deuxième panel de son cours : « Décoloniser la gestion des déchets. »

« C’est l’esprit critique du citoyen qu’elle veut stimuler plutôt qu’enseigner une technique ou une théorie »

L’intervention de Blandine est suivie d’une heure de discussion ouverte où le micro chemine entre les mains des différent·e·s participant·e·s, une « petite communauté éphémère », peut-on lire sur le site, composée de personnes de tous âges et origines. Ici, les gens viennent et reviennent à chacune des quatre séances du cours organisé par Blandine. Les cours proposés ne présentent pas un savoir tout clé en main : le propre d’une question vive est qu’elle n’a pas de solution évidente, ne suit ni une théorie prescrite ni un activisme particulier. Un angle de recherche est une prise de position, surtout quand il s’agit d’en faire une histoire ludique pour enseigner à des novices. Il s’agit avant tout d’une proposition, qui est ensuite enrichie par les débats de groupe. On se rend alors compte qu’il y a dans ce même café des professionnel·le·s du milieu, des enseignant·e·s, des gens qui travaillent pour la ville ou qui partagent leur expérience personnelle. On peut lire sur le manifeste de l’UPop : « Les personnes présentes seront des peintres, des plombiers, des sculptrices, des charpentiers, des informaticiennes. Peut-être bien des astronomes, des architectes, des musiciennes, des poètes. Des libraires, des typographes, des flâneurs. Nous aurons besoin de beaucoup de flâneurs. Beaucoup. »

Des chercheur·se·s engagé·e·s

À l’hiver 2025, la programmation annonce six thèmes présentés chacun par un·e chercheur·se qui décline sa recherche sous ses différentes facettes lors de deux à quatre rencontres. Les présentateur·rice·s bénévoles, sont conscient·e·s que la recherche ne doit pas être choyée et noyée dans une pile d’articles scientifiques, et que le savoir n’a de portée que si reçu par un·e citoyen·ne. Blandine explique qu’elle a contacté l’UPop pour proposer son cours quand elle est arrivée au Canada l’année dernière. Elle mène une recherche transculturelle en Corse, au Cameroun, et au Québec. Même si elle venait à enseigner dans un contexte universitaire traditionnel, c’est l’esprit critique du citoyen qu’elle veut stimuler plutôt qu’enseigner une technique ou une théorie : « J’aimerais enseigner aux professionnels, aux ingénieurs de l’environnement. Je pense qu’on devrait les aider à travailler leur propre rapport à l’environnement pour voir des répercussions positives sur leur travail. » Lors de son cours sur la gestion des déchets, elle a apporté une valise entière de livres qui ont nourri sa recherche. Elle les dispose sur une table du café pour que les participant·e·s puissent les regarder, voire les emprunter.

« Au-delà des droits et des devoirs du ou de la citoyen·ne, l’éducation est un muscle d’empathie et d’émerveillement pour tout ce qui nous entoure au quotidien »

Ouvrir notre troisième oeil

Une question socialement vive donne l’occasion d’enquêter sur son quotidien et d’aiguiser un regard sur la réalité de nos rues, de nos voisin·e·s, du contenu sur notre flux en ligne, des aliments que l’on mange. C’est ce qui peut manquer à l’université, qui nous apprend des cas pratiques et des théories du 20e siècle alors que le 21e siècle continue de se dérouler, qu’on y participe activement ou non. Blandine soulève que « 60 à 80% des apprentissages se font en dehors des institutions ». Rien qu’en assistant à l’intervention engagée de Blandine, le jet d’ordures dans la rue, l’emballage de tofu jeté après la préparation d’un repas et le passage du camion poubelle le lundi matin peuvent être perçus différemment. L’œil est aiguisé sur le présent parce qu’il a compris le passé : la recherche est contextualisée dans l’Histoire et les définitions de ses termes clés. Par exemple, Blandine brosse le portrait du déchet dans son contexte sociohistorique, en comparant des sociétés, la représentation du déchet pour les pauvres et les riches, sa symbolique, et se concentre ensuite sur le présent et la façon dont il est abordé aujourd’hui. Elle compare sa place dans nos rues et dans les rues du Cameroun et de Corse, où elle a aussi mené sa recherche. Blandine mentionne la façon dont les objets ont remplacé les mots dans les déclarations d’amour, d’amitié, de félicitations : on offre des cadeaux plutôt que de parler, ce qui participe à une consommation démesurée.

Une organisation qui reflète la mission

Au sein de l’UPop, il n’y a pas de recteur·rice ni d’administration : tous les membres du collectif bénévole proposent des chercheur·se·s à contacter et reçoivent les propositions de chercheur·se·s enthousiastes. La mission de l’UPop ne s’arrête d’ailleurs pas à l’organisation des rencontres : les séances sont publiées sur leur site sous forme de balados ou de vidéos. « On fait avec ce qu’on a! », s’enthousiasme Alex, membre du collectif organisationnel. Un pot est placé à la fin de la séance pour amasser des dons qui servent au bon fonctionnement de l’UPop, comme l’achat de micros-cravates pour enregistrer les prochaine séances.

Dans les universités classiques, des conférences ouvertes au public rendent accessibles des angles d’actualité aux citoyen·ne·s – souvent les étudiant·e·s de l’université – dans tous les départements. Au-delà des droits et des devoirs du ou de la citoyen·ne, l’éducation est un muscle d’empathie et d’émerveillement pour tout ce qui nous entoure au quotidien.

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Une année de plus, mais toujours pas plus certaine https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/une-annee-de-plus-mais-toujours-pas-plus-certaine/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57921 Choisir entre études, travail, voyage ou tout ce dont on rêve.

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Hier, je célébrais mon anniversaire. Aujourd’hui, je suis une année plus vieille, et une année plus proche de la fin. Malgré tout, je vois cette nouvelle année comme un nouveau début. Cette année marque aussi la fin d’un chapitre important, avec ma remise de diplôme qui arrive à grands pas. Bien que je tente de me rassurer et de rester optimiste face au futur, ça reste une période d’instabilité, d’incertitude, et je ne sais à quoi m’attendre des mois qui viendront.

On parle souvent de la vingtaine comme des plus belles années d’une vie, d’une ère de liberté teintée par la frivolité et la légèreté d’esprit. On en parle comme d’une période d’exploration de soi. On souligne ces soirées qui ne finissent jamais, ces départs en voyage sur un coup de tête, cette liberté intarissable. Et quelque part, il y a du vrai dans ce portrait de la vingtaine. Mais, on parle beaucoup moins souvent du vertige que cette période peut impliquer, surtout vers la fin des études. Ce moment étrange où les repères tombent un à un, où les échéances changent de nature. Ce ne sont plus des devoirs à remettre ou de la matière à apprendre par cœur, mais plutôt des candidatures à envoyer, des décisions à prendre, et des portes qui se ferment parfois avant même qu’on ait pu les pousser.

Depuis que je suis toute jeune, les différentes étapes de la vie étaient relativement balisées : l’école primaire, le secondaire, le cégep, puis l’université. On avançait tous ensemble à travers ces étapes préétablies, ce calendrier commun. Notre vie était dictée par un rythme que l’on partageait tous plus ou moins, qu’on suivait tous. Et maintenant? Il n’y a plus de sentier battu. Certains d’entre nous cesseront leurs études, certains poursuivront des études universitaires de deuxième cycle. Certains travailleront dans le champ professionnel auquel ils ont dédié leurs études. D’autres changeront complètement de milieu. Il n’y a plus de guide : nous sommes, plus que jamais, libres. Cette liberté, bien qu’elle ait une part de beauté, est profondément angoissante — du moins, pour moi.

J’ai 23 ans. Je suis jeune. C’est ce qu’on me répète souvent. Mais pourquoi, alors, ai-je l’impression d’être en retard? Pourquoi est-ce que chaque jour passé à ne pas « avancer » me semble perdu? Ce sentiment, je sais que je ne suis pas seule à le ressentir. Autour de moi, plusieurs amis vivent la même chose : une sensation d’être suspendus dans les airs, entre deux mondes, celui de la vie académique et l’autre de la vie professionnelle, à la fois pressés d’agir et paralysés par la peur de se tromper. Détenteurs de baccalauréats, nous espérons pouvoir faire ce que nous désirons, mais rien n’est si simple. Un dilemme se présente à moi et à tous ceux qui graduent : poursuivre ses études, entrer sur le marché du travail ou voyager, lâcher tout pour voir le monde? Faire une maîtrise, accepter n’importe quel emploi en attendant, prendre une année de pause, déménager loin d’ici, rester? Chaque option semble valide. Et chaque option semble risquée. Chaque option a une part de bien, mais peu importe ce qu’on choisit, des sacrifices devront être faits.

Ajoutons à mes angoisses un marché du travail extrêmement compétitif qui n’aide en rien.

Trouver un emploi à Montréal en ce moment, ce n’est pas une mince affaire. Même avec un baccalauréat en main, même en étant bilingue, même en ayant fait tout ce qu’il fallait. Les stages, le bénévolat, les jobs étudiants. On m’avait dit que ça paierait. Pourtant, tous les emplois qui semblent intéressants exigent souvent plusieurs années d’expérience ou des qualifications qu’aucun jeune diplômé ne peut espérer avoir. Comment peut-on commencer au bas de l’échelle si ce bas est lui-même inatteignable? Comment puis-je prouver que j’en vaux la peine?

« Autour de moi, plusieurs amis vivent la même chose : une sensation d’être suspendus dans les airs, entre deux mondes, celui de la vie académique et l’autre de la vie professionnelle, à la fois pressés d’agir et paralysés par la peur de se tromper »

Tout ce qu’il reste à faire, c’est se comparer. Comment peut-on l’éviter? On se compare à ceux et celles qui ont obtenu la maîtrise de leurs rêves, qui partent en Europe vivre leurs ambitions, qui démarrent un projet, qui semblent avoir trouvé leur voie. Une part de moi est heureuse pour eux, mais il est quasi impossible d’éviter de ressentir un peu de jalousie. Je tente de me convaincre que chaque parcours est unique, que ce n’est pas une course. Et surtout, que même ceux qui semblent les plus confiants ont aussi des doutes, des échecs et des questionnements.

Le plus important, à mon avis, c’est d’apprendre à normaliser l’incertitude. À se dire que c’est pas si
mal de ne pas savoir tout de suite. Qu’il est acceptable de prendre une pause, de réfléchir, de se tromper de chemin pour mieux avancer par après. Que de faire un choix maintenant ne signifie pas se condamner à jamais à cette décision. C’est mon cas actuellement, et on ne m’a pas assez souvent dit que c’était normal de se tromper, de se questionner, d’angoisser face au futur.

On a grandi dans un monde qui valorise la productivité, la performance, la rapidité. Ce que j’ai envie de dire aujourd’hui, c’est que ce qui demande le plus de courage, c’est de ralentir, de se poser les questions, de prendre le temps de se demander ce qu’on veut vraiment. J’ai eu envie moi aussi de sauter immédiatement vers la maîtrise, parce que c’était un choix qui impliquait peu de remise en question, peu de changement dans mes habitudes. Il aurait été bien plus facile pour mon esprit de continuer dans la lignée où j’évolue déjà, mais il est bien plus courageux que je me pose pour réfléchir à ce que je désire vraiment. Bien que cela puisse donner l’impression de stagner, c’est un travail qui représente largement plus pour mon futur.

Je ne sais pas exactement où je serai dans six mois. Peut-être ici, peut-être ailleurs. Peut-être à la maîtrise. Peut-être en plein changement de domaine — pas parce que je n’aime pas ce que je fais, mais parce que ça fait longtemps que je me suis demandé si j’aimais vraiment ce que je faisais. Peut-être que je serai encore à la recherche de ce qui me passionne réellement. Et honnêtement, ce n’est pas aussi dramatique qu’on nous le fait croire.

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Étudier en anglais comme francophone https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/etudier-en-anglais-comme-francophone/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57735 Travestir sa francophonie.

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N ous n’étudierons plus en anglais. Voilà où, après trois années à suivre des cours dans la prestigieuse université qu’est la nôtre, nos pensées s’arrêtent lorsqu’il s’agit d’envisager la suite. Que ce soit pour la maîtrise ou pour se lancer dans le monde professionnel, il est certain (ou presque) que nous chercherons désormais un environnement qui fait place à notre langue maternelle. Malgré tous les efforts que McGill puisse entreprendre afin de valoriser la langue française, choisir une université anglophone en tant que francophone nous apparaît aujourd’hui comme un travestissement d’une part intégrale de notre identité. Nous sommes avant tout francophones, et nous espérons ne pas l’oublier.

L’expérience d’une française à McGill

Éloïse : Venue de France comme un bon nombre de mes compatriotes afin de profiter d’une expérience internationale et d’une certaine renommée universitaire, j’ai laissé derrière moi ma langue maternelle lors de mes heures de cours. J’avais en effet décidé d’étudier à McGill car elle me permettait à la fois de conserver mon français en dehors de l’enceinte de l’université, ainsi que de remettre mes devoirs dans la langue qui me chantait (comprendre en français ou en anglais).

Finalement, la langue, avant même les frais universitaires — les universités hollandaises, plus abordables pour les Européens, ayant également été dans mon viseur —, a été le facteur déterminant de mon choix d’établissement. J’y voyais l’opportunité de confirmer un niveau d’anglais universitaire tout en gardant un pied dans une communauté francophone qui m’est chère.

À l’instar des communautés latines ou chinoises qui peuplent Montréal, il me semble que le français ne m’a jamais tant paru agir comme un ciment entre les habitants, une marque de nos origines respectives mais aussi un sujet à débat brûlant. En effet, tant pour les questions de protection de la francophonie, que pour ceux qui s’aventurent à mettre le doigt sur la bonne façon de parler le français, la francophonie est un sujet qui exalte le Québec et qui me paraît vivre à travers tout un chacun, bien davantage encore que dans la France que j’ai quittée depuis maintenant quelques années.

Seulement, aussi reconnaissante que je puisse être d’étudier ici et de pouvoir y pratiquer mon anglais, chaque conférence à laquelle j’assiste ou chaque publication scientifique que j’ai à lire m’apparaît comme un effort me distançant jour après jour d’un plaisir que j’avais jadis à étudier. Je ne sais pas entièrement quelle est l’origine de ce sentiment, s’il repose sur la frustration de ne pas pouvoir m’exprimer et élaborer ma pensée avec la même facilité qu’en français, sur la manière de réfléchir et d’enseigner, inévitablement influencée par la langue, ou encore sur le simple manque du plaisir de lire et d’entendre ma langue. Je sais néanmoins que ce sentiment est loin de m’être propre.

Et les Québécois?

Jeanne : Je ne prétends en rien parler au nom de tous les Québécois, mais je crois juste d’affirmer que pour une majorité d’entre nous, le français est un pilier identitaire indéniable.

Ayant grandi dans une famille francophone où j’ai toujours parlé le français à la maison, le choix d’une université anglophone en a surpris plus d’un. Certains amis de mes parents l’ont même perçu comme une insulte à mes racines francophones, estimant ce choix comme une forme de trahison, voire un quasi-blasphème, réaction largement plus dramatique qu’elle n’aurait dû l’être.

En toute franchise, choisir d’étudier en anglais était avant tout un choix pratique. J’en avais marre qu’on ridiculise mon accent, et je me disais que l’immersion dans un milieu anglophone serait la meilleure stratégie pour ne plus me sentir limitée. Après quelques années à remettre mes travaux en anglais, à me mettre au défi de prendre la parole en public dans cette langue, je ne ressens plus la même angoisse qu’autrefois à la simple pensée de devoir m’exprimer en anglais.

Pourtant, aujourd’hui, c’est un tout autre sentiment qui m’habite quand je pense à l’anglais : celui d’un certain détachement de ma langue natale.

Le paradoxe de la francophonie québécoise, c’est d’évoluer dans un environnement où le bilinguisme est omniprésent, mais continuellement critiqué de part et d’autre. Comme francophone, c’est dès l’enfance qu’on nous apprend que notre langue est fragile, qu’il faut la défendre, qu’il faut surveiller l’utilisation d’anglicismes et qu’il faut résister à l’attrait du bilinguisme. Pourtant, parler anglais est un atout, voire une nécessité, dans de nombreux domaines professionnels, et il est difficile d’ignorer la pression qui nous pousse à maîtriser cette langue pour réussir. On est en quelque sorte tiraillé entre notre langue maternelle et l’anglais, cette langue qui représente souvent une ouverture vers un monde d’opportunités académiques et professionnelles autrement inaccessibles. Que ce soit pour travailler à l’étranger, poursuivre des études supérieures à l’international ou simplement élargir son réseau, l’anglais nous est présenté comme la clé du succès.

« L’anglais a certes ouvert mon horizon, multiplié mes chances et renforcé ma confiance. Mais en même temps, il a créé une distance insidieuse avec mon français natal, me laissant cette impression étrange de naviguer entre deux mondes sans totalement appartenir ni à l’un ni à l’autre »

Jeanne, étudiante à McGill

J’ai senti que l’anglais prenait peut-être une place trop grande dans ma vie lorsqu’une dame nous a interpellés dans la rue, un ami et moi, pendant que nous discutions en franglais. Nous parlions comme nous avons l’habitude de le faire, dans une langue hybride qui me semble propre à Montréal. Cette dame, bien que plaignarde et quelque peu effrontée, complètement désemparée par le fait que nous parlions un français tant influencé par l’anglais, tenait une part de vérité : notre langue évolue, et avec elle, notre manière de nous exprimer, mais à quel prix? Cette interaction m’a fait prendre conscience que, sans m’en rendre compte, je m’éloignais peut-être de cette langue que j’avais pourtant toujours considérée comme acquise.

Bien que je chérisse ce franglais si propre à mon identité, j’ai parfois l’impression d’être coincée entre deux réalités. L’anglais a certes ouvert mon horizon, multiplié mes chances et renforcé ma confiance. Mais en même temps, il a créé une distance insidieuse avec mon français natal, me laissant cette impression étrange de naviguer entre deux mondes sans totalement appartenir ni à l’un ni à l’autre.

Retrouver sa langue

Que l’on soit Français, Québécois ou francophone d’ailleurs, il arrive un moment où l’on se rend compte que notre rapport à la langue s’étend au-delà de l’utile. C’est une part de nous, une façon de penser et d’exister. Après ces années, nous savons maintenant que nous n’étudierons plus en anglais, et qu’il nous faut désormais renouer pleinement avec le français pour nous retrouver.

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L’abandon des travailleurs étrangers temporaires https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/labandon-des-travailleurs-etrangers-temporaires/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57590 Précariser pour mieux s’en laver les mains.

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L e ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale a annoncé le 23 janvier dernier qu’à compter du 1er février 2025, les travailleurs étrangers temporaires n’auraient plus accès aux services publics d’aide à l’emploi. Cette décision s’inscrit dans une vague plus importante de mesures restrictives sur l’immigration – on peut notamment penser aux mesures visant les étudiants étrangers annoncées en 2024 – qui cherchent visiblement à limiter l’afflux de résidents non permanents au Québec. Cette politique soulève de véritables questions sur la justice et la logique derrière les politiques d’immigration de la Coalition Avenir Québec (CAQ), qui continue de reléguer au second plan la population immigrante québécoise.

Contre-intuitive et injuste

Il semble absurde de refuser des services d’aide à l’emploi à des personnes dont le statut est défini par leur capacité à travailler. L’existence même des travailleurs étrangers temporaires repose sur leur contribution à l’économie du Québec. Pourquoi leur retirer un soutien qui les aiderait à mieux intégrer le marché du travail? C’est une décision qui ne tient pas debout d’un point de vue économique ou social. Le gouvernement prétend favoriser l’emploi des résidents permanents et des citoyens, notant une hausse du taux de chômage au Québec. D’ailleurs, en ce qui concerne le taux de chômage au Québec, il se trouvait en janvier à 5,4%, demeurant largement inférieur au taux de chômage canadien de 6,6%. Il a même connu un recul depuis novembre dernier, alors qu’il atteignait les 5,9%.

Malgré tout, cette politique ne répond pas aux besoins réels du marché du travail. Au lieu d’encourager une intégration efficace des travailleurs temporaires, on leur complique l’accès à l’information et aux ressources essentielles. Les organismes mandatés d’offrir de l’aide en employabilité servent à faciliter l’intégration professionnelle des travailleurs temporaires en les outillant, en les informant sur les standards québécois et en les préparant au milieu de l’emploi spécifique au Québec. À mon avis, ce qui ressemble à une stratégie électoraliste populiste cache d’autres motifs : cette mesure se traduit plutôt par une précarisation forcée de travailleurs étrangers, ceux-ci représentant déjà une part vulnérable de la population.

Une stratégie d’usure calculée

Il ne faut pas voir cette décision comme un simple ajustement administratif, mais plutôt comme une tactique de fragilisation volontaire et consciente. La CAQ est connue pour ses mesures abusives, voire dérisoires quant à l’immigration : l’apprentissage du français en six mois ou une maîtrise préalable de la langue, restrictions accrues sur les domaines d’emploi prioritaires, et j’en passe.

Aujourd’hui, c’est l’exclusion des services publics d’aide à l’emploi pour les travailleurs temporaires. Demain, ce sera autre chose. Ces mesures ne font pas disparaître le besoin de main‑d’œuvre – le gouvernement estime qu’il y aura au-delà de 1,4 million de postes à combler d’ici 2030 – mais rendent le parcours plus difficile pour les étrangers souhaitant s’établir au Québec.

« Aux yeux de la CAQ, ils sont une population transitoire, au même titre que les étudiants étrangers, dont la pré- sence est tolérée tant qu’elle sert les intérêts économiques de la province, mais dont l’intégration durable n’est ni souhaitée ni encouragée »

J’irais même jusqu’à dire qu’on peut lire entre les lignes une volonté caquiste de pousser ces travailleurs à quitter la province, ou le pays, d’eux-mêmes. En rendant leur séjour au Québec plus complexe, la CAQ espère qu’ils repartiront plutôt que de s’accrocher à un système qui leur met constamment des bâtons dans les roues. Il s’agit d’un moyen de réduire la présence des travailleurs étrangers sans avoir à en interdire officiellement l’entrée. Aux yeux de la CAQ, ils sont une population transitoire, au même titre que les étudiants étrangers, dont la présence est tolérée tant qu’elle sert les intérêts économiques de la province, mais dont l’intégration durable n’est ni souhaitée ni encouragée.

Fragiliser l’économie québécoise

D’un point de vue purement pragmatique, cette décision me semble risquée pour l’économie québécoise. Je ne suis en rien économiste, mais, alors que la province fait face à une pénurie de main‑d’œuvre dans plusieurs secteurs, il me semble irrationnel de restreindre l’accès aux services qui facilitent l’employabilité des travailleurs déjà présents sur le territoire. Comment peut-on se permettre de renvoyer ces travailleurs alors que certains secteurs – pensons à l’agriculture, la santé, la restauration – dépendent grandement de la main‑d’œuvre immigrante? En rendant l’accès à l’emploi plus difficile pour ces travailleurs, la CAQ ne fait qu’aggraver la pénurie et met en péril des chaînes de production et de services essentielles. On s’attendrait plutôt à des mesures facilitant l’accès à l’emploi, pas l’inverse.

Une dérive politique plus large

Cette restriction s’inscrit dans un mouvement plus large de fermeture à l’immigration, au Québec et ailleurs. Le gouvernement Legault, souvent critiqué pour sa gestion de l’immigration, semble pourtant s’insérer dans une tendance mondiale de durcissement des frontières et de rejet des populations immigrantes. Dans un contexte où les crises économiques poussent plusieurs pays à resserrer leurs politiques migratoires, la montée de l’extrême droite et de la xénophobie alimente des mesures qui fragilisent les tissus sociaux et s’attaquent aux populations les plus vulnérables. Ces politiques ne règlent en rien les défis structurels du marché du travail, mais répondent plutôt à aux pressions populistes qui cherchent des boucs émissaires plutôt que de véritables solutions.

Dans un climat de compressions budgétaires, les premières victimes de ces politiques sont toujours les plus précaires. Les coupures dans le domaine de la santé, par exemple, affecteront d’abord de manière disproportionnée les personnes à risque ayant un accès limité aux soins. De la même manière, les restrictions sur l’emploi visent un groupe déjà marginalisé, renforçant leur isolement et leur vulnérabilité. Si on regarde à l’échelle mcgilloise, les compressions budgétaires de 45 millions annoncées le 7 février dernier par l’administration impacteront en premier les plus fragiles, les étudiants.

Ce qui se cache derrière ces mesures, c’est une vision de l’immigration comme un fardeau plutôt qu’une ressource. Pourtant, dans un Québec confronté à un vieillissement de la population et à un manque de travailleurs, les travailleurs temporaires, et plus largement, la population immigrante, sont plus que jamais essentiels. L’immigration au Québec est ce qui fait sa beauté, sa richesse, pas le contraire.

Main dans la main

Plutôt que d’imaginer des stratégies pour exclure les travailleurs étrangers temporaires, le gouvernement Legault ferait mieux de reconnaître leur rôle crucial dans le tissu économique et social du Québec. Cette politique est non seulement injuste, mais aussi contre-productive. Elle affaiblit la main‑d’œuvre locale, exacerbe les pénuries et véhicule un message de rejet aux immigrants qui pourraient autrement choisir de s’installer de façon permanente au Québec. Face à ces enjeux, il est essentiel de résister à ces discours d’exclusion et de rappeler que l’immigration n’est pas une menace, mais une force. Les travailleurs étrangers méritent mieux qu’un système qui les pousse vers la sortie au lieu de leur offrir des opportunités.

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Pour la prochaine fois… https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/pour-la-prochaine-fois/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57658 Proposition pour la libération d’un Québec souverain.

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L’acharnement, si la cause est juste, on appelle ça de la persévérance. On dira peut-être que je m’acharne contre la servilité libérale et sa détestable propension à faire de la politique un risible culte de la personnalité. Pouvez-vous vraiment m’en vouloir? À peine débarrassés du fanatisme frénétique pro-Trudeau, les Québécois vont devoir subir une énième campagne de séduction importée cette fois-ci au provincial. Les dignitaires et attachés (pour ne pas dire ligotés) de presse du Parti libéral du Québec (PLQ) ont jeté leur dévolu sur Pablo Rodriguez – ancien ministre de l’Assimilation québécoise (plus formellement, du Patrimoine canadien) et ministre des Transports sous Trudeau. Moi, l’Honorable Pablo Rodriguez, je le trouve parfaitement correct, parfaitement libéral. Il est aussi parfaitement digne de s’incliner devant un Parti Québécois renaissant de ses cendres. Mais de là à déclencher la Pablomania, à faire de moi (ou quiconque de minimalement sagace) un Pablophile : il y a tout de même des limites!

L’insipide et artificielle partisanerie dont est affublée la politique québécoise paralyse toute possibilité pour le Québec de s’arracher à l’emprise de l’oppresseur fédéral par mesure référendaire. Chaque minuscule enjeu fait l’objet d’une décortication chirurgicale suivie d’une prise de position plus ou moins cohérente, contribuant à la polarisation toujours plus excessive de l’électorat québécois. En voulant faire des gains modérés au prix de pertes mineures, chacun des partis se crée une base militante toujours plus radicale et intolérante au message d’autrui. On veut nous voir voter pour la meilleure politique migratoire, économique, socio-développementale – secteurs essentiels, mais voués à une éphémérité dépendante des allégeances politiques du parti au pouvoir. La plateforme caquiste (CAQ) devient alors complètement incompatible avec les valeurs promulguées par le Parti québécois (PQ) ou Québec Solidaire (QS) – les Québécois reléguant l’idéal indépendantiste au rang d’enjeu secondaire, minable, inatteignable.

Aux charognards fédéralistes de se pourlécher devant la carcasse que devient le camp du OUI. La mort de l’identité québécoise passe par une incompréhension de ce qui la garde réellement en vie. Les trois partis dont la plateforme n’exige pas une soumission humiliante à un Canada néocolonial anglophone sont incapables de délaisser leurs différends idéologiques dans la poursuite de l’indépendance. Un Québec socialiste, dadaïste, anarchiste ou gaulliste : quelle importance s’il est placé sous le joug étouffant d’un Poilièvre ou d’un Carney – deux maudits « francophones » de téléprompteur! La valorisation du Québec comme une nation francophone et identitairement détachée du Canada est une partie intégrante (à des degrés variables) de l’idéologie de la CAQ, du PQ et de QS – comment orienter leurs électorats vers la souveraineté?

Dépolitiser l’indépendance

Ma hantise de la partisanerie factice m’amène à présenter une solution focalisée sur la simple formation d’un Québec par un parti dont c’est le seul objectif. Pas de plateforme compliquée et orchestrée par le désir du plus offrant : un message, une promesse de poursuite acharnée de l’indépendance. Un parti qui, si élu démocratiquement, prévoit le déclenchement d’un référendum – permettant à un éventuel Québec souverain de décider de ses propres fondations par la suite. Il ne faut pas s’imaginer qu’en gagnant son indépendance, le Québec perdrait l’immense richesse politique qui le compose, mais plutôt qu’il serait enfin maître de toutes les facettes de son existence. La protection de la langue, de la culture et de l’autodétermination ne peut se faire autrement que par un référendum, pouvant n’être gagné que par l’union idéologique des Québécois pour la survie de leur identité.

Les fédéralistes dotés d’une capacité pour la lecture insisteront sur le fait qu’une telle initiative est un gaspillage de temps, l’appui référendaire étant d’à peine 34% en date de février 2025. Si seulement ils savaient interpréter ce déclin, forcé par la politisation de l’enjeu de l’indépendance! Si le PQ est encore le meilleur vaisseau disponible pour la sauvegarde du Québec, il reste imparfait, étant donné son incapacité à faire de l’indépendance son unique objectif. Il gagne de précieux votes en se prononçant sur différents enjeux pour gagner une bataille, l’élection de 2026 : en agissant ainsi, est-il en train de perdre la guerre pour la souveraineté du Québec? De ce questionnement émane la pertinence de proposer une alliance nationaliste, souverainiste, indépendantiste (peu importe la désignation de notre libération) : le futur du Québec en dépend. Peu importe le nom qu’elle porte ou le poids idéologique qu’elle sous-tend, notre nation doit prioriser le rejet de l’opprobre fédéral et la création d’un pays francophone.

Le réel combat

Il pourrait m’être proposé qu’être un fédéraliste n’empêche pas d’aimer le Québec, de vouloir son bien par sa présence dans un Canada fort et uni. Quelle manifestation épouvantable du syndrome de Stockholm! Quelle idée insensée de suggérer que le Québec s’épanouit au sein de la Royal Colonial Administration : toutes les mesures prouvent le contraire! Son identité s’effrite, sa langue disparaît inexorablement et sa richesse est partagée avec des profiteurs canadiens qui ne professent leur amour pour le Québec que pendant les campagnes référendaires. Les adorateurs commandités du système fédéral assurent que l’unité est la seule manière de résister à des despotes comme Donald Trump, mais ils plient lâchement l’échine dès la première confrontation! Comment oser prétendre que le Canada ferait mieux que le Québec alors que sa gestion étouffante le détruit de l’intérieur?

Nous, Québécois et Québécoises, plions l’échine depuis 265 ans face au colonialisme, tantôt britannique, depuis canadien. Non pas par lâcheté, mais à cause de l’influence pernicieuse qu’ont exercée le Doric Club, le PLQ et leurs sous-fifres dans la répression des Québécois nés pour la libération de leur peuple. Il est primordial de le constater et de passer outre les divisions artificielles créées dans des efforts de gain en capital politique. Qu’on ne me dise pas que je soutiens un Québec gouverné de manière totalitaire, par une idéologie monolithique! Je veux simplement l’alliance de la multitude pour un objectif qui va permettre la survie de la nation, qui continuera de voir sa politique fluctuer d’un côté à l’autre du spectre politique. L’indépendance, ce n’est pas une idée de droite, de gauche, du centre : c’est une valeur fondamentale de l’existence humaine.

Ce que les Québécois doivent comprendre lorsqu’ils exercent leurs droits démocratiques, c’est que la survie du Québec qu’ils aiment dépend de son indépendance, de sa libération de l’assujettissement fédéral anglophone. La disparition de la culture et de l’identité nationale serait la pire catastrophe dont notre peuple pourrait être la victime : elle est déjà solidement enclenchée. Battons-nous pour l’indépendance, envers et contre tous les opposants fédéralistes qui veulent étouffer la volonté d’exister d’un peuple francophone! La prochaine fois approche… saurons-nous enfin nous unir?

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Pablo Rodriguez, pour l’amour du Québec https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/pablo-rodriguez-pour-lamour-du-quebec/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57353 Le PLQ en reconstruction, on a la solution.

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C’est officiel : depuis le 13 janvier, la course à la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ) est lancée. Il faut le dire, cette course est loin d’être anodine, bien au contraire. En fait, elle s’amorce à un moment crucial pour notre formation politique, un moment où le parti est en reconstruction identitaire, allant des valeurs aux politiques. Depuis la défaite de Philippe Couillard en 2018 et celle de Dominique Anglade en 2022, beaucoup se demandent ce qu’il adviendra du parti, qui est désormais réduit à une députation enclavée à Montréal et dans l’Outaouais. Dans ces moments de réflexion, l’identité libérale elle-même est remise en question par plusieurs militants. Après tout, dans une arène politique jusque-là dominée par la Coalition Avenir Québec de François Legault, qu’est-ce que ça signifie d’être libéral? Les jours où le parti de Robert Bourassa, Jean Lesage et Jean Charest remportait le cœur des Québécois semblent révolus. Après de tels rebondissements, il ne restait qu’à mettre la clé sous la porte pour ce parti, qui a pourtant façonné la vie politique québécoise durant les 150 dernières années.Cependant, en politique, il y a parfois des surprises, des coups de théâtre. Cette fois-ci, c’est ce qui est arrivé. Après avoir traversé la rivière des Outaouais, quittant Ottawa pour revenir au Québec, Pablo Rodriguez, l’excellent député fédéral d’Honoré-Mercier, annonce qu’il se lance pour la chefferie du PLQ. On a désormais une course, une vraie

Pablo et le Québec

Né en Argentine de parents opposés au régime brutal de Videla, Pablo quitte la dictature alors qu’il n’a que huit ans, direction Sherbrooke. C’est dans les magnifiques Cantons-del’Est qu’il grandit. Il y apprend le français, se plonge dans la culture, tombe amoureux de nos artistes, comme Paul Piché et Robert Charlebois, et poursuit ses études universitaires. À Sherbrooke, Pablo Rodriguez choisit le Québec et le Québec le choisit. L’histoire de la famille Rodriguez, c’en est une de réussite et d’adaptation à la société québécoise. Cette appartenance au Québec n’est pas que culturelle, elle est aussi politique. Pendant les débats constitutionnels, Pablo se joint à l’influente Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec (CJPLQ) – vraie force politique qui continue de faire vibrer le parti à ce jour. Il y fait ses premiers pas politiques, militant pour un Québec fort dans une union canadienne tout aussi forte. Pendant son temps à la CJPLQ, il parcourt les quatre coins du Québec, rencontre le monde, le vrai, et c’est là qu’il adopte son style bien à lui : l’authenticité. Croyez-moi sur parole, j’ai rencontré de nombreux de politiciens dans ma vie, du municipal au fédéral, en passant par le provincial. Pourtant, je n’ai jamais rencontré une personne comme Pablo ; c’est ce genre de personne spéciale, tout aussi à l’aise de parler avec mon père de la dernière partie de hockey que d’enjeux nationaux à la table des ministres.

« Après avoir traversé la rivière des Outaouais, quittant littéralement Ottawa pour revenir au Québec, Pablo Rodriguez, l’excellent député fédéral d’Honoré-Mercier, annonce qu’il se lance pour la chefferie du PLQ. On a désormais une course, une vraie »

Le bagarreur

Après un parcours remarqué à la CJPLQ, je crois qu’il est devenu évident qu’un tel talent politique ne pouvait pas être perdu dans les limbes. Cela aurait été un vrai gâchis. En 2004, Rodriguez se lance donc sous la bannière du Parti libéral du Canada, alors dirigé par Paul Martin, pour briguer la circonscription montréalaise d’Honoré-Mercier. Alors que le parti se voit retirer la majorité dont il disposait depuis 1993, Pablo conserve la circonscription. Il fait donc son entrée dans l’enceinte de la démocratie canadienne. Il joue un rôle de premier plan dans le caucus du Québec dès son premier mandat. À mes yeux, le plus intéressant dans la carrière de Pablo, ce ne sont pas ses nombreuses victoires, mais sa manière de réagir à la défaite. En 2011, alors que le parti allait mal et qu’il était pris dans multiples scandales, le Nouveau Parti démocratique se présente comme la première force d’opposition face aux conservateurs. C’est donc dans ce contexte que les néodémocrates emportent 59 sièges au Québec ; et, par la même occasion, remportent Honoré-Mercier, une forteresse libérale. Monsieur Rodriguez se retrouve donc évincé du parlement.

Comme tant d’autres, il aurait pu passer à autre chose, il aurait pu se trouver un emploi payant dans le secteur privé. Au lieu de cela, poussé par l’amour de la fonction et par la passion de servir ses concitoyens, pendant les quatre années qui le séparent de la prochaine élection générale, il prépare le terrain pour son grand retour et celui du parti. Alors que le bateau coule, Pablo s’adonne corps et âme pour regagner la confiance de la population. Il construit des ponts entre le parti et les québecois déçus par le passé des libéraux, et soutient un parti en reconstruction. Pour vous démontrer l’ampleur de son implication, il a pigé dans ses économies personnelles pour aider au financement du parti. Donc, ceux et celles qui pensent que Pablo agit en opportuniste en quittant Ottawa pour revenir au Québec se trompent. Rodriguez, c’est un battant. Je le sais, parce qu’en 2015, après de nombreux soupers spaghetti pas toujours glamour et des tonnes d’épluchette de blé d’Inde, il redevient député dans un gouvernement libéral majoritaire. La victoire du parti aurait été impossible sans les personnes qui, comme Pablo, ont mis la main à la pâte pour préparer le terrain.

Le Québec et Pablo

Pour moi, le choix pour Pablo de revenir à ses racines québécoises n’est pas le fruit du hasard. Ce n’est pas seulement le PLQ qui, à l’instar du PLC en 2011, est à la croisée des chemins. C’est aussi le Québec tout entier. En 2018, la CAQ de François Legault se présentait devant la population en offrant des remèdes à tous nos maux. En santé, en éducation, en immigration, les candidats caquistes nous disaient comment ils allaient être en mesure de tout régler. Il n’en demeure pas moins que, près de huit ans plus tard, très peu a été accompli. On attend toujours autant dans les salles d’attente, il y a encore des défis importants en éducation, et l’immigration a été utilisée comme un levier pour faire des gains politiques. Aujourd’hui, avec des enjeux comme celui de la sécurité de la frontière avec les États-Unis, il nous faut une personne d’expérience qui soit capable de nous guider avec brio. Dans des moments incertains, il nous faut un bagarreur. Dans le moment présent, il nous faut un Pablo Rodriguez. Collectivement, on ne peut pas se permettre de faire fi d’une telle candidature

Pablo et moi

En conclusion, je vous avoue que je connais bien Pablo. Je l’ai rencontré pour la première fois en 2015, alors qu’il faisait le tour du Québec pour préparer le parti aux élections générales. Depuis, je l’ai revu à plusieurs reprises, assez pour être convaincu qu’il est la bonne personne pour diriger le Québec lors d’un moment aussi décisif. Une chose qui me frappe à chaque fois que je revois Pablo, c’est son authenticité. C’est une personne qui est aussi drôle que sérieuse, aussi réfléchie que terre à terre. Avec Pablo, what you see is what you get. L’ayant fréquenté à quelques reprises, je ne peux vous dire à quel point il est l’homme de la situation, la personne dont nous avons besoin pour faire rayonner le Québec et le remettre sur les rails. Pablo, tu peux compter sur moi!

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Rage féminine : refuser d’être silencieuse https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/rage-feminine-refuser-detre-silencieuse/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57369 Notre colère est essentielle.

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Cette semaine, j’ai lu un article du Financial Times qui expliquait que l’un des échecs du mouvement woke – idéologie prônant la prise de conscience des inégalités entre les genres, les orientations sexuelles, et autres dénominateurs minoritaires, ainsi que le racisme systémique – accordait une importance trop grande aux différences. Selon l’auteur, il serait plus judicieux de cesser d’insister sur ce qui nous distingue et de plutôt célébrer ce qui nous unit. L’argument, bien qu’il puisse sembler séduisant pour certains, m’a immédiatement repoussée, répugnée même. Comment peut-on ignorer les différences, alors qu’elles sont au cœur même de nos identités et qu’elles façonnent nos existences? Comment demander aux opprimés de taire ce qui les rend marginalisés, invisibilisés?

Cette volonté de nier les fractures sociales ne fait que les creuser davantage, et ne sert que les classes dominantes qui continueront de profiter de l’illusion d’une harmonie factice, tout en maintenant intactes les structures d’oppression qui les avantagent. En essuyant les différences, on ne fait que perpétuer un statu quo où seuls ceux qui n’ont jamais eu à justifier leur place continuent de prospérer, au détriment de celles et ceux dont l’existence même est une lutte pour la reconnaissance. Je ne peux en rien parler au nom de tous les groupes qui subissent en silence le poids du patriarcat blanc, mais je peux parler longtemps du fait que les femmes sont encore aujourd’hui trop souvent mises de côté, ridiculisées et regardées de haut par cette pseudo-élite masculine toute puissante.

Ni dociles, ni désolées

En classe, au travail, à la maison, je raidis – de colère ou d’inconfort, je l’ignore – à l’écho même de l’opposition masculine qui suit, trop souvent, mes interventions – ou celles de mes consœurs. C’est comme si les femmes ne pouvaient jamais avoir raison, ou du moins, pas sans l’approbation des hommes. Comme si chaque prise de parole était un défi lancé à l’ordre établi, une intrusion dans un territoire qui ne nous appartient pas et qui, semblerait-il, ne nous appartiendra jamais. C’est épuisant, insupportable et ça doit cesser. Malgré les avancées en termes d’égalité des genres, paraît-il que nos voix n’écraseront jamais celles de nos contreparties masculines. Le privilège d’être un homme est encore une réalité, malgré ce que ces influenceurs masculinistes tenteront de nous faire avaler. J’en ai marre, c’est dit.

Chaque jour, comme presque toutes les femmes, j’en suis sûre, je me heurte à ces murs invisibles. Des regards condescendants, des interruptions incessantes, des ricanements à peine voilés lorsqu’une femme ose hausser la voix. C’est après une conversation avec une amie que j’ai réalisé l’ampleur du problème : elle soulignait comme quoi, au travail, les hommes prenaient systématiquement plus de place en réunion, s’appropriant ses idées ou reformulant ses propos pour mieux se les attribuer. Elle me racontait aussi comment, lorsqu’elle avait exprimé une opinion tranchée et avait refusé de flancher devant un homme, elle avait été rencontrée par sa supérieure – une femme, d’ailleurs – à la suite d’une plainte la décrivant comme agressive et trop émotive. Ses collègues masculins, dans la même situation, auraient été qualifiés de fermes ou auraient été loués pour leur confiance en eux. J’ai réalisé que ce schéma se répétait partout, dans tous les espaces, peu importe l’échelle, l’expertise ou l’assurance. 2025 avait fait promesse de renouvellement, mais à ce niveau-là, c’est toujours la même galère.

« La féministe enragée dérange. La FEMEN, les seins nus en pleine rue, scandalise. On ne supporte pas l’image d’une femme qui ne demande pas poliment son dû, mais l’exige, qui ne sourit pas, mais hurle »

Ce schéma oppressif à l’égard des femmes n’existe pas que dans les cadres professionnels, mais s’étend aussi aux cercles plus progressifs, comme dans le milieu du militantisme. Le masculinisme s’infiltre partout, au sein même des espaces progressistes. Les manarchistes, ces hommes qui se revendiquent alliés féministes tout en maintenant des comportements patriarcaux, ne sont pas moins oppressants que les conservateurs assumés. Ils prennent la parole en premier, s’arrogent le rôle de représentant des luttes qui ne les concernent pas directement et exigent reconnaissance pour leur simple présence. Pire, ils demandent aux femmes de tempérer leur colère, d’être « constructives », « pédagogues », « ouvertes au dialogue ». Comme si notre rage était un caprice, une impolitesse, plutôt que la réaction légitime à des siècles d’oppression. L’ego masculin est si important qu’il exige d’être ménagé, de ne jamais être confronté aux réalités dénoncées par les femmes, même dans les cercles les plus privilégiés, ceux dotés du capital social pour se révolter.

La femme en colère

La rage féminine est méprisée, ridiculisée, caricaturée. La femme en colère est hystérique, irrationnelle, hors de contrôle. On l’infantilise, on la discrédite. Pourtant, cette rage est essentielle. Elle est la flamme qui alimente les révolutions, la force qui ébranle le statu quo. Chaque cri, chaque manifestation, chaque refus d’obtempérer est une victoire en soi. Mais encore faut-il avoir le droit d’exister en tant que femme en colère, que quelqu’un, quelque part accepte de nous écouter.

Dans cette ère teintée par un masculinisme indécent, les femmes se soulèvent, et avec raison. Nous voyons actuellement les droits des femmes, tenus comme acquis depuis plusieurs décennies dans certains cas, être remis en question juste au sud de notre frontière. Des hommes comme Trump et Musk gagnent de plus en plus de soutien, et il faut se révolter. Des Zuckerberg qui demandent plus « d’énergie masculine (tdlr) » doivent impérativement mener à des soulèvements. Leur misogynie décomplexée se doit d’être combattue avec la même ferveur qu’ils mettent à l’imposer. Comment rester silencieuses face à ce discours qui n’est plus simplement le fruit d’une rhétorique réactionnaire isolée, mais bien un système d’oppression révolu qui se reconstruit petit à petit? L’espace public, politique et médiatique appartient encore majoritairement à ces hommes aux fortunes ahurissantes, et lorsqu’une femme tente de s’y imposer, elle est attaquée, harcelée, réduite au silence. Il suffit d’observer le traitement réservé aux femmes journalistes, aux militantes, aux figures politiques pour comprendre que l’expression féminine représente toujours une menace aux yeux de plusieurs.

La féministe enragée dérange. La FEMEN, les seins nus en pleine rue, scandalise. On ne supporte pas l’image d’une femme qui ne demande pas poliment son dû, mais l’exige, qui ne sourit pas, mais hurle. Pourquoi le cri d’une femme est-il toujours perçu comme un acte de provocation et non comme un acte de justice? Parce que la colère des femmes est subversive, parce qu’elle menace l’équilibre fragile d’un système qui ne fonctionne que si nous acceptons d’y jouer un rôle secondaire. C’est pourquoi il faut réhabiliter la rage féminine. Ne plus la craindre, ne plus s’en excuser. L’assumer, la revendiquer comme un droit fondamental. Être en colère, c’est être vivante. C’est refuser de plier. C’est dire non. Non à la condescendance, non aux inégalités, non à cette injonction au silence. Notre colère n’est pas un caprice. Elle est notre puissance.

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Noir·e·s, ici aussi https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/noir%c2%b7e%c2%b7s-ici-aussi/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57372 L’importance de connaître son histoire noire québécoise et canadienne.

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En ce début de Mois de l’histoire des Noir·e·s, peut-être réfléchissez-vous à la manière dont vous choisirez de le célébrer. Sans doute allez-vous démarrer d’importantes réflexions avec des gens les ayant déjà entamées : un échange réfléchi sur les activistes marquants du mouvement des droits civiques, suivi d’une suite mémorisée d’extraits du discours de Dr Martin Luther King ; l’amorce d’une lecture sur le féminisme intersectionnel signée bell hooks ; la succession rapide de dates importantes, à commencer par 1865, la mise en place du 13e amendement ; un rappel de la contribution trop souvent oubliée des personnes noires à la culture états-unienne : « Savais tu que ce sont eux·elles qui ont inventé la musique country? » ; ou alors un autre remerciement, un autre moment de silence, pour ces figures ayant lutté pour la liberté et la dignité de ceux et celles me ressemblant. Or ce mois-ci, j’ai décidé de faire les choses autrement, géographiquement parlant. Car en énumérant le nom de ces activistes, ces écrivain·e·s, ces féministes et ces militant·e·s, le motif m’a happée : j’étais incapable d’en nommer un·e seul·e provenant du Canada. Pire encore, je constatais tout bonnement ne pas être capable de raconter l’histoire noire du pays dans lequel j’étais née, dans lequel j’avais grandi et vécu toute ma vie. Et j’ai très rapidement compris ne pas être la seule dans cette situation. Alors s’est déclenché mon processus de réflexion. Longuement ai-je songé à notre propension généralisée d’omettre le Canada lors de nos commémorations. Un comportement que j’ai souvent adopté, à tort. Notre réflexe est de pointer du doigt les Américain·e·s, d’adopter un ton moralisateur, et de le ponctuer d’un sourire suffisant, nous permettant de passer sous silence les squelettes entassés dans notre placard. Or j’insiste qu’on mette fin à cette habitude une fois pour toutes, car entre le voisin et nous, aucun ne peut se vanter d’avoir une pelouse verte.

« Notre réflexe est de pointer du doigt les Américain·e·s, d’adopter un ton moralisateur, et de le ponctuer d’un sourire suffisant, nous permettant de passer sous silence les squelettes entassés dans notre placard »

En remontant le fil de mes souvenirs, cette omission me semble se manifester dès mon plus jeune âge. À l’école primaire, les éducateur·ice·s nous enseignent ce passé esclavagiste, alors que certain·e·s élèves apprennent pour la première fois de leur vie ce qu’est le racisme contre les Noir·e·s. L’année de l’abolition de l’esclavagisme aux États-Unis devient matière à examen, alors que la date canadienne tarde à être mentionnée. On invoque le rôle de terre de refuge joué par le Canada pour les esclaves émancipés lors du Underground Railroad, sans aucune mention de la traite d’esclaves noir·e·s et autochtones ayant eu lieu seulement une décennie avant. Une dédramatisation des horreurs commises contre les Noir·e·s mettant en vedette les États-Unis d’Amérique dans le rôle du grand méchant loup prend lieu, pour les nombreuses années à suivre. C’est de s’acquitter de tous torts, avec une petite tape dans le dos, pour éviter un travail d’introspection que trop désagréable. C’est d’éviter de reconnaître notre participation et notre complicité dans un passé que trop récent. Bref, c’est de la déculpabilisation pure et dure, et personnellement j’en suis tannée.

Pour moi, être en mesure d’identifier cette histoire est un moyen de consolider mes identités noire et québécoise. C’est un moyen de comprendre un passé commun pour pouvoir mieux comprendre mon présent. Lorsque j’entends François Legault refuser de reconnaître l’existence d’un racisme systémique au Québec, je demeure perplexe. La colère et la frustration infusent mon discours, alors que mon propos s’interrompt, embarrassée par ma méconnaissance d’une histoire qui me permettrait de défendre mon point. Or, comment expliquer au premier ministre qu’une province où la brutalité policière envers les personnes autochtones et noires atteint de nouveaux sommets à chaque année, et où les médecins s’autorisent à faire preuve de négligence médicale envers les minorités visibles, est bâti sur un système foncièrement discriminatoire?

« Pour moi, être en mesure d’identifier cette histoire est un moyen de consolider mes identités noire et québécoise »

Alors, un article à la fois, j’ai appris mon histoire. En débutant avec ce que je connaissais, j’ai ouvert les pages web, cliqué sur les liens URL, naviguant d’un site à un autre. Parmi les onglets ouverts : les photos archivées des expropriations dans le quartier noir de la Petite-Bourgogne au profit d’un réaménagement urbain. Un autre quartier, cette fois-ci en Nouvelle-Écosse, du nom d’Africville, rasé par la ville de Halifax, et encore ce terme, réaménagement urbain. Un nom en bleu, souligné, Portia White : l’une des premières canadiennes noires à recevoir une reconnaissance internationale par sa voix envoûtante. Un lien qui me mène à un article sur la culture musicale noire à Montréal. Le jazz à Montréal. L’histoire du jazz à Montréal. Des initiatives de clubs pour les minorités noires montréalaises : le Colored Women’s Club. Des photos de femmes sans noms. Une exposition d’art au Musée McCord ayant pris fin il y a une semaine. Moi qui me lève dans un café et paye avec un billet de 10$, le visage de Viola Desmond, une pionnière noire, au creux de ma main. Un autre nom gardé près de moi.

Puis, plus récemment : un article sur le racisme vécu par des étudiant·e·s infirmier·ère·s africain·e·s dans un hôpital en Abitibi, des commentaires sur l’offense causée par le discours d’Haroun Bouazzi sur la création d’un « Autre » en Chambre d’Assemblée, un rapport de l’OCPM sur le racisme et la discrimination systémiques. Et finalement, un moment de célébration, en compagnie de mes ami·e·s et collègues, à fêter le début du mois, à consulter la programmation mise en place par La Table Ronde du Mois de l’Histoire des Noirs et à participer à des évènements, à des discussions et à des festivals culturels dans ma ville.

En cette première semaine du mois de février, je vous invite, à mes côtés à reconnaître ce passé, à prendre action localement, à demander à vos politicien·ne·s de reconnaître ces injustices en allouant un budget à cette lutte contre le racisme. À rappeler à votre entourage ce pan oublié de l’histoire, à exiger à ce que ce passé soit enseigné au même titre que celui des États-Unis, mais surtout, à célébrer la contribution et le travail des noir·e·s, ici aussi.

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Votre Trudeau https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/votre-trudeau/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56965 Réponse d’un jeune souverainiste pour le futur de notre pays.

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Cet article se veut une réponse à l’article « Notre Trudeau » – paru dans l’édition du 15 janvier dernier dans la section « Opinion » du journal Le Délit.

L’abdication de Justin Trudeau a déclenché une interminable procession de ses laquais serviles, ses lèchebottes opportunistes carriéristes et autres adorateurs d’un fédéralisme abject. On en appelle à la pitié, au respect, à la consternation ; on fait venir les pleureuses grecques et la Castafiore pour louanger et regretter ce premier ministre de bas étage issu d’un népotisme flagrant. Un similipoliticien, un élu par défaut, un fils à papa médiocre que nul Québécois ne devrait applaudir ni n’aurait dû élire! Et pourtant, voilà qu’ils défilent, larmoyants, ces jeunes qui donneraient tout pour prendre une photo avec le beau Justin en complet-cravate – tu parles d’un culte de la personnalité!

Alors que les stagiaires et porteurs de cafés des ministres fédéraux font leur deuil, rappelons-leur les inconduites de leur patron et guide spirituel. SNC-Lavalin, WE Charity, une gouverneure générale qui ne parle pas français… si c’est ce que le gratin intellectuel libéral considère comme inspirant, on n’a pas fini de souffrir! Leur éloge funèbre relève de la confabulation : on dépeint Justin comme un homme inspirant, déterminé et intègre. On oublie ses inconduites fiscales, ses pitreries en Inde et ses politiques influencées par le plus offrant.

En lisant « Notre Trudeau », je ne peux m’empêcher de me demander comment le Parti libéral du Canada fait pour ensorceler certains jeunes Québécois. Ils deviennent des petits moutons fédéralistes bêlant en cœur un abrutissant refrain : We love you Quebec! You can’t survive without us! Restez dans notre belle confédération franglophone! Scandaleux de ne pas connaître son histoire, de se faire les collaborateurs d’un système qui opprime les Québécois depuis maintenant 265 ans. Trudeau le fils, égal à son père : Trudeau le corrompu, le fédéraliste, le guignol international… comme quoi la pomme est encore solidement accrochée à l’arbre mort et pourrie jusqu’au cœur.

J’aurai sûrement droit au discours typiquement fédéraliste, pratiqué devant le miroir en anglais puis en franglais, prétendant que le projet indépendantiste est contre-productif, administrativement impossible et économiquement abruti. Je mériterais de me faire dire d’arrêter de me plaindre sans cesse, de prendre mon trou, de vivre sous la tutelle canadienne et d’accepter mon sort de confédéré. Pourtant, je me refuse à concéder ma culture, ma langue et mon pays à quelques oligarques et leurs fanatiques sous prétexte que ce serait trop difficile de créer de la monnaie et qu’on ne saurait pas quel hymne national jouer aux parties des Canadiens!

Les hypocrites tout cravatés de rouge défendent l’autodétermination des peuples partout ailleurs sur la planète, mais se contrefichent royalement de leur Québec, leur pays.

Ce que le beau Justin tente de nous faire avaler, c’est la même chose que son père Pierre Elliott Trudeau a voulu faire avaler à nos parents – il faut croire que l’esprit de soumission est congénital! C’est ce qu’on nous fait avaler depuis la Conquête, la crise d’Octobre, le scandale des commandites : on nous dit que nous sommes une fière partie d’un tout. On dit que l’indépendance, c’est dépassé! Le Québec doit lécher les semelles d’un Canada oppressif et anglophone : il doit se résigner, se prostrer et s’humilier. Grâce aux jeunes libéraux québécois, la tâche est plus simple : ils se ridiculisent sans qu’on le leur demande, adulent un Canada qui ne leur donne rien et se mettent à genoux pour une publication LinkedIn dans les bras du fils prodigue!

« Jamais vous ne laisseriez un empire néo-colonialiste contrôler toutes les facettes de votre existence, s’emparer de votre territoire et détruire votre beau patrimoine canadien. Le Québec soumis au Canada, le Canada soumis aux États-Unis : chacun sa souffrance! »

Maudits Québécois, maudits souverainistes! Quand a‑t-on arrêté de s’indigner pour un combat qui est le nôtre? On s’indigne – heureusement et justement – pour les Irlandais et les Catalans, la veuve et l’orphelin – qu’en est-il de la nation souveraine québécoise? En quoi la cause est-elle différente, la portée moindre?

On voit le Canada complètement désemparé, sur le qui-vive face à une menace semi-pertinente d’annexion par les États-Unis. Mes camarades fédéralistes, percevez-vous l’ironie? Jamais vous ne laisseriez un empire néo-colonialiste contrôler toutes les facettes de votre existence, s’emparer de votre territoire et détruire votre beau patrimoine canadien.

Le Québec soumis au Canada, le Canada soumis aux États-Unis : chacun sa souffrance!

Les esprits les plus astucieux et dociles avanceront que le gouvernement fédéral ne largue pas de bombes sur le sol québécois et n’envoie pas la GRC exterminer du petit Québécois de fond de rang. Un raisonnement servilement impeccable : si personne ne meurt, l’indépendance ne peut être qu’un combat capricieux, un trouble d’opposition puéril de quelques hurluberlus qui n’aiment pas Terry Fox ou les Rocheuses.

L’exercice de la polarisation artificielle des enjeux de justice sociale et d’autodétermination fait en sorte que le sensationnel l’emporte sur le concret. C’est dommage qu’on exige des piles de cadavres et des beaux publireportages larmoyants pour grader l’importance d’une lutte. Philosopher avec des « oui, mais » c’est vraiment une aberration, un gaspillage de cortex frontal : pour faire l’indépendance, il faut arrêter de jouer au plus souffrant. Avec un minimum d’introspection, on se rend compte que notre peuple est précaire, en proie à la disparition de sa culture, de sa langue et son identité – pas besoin de se comparer pour comprendre ça! Les statistiques trompeuses des Libéraux ne bernent personne : le français – pilier central de la culture et de l’identité québécoise – est menacé sur tous les fronts. Pour achever notre féodalité, pas besoin d’envoyer le Royal Colonial Regiment : il suffira simplement de continuer vos maintes contributions à l’agonie de la langue québécoise!

Le Québec est un pays, c’est dit.

Le futur du Parti libéral, dans le fond, je n’en ai rien à faire. Ce qui m’écœure vraiment, c’est la trahison de jeunes Québécois qui renient leur identité et choisissent de louanger un homme et son parti au-delà de toute logique idéologique. Paul St-Pierre Plamondon pourrait démissionner demain, je voterais encore pour le Parti québécois : c’est le projet d’indépendance qui m’attire. C’est en se laissant avoir par le marketing de la Hill, par des enjeux mineurs et minables, par le charisme manufacturé d’une belle tête creuse que l’on perd de vue les enjeux qui comptent le plus pour notre peuple.

Je suis loin de m’attaquer ici à la liberté d’opinion, de presse ou bien celle d’être un suiveux soumis. Je critique une mentalité qui fait souffrir le Québec depuis bien trop longtemps, une association volontaire à un mouvement dont le fédéralisme néocolonial est un catalyseur. C’est mon opinion, j’y ai droit. Rendezmoi la pareille, dites-moi ce que vous pensez de mon idéologie ; j’ai hâte de vous voir vous battre contre la liberté, l’autodétermination et l’indépendance.

Je n’arrêterai jamais de m’opposer aux fédéralistes insipides, aux adorateurs du régime et autres employés fédéraux propagandistes. La liberté est le combat d’une vie : il faut croire que, comme Québécois, un jour nous vaincrons, nous arriverons à bout des arrivistes déloyaux qui paralysent le combat pour l’indépendance.

Pour le dire dans des mots que vous devriez comprendre : Just watch me, criss!

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Ma vieille amie, la dépression saisonnière https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/ma-vieille-amie-la-depression-saisonniere/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:50 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56866 Doit-on réellement craindre les mois hivernaux?

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La dépression saisonnière, ce mal insidieux qui s’immisce avec les premières bourrasques de novembre, avec le changement d’heure, ne m’est plus étrangère. Pendant des années, j’ai redouté cette période. Je redoutais les journées qui raccourcissent, le froid qui s’épaissit et les nuits qui semblent s’allonger infiniment. Mais cette année, quelque chose a changé. Cette année, j’ai décidé de l’apprivoiser, d’y voir le beau qu’elle a à offrir.

Cette année, je me soumets à la dépression saisonnière, je choisis d’y trouver du réconfort. Je sors de la bibliothèque et il fait un noir dense. Il me neige gentiment dans les yeux. Je marche vers le métro. Par les années précédentes, la simple pensée du froid montréalais et de la tristesse caractéristique du campus à ce temps-ci de l’année m’aurait donné envie de me mettre en petite boule et d’hiberner jusqu’en mars. Mais cette année, je vois les choses différemment. Cette année, je trouve un charme à la mélancolie hivernale, au froid et à sa solitude.

Cette évolution dans ma perception me surprend et me réjouit à la fois. L’an dernier, à cette même période, j’avais confié au Délit que ma résolution pour l’année 2024 était de « vaincre la dépression saisonnière ». Ironique, me direz-vous, que je choisisse de l’accueillir pleinement cette année. Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti.

Profiter de l’hiver

Il se trouve que dans la dépression saisonnière, cette année tout particulièrement, je trouve un appel à ralentir, à contempler. Les journées qui s’allongent lentement offrent maintenant une promesse presque imperceptible, celle du retour de la lumière. Mais, en attendant, la noirceur m’impose un rythme plus doux, plus intime. Le silence de l’hiver et l’immobilité de la neige encouragent une introspection profonde. Dans l’éloignement et la réflexion, il y a l’occasion de grandir, de regarder en soi, loin de la superficialité souvent associée à l’été. Cette année, je lis plus – pas pour l’école, mais pour mon plaisir personnel. J’écris plus aussi. Je dirais même que je pense plus, plus à moi, plus à ce qui se passe dans ma tête.

En soit, c’est beau de se dire que c’est l’inertie de l’hiver qui me force à me plonger au plus profond de ma tête et à contempler mon esprit. En réalité, il est quelque peu regrettable que je n’en sois pas venue à cette conclusion plus tôt : le calme de l’hiver se doit d’être porteur de changement intérieur, doit me servir à grandir et devenir meilleure.

Pendant l’été, l’insouciance nous porte. Les jours longs et les nuits courtes, les terrasses animées, les amis réunis – tout cela est distrayant et ne permet pas, à mon avis, le même type de réflexion que l’hiver. En hiver, c’est qu’il n’y a nulle part où fuir, nulle part où se cacher. On se retrouve seul avec ses pensées. Et c’est là que réside peut-être la beauté cachée de cette saison : elle nous force à affronter nos démons, à explorer des parties de nous-mêmes que nous n’avions pas osé regarder en face – ou que nous avions ignorées, réprimées, jusque là.

Des résolutions productives

Cette année, je profite de la dépression saisonnière. Je m’alimente mieux, j’ai un horaire stable de sommeil, je prends du temps pour moi. Après des mois de sorties et de sommeil chaotique, cela fait du bien de se concentrer sur soi. Ce sont des gestes simples, mais qui font toute la différence. Peut-être que cette possibilité de me détacher de l’anxiété hivernale provient d’une forme de privilège, un privilège me permettant de ne pas réellement craindre la noirceur de l’hiver. Après tout, j’ai un toit, de quoi manger, et des gens qui m’aiment. Mais je crois aussi qu’il y a quelque chose d’universel dans cette capacité à rééquilibrer ses attentes face à l’hiver québécois. Il y a aussi peut-être une forme de responsabilité qui réside en chacun de nous de s’assurer qu’on ne se laisse pas engloutir par le noir de l’hiver. Alors, plutôt que d’espérer vivre dans les mêmes conditions que l’été, pourquoi ne pas se réjouir de ce que l’hiver a à nous offrir? Pourquoi ne pas tenter de maximiser son potentiel trop souvent sous-estimé, en prenant le temps de se recentrer sur ce qui est important?

L’hiver impose une lenteur qui peut paraître oppressante, mais qui peut aussi être libératrice. On apprend à apprécier les petits plaisirs : mon café matinal, les rayons du soleil qui réchauffent le fond de mon cuir chevelu, les flocons qui se posent sur mes cils. L’an dernier, je vous aurais dit que comme je ne suis pas particulièrement adepte des sports d’hiver, cette saison n’avait rien de bien à m’offrir. Malgré tout, cette année, ce sont ces moments, si insignifiants soient-ils, qui prennent une ampleur nouvelle, puisque j’ai choisi de les remarquer, de les célébrer.

« Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti »

S’adapter à elle

Pour moi, le secret réside dans l’adaptation. Il ne s’agit pas de nier la rudesse de l’hiver ou de prétendre qu’il est facile d’y survivre. Mais on peut – et on devrait – apprendre à danser avec cette réalité, à régler son mode de vie sur le tempo imposé par cette saison. Cela passe par des ajustements concrets : des sorties planifiées pour contrer l’isolement, des activités qui nourrissent l’esprit, et un soin particulier accordé à sa santé mentale et physique. Avec toutes ses stratégies réunies, je crois fermement que l’hiver saura nous révéler toute sa splendeur, et nous permettra de grandir durant ces mois de froid.

Ce processus demande de l’humilité. Accepter que l’hiver ne soit pas parfait, qu’il soit dur, et que la mélancolie qu’il apporte ne puisse être entièrement évitée. Mais dans cette acceptation réside une forme de paix. L’hiver, avec sa solitude, son froid et sa lenteur, devient alors une période de gestation, une pause nécessaire avant le renouveau du printemps. C’est pourquoi cette année, je choisis de ne pas lutter. Je choisis de me laisser porter par la saison, de trouver la beauté dans ses ombres et la chaleur dans ses silences. Et qui sait, peut-être que cette dépression saisonnière, loin d’être une ennemie, pourrait devenir une guide, une muse, une opportunité de grandir, et ma plus grande alliée en cet hiver.

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Notre Trudeau https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/notre-trudeau/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56817 Un jeune libéral nous parle du futur de son parti.

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C’est lundi matin que ça s’est finalement fait. À Ottawa, devant la porte de Rideau Cottage, la résidence temporaire qu’occupe Justin Trudeau depuis que le 24 Sussex Drive est en construction, Trudeau a annoncé aux 41 millions de Canadiens qu’il quittait ses fonctions de premier ministre et de chef du Parti libéral du Canada. C’est après une lente agonie que le chef du gouvernement s’est finalement résigné à faire l’annonce de son départ. Pourtant, Justin Trudeau n’est pas le premier ni le dernier à prendre cette décision. Avant lui, son père avait aussi démissionné en 1982 et choisit de prendre le chemin de la retraite. Jean Chrétien a quitté les communes après que des tensions internes sont devenues trop importantes pour préserver l’intégrité de
son leadership. Dans le cas de Trudeau, c’est la démission fracassante de sa ministre des finances, ChrystiaFreeland, qui a été la goutte ayant fait déborder le vase. C’était le dernier coup de couteau que Brutus portait à César, celui qui fut fatal.

« Monsieur Trudeau, vous avez inspiré une génération entière à la politique, nous nous sommes sentis vus, entendus et représentés »

À la suite du départ de Freeland, plusieurs choses se sont bousculées sur le calendrier des communes. Premièrement, Trudeau a annoncé son choix de proroger le Parlement. En d’autres mots, le Parlement ne siégerait pas. Les comités, les périodes de questions, tout ça a été mis en pause jusqu’au 24 mars. Ne vous inquiétez pas, le pays ne cessera pas d’opérer durant cette période. Le cabinet des ministres continue de se rencontrer, Trudeau demeure notre premier ministre. Donc, pour ceux et celles, de bonne ou de mauvaise foi, qui craignaient que le Canada prenne une dérive dramatique au cours des prochains mois, il reste un capitaine à la barre du navire.

Deuxièmement, dans sa conférence de presse, le premier ministre a aussi fait l’annonce qu’une course à la chefferie sera tenue afin d’élire un nouveau chef du Parti libéral. Autrement dit, après que l’exécutif national du parti ait déterminé les règles et conditions, nous, les libéraux, nous trouverons un nouveau chef d’ici mars. Il s’agit d’un moment des plus cruciaux, puisqu’il marque la première course à la chefferie libérale depuis 2013. Ce sera donc un moment parfait pour nous rassembler en tant qu’entité politique, panser nos blessures et nous retrouver en famille pour discuter du futur du parti. Ce sera aussi l’occasion de choisir ce qui est favorable pour le futur de notre formation politique, forte de 158 ans d’histoire, et que l’on espère voir évoluer aussi gracieusement qu’auparavant.

Troisièmement, l’heure des réactions a sonné : elles ont été nombreuses. D’une part, il y a eu les antagonistes. La coutume veut qu’on salue nos opposants lorsqu’ils quittent leurs fonctions publiques, une manière de reconnaître les sacrifices familiaux et personnels auxquels un politicien s’est soustrait pour le bien du pays. C’est une simple formalité, une preuve de civisme dans une arène politique trop souvent sanguinaire.

Pourtant, certains – comme Paul St-Pierre Plamondon, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh, à l’image de Trump – ont fait fi des traditions politiques qui maintiennent le bon entendement.

Ils ont opté pour des critiques gratuites et polarisantes envers le premier ministre sortant afin de faire de vulgaires points politiques. Ce faisant, ils nous ont prouvé une chose : que leur bassesse n’a d’égal que leur manque de savoir-vivre et de respect envers les institutions démocratiques. Dans ce genre de moment, je tente de me souvenir d’une phrase de Michelle Obama ; « quand ils s’abaissent au plus bas, nous nous élevons. (tdlr) » C’est ce que je choisis de faire aujourd’hui. Dans le futur, je les remercierai de leur service rendu le jour où ces trois charmants messieurs nous feront le plaisir de quitter la vie politique.

D’autre part, les membres du caucus libéral lui ont tous rendu hommage. Tous, sans aucune exception, les mutins comme les fidèles. À leur manière, beaucoup ont salué le travail du premier ministre dans ses fonctions de chef de gouvernement, chef de parti et finalement comme député de la circonscription de Papineau depuis 2008. En politique, de nos jours, la décence est rare, mais il est bon de voir qu’il y en a toujours.

Pour conclure sur une note plus personnelle, chers lecteurs, permettez-moi de m’adresser à celui qui m’aura tant inspiré. À cet idole qui, alors que j’avais tout juste 11 ans, m’a poussé à prendre part à la vie politique : Monsieur Trudeau, Justin, c’est avec le cœur lourd, mais le sentiment du devoir accompli que je vous dis merci. Merci d’avoir fait du Canada une place où il fait bon vivre. Avec le premier cabinet paritaire dans l’histoire du pays, vous avez commencé en force, démontrant que votre gouvernement refléterait la réalité des gens qu’il sert. C’est à vous, monsieur Trudeau, que l’on doit les avancements dans la réconciliation avec les peuples autochtones – les horreurs commises depuis la colonisation entachant toujours notre histoire nationale. On vous doit aussi la baisse de nos émissions de carbone, un enjeu de plus en plus important. On doit saluer votre travail qui a permis de sortir un million d’enfants de la pauvreté depuis 2015. Mais surtout, on a une dette envers vous, puisque vous avez su montrer à notre jeunesse que la différence n’est pas une faiblesse, mais bien la force du Canada. J’en suis la preuve. Je me souviendrai toujours de vous comme cet homme qui, avec joie, a hissé pour la première fois sur la colline parlementaire le drapeau arc-en-ciel, envoyant un message de tolérance et d’espoir à ceux qui, comme moi à l’époque, n’osaient pas parler de fierté.

Monsieur Trudeau, vous avez inspiré une génération entière à la politique, nous nous sommes sentis vus, entendus et représentés. Vous êtes la preuve que la promesse du Canada n’est pas brisée comme certains voudraient le faire croire. Au contraire, elle est vivante et pleine d’espoir. Merci pour ce que vous nous avez donné. Vous qui avez fait offrande de toutes ces années de vie en famille troquées pour des réceptions pas toujours si palpitantes ou encore cette jeunesse fougueuse par laquelle on vous reconnaît, contre quelques rides et des cheveux blancs. La vie politique est ingrate, personne n’en doute plus aujourd’hui, mais dans un monde rempli de cynisme, vous avez été pour plusieurs notre voie ensoleillée. À mon premier ministre, à mon chef, à mon Justin, je ne peux que vous serrer la main et vous dire un énorme merci.

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Ententes pour la francophonie https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/ententes-pour-la-francophonie/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56667 Les frais réduits au Québec trahissent-ils un désir de ne sélectionner que les « bons » francophones?

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Peuplé de huit millions de francophones, le Québec se présente aujourd’hui comme le bastion de la francophonie en Amérique du Nord, notamment à travers ses politiques de promotion du patrimoine linguistique. Cultivant son image de province accueillante, le Québec offre une tarification préférentielle pour les études supérieures aux francophones, mais seulement aux étudiants originaires de France et de la communauté francophone de Belgique.

Au cours des cinq dernières années, 865 millions de dollars (soit en moyenne 173 millions de dollars par an) ont été alloués aux étudiants français inscrits dans les universités et cégeps du Québec sous forme de subventions. Ces fonds permettent aux étudiants de premier cycle de payer des frais de scolarité environ deux fois moins élevés que ceux imposés aux autres étudiants internationaux, et même inférieurs à ceux des Canadiens non-résidents du Québec, en raison des récentes augmentations tarifaires les visant. Pour les cycles supérieurs, l’écart est encore plus marqué : lorsqu’ils sont inscrits en maîtrise ou au doctorat, les étudiants français et belges paient les mêmes frais que les résidents québécois, un privilège qui n’est pas même accordé aux Canadiens nonrésidents du Québec.

Cet effort financier a indéniablement fait croître la présence d’étudiants français et belges — et par extension, celle de la francophonie — dans les institutions universitaires québécoises, les intégrant comme des partenaires clés du projet linguistique de la province. Cependant, il soulève des questions sur l’inclusion, l’équité ou encore le sentiment d’appartenance qu’il induit. Qui peut vraiment se sentir chez soi au Québec? Et que révèle cette générosité sélective sur la vision québécoise de la francophonie?

Vers une francophonie à tout prix

Au Québec, les frais de scolarité dépassent la question financière : ils dessinent une frontière nette entre ceux auxquels on permet de s’intégrer et ceux qui sont forcés à rester en marge. Les résidents du Québec, qui bénéficient des tarifs les plus bas, incarnent le cœur battant de la province. Les Canadiens non résidents deviennent quant à eux déjà des « presque-étrangers » en étant sommés de payer des frais deux fois plus élevés que les résidents de la province. L’addition reste considérablement inférieure à celle imposée aux étudiants internationaux, qui se voient ainsi relégués au statut d’appartenance le plus limité.

Cette instrumentalisation de la francophonie comme outil de sélection compromet néanmoins la possibilité pour le Québec de porter le projet d’une francophonie universelle, éclipsant la solidarité linguistique qui la caractérise au profit d’un pragmatisme économique.

La préférence tarifaire accordée aux étudiants français et belges, au-delà de constituer une anomalie chez les étudiants internationaux, agit comme un rapprochement symbolique avec les résidents québécois. Elle les invite à se sentir chez eux, à la différence des autres étudiants francophones et des Canadiens originaires d’autres provinces. En favorisant des étrangers plutôt que leurs concitoyens anglophones ou francophones d’ailleurs au Canada, le projet de la francophonie du Québec réaffirme une distinction identitaire qui transcende alors le cadre national et valorise davantage le partage de la langue que celui de la nationalité.

Ce projet de retrouvailles et d’accueil par l’idiome répond toutefois à une logique sélective qui privilégie certaines nations, plutôt que de faire du Québec un espace universel de connexion pour les francophones des quatre coins du monde. Ainsi, les étudiants français et belges, issus de pays plus riches et dotés d’institutions académiques prestigieuses, bénéficient d’un accueil chaleureux dans les établissements universitaires, qui deviennent le lieu tangible de leurs privilèges et de leur appartenance. Les étudiants francophones d’Afrique et du Moyen-Orient, malgré leur contribution à la vitalité de la langue française, se heurtent quant à eux à des barrières économiques et symboliques qui les marginalisent dans ce projet de francophonie à deux vitesses.

Une francophonie conditionnelle : entre privilège et exclusion

Ces politiques soulèvent des interrogations légitimes quant à la hiérarchie culturelle implicite qu’elles révèlent. Les nations perçues comme « compatibles » — riches, blanches et européennes — sont favorisées au détriment des pays du Sud. Bien qu’il existe des accords avec des États comme la Tunisie, Djibouti et la République démocratique du Congo, où le français est parlé respectivement par 52,47%, 50% et 51,37% de la population, ces partenariats restent largement symboliques. Ils profitent seulement à une poignée d’étudiants — souvent moins d’une douzaine par pays chaque année. En comparaison, des milliers d’étudiants français et belges bénéficient de ces ententes à la seule échelle de McGill.

Ce déséquilibre entre les nations du Nord et du Sud n’est pas anodin. Il reflète une logique utilitariste dont les accords sont conclus exclusivement avec des nations présentant des intérêts économiques stratégiques pour le Québec. En faisant de la maîtrise du français un critère d’immigration, ces politiques sélectionnent une population étudiante alignée avec ces mêmes intérêts. Cette instrumentalisation de la francophonie comme outil de sélection compromet néanmoins la possibilité pour le Québec de porter le projet d’une francophonie universelle, éclipsant la solidarité linguistique qui la caractérise au profit d’un pragmatisme économique.

L’exemple de l’entente avec la Belgique, qui ne repose pas sur un lien historique particulier avec le Québec, illustre bien ce privilège accordé aux pays du Nord et la dissonance du projet québécois. Paradoxalement, des pays culturellement proches comme la Suisse et le Luxembourg, où le français est parlé par 67,13% et 91,99% de la population, sont exclus de ces tarifs préférentiels. Si cette situation diffère des logiques néocoloniales qui excluent les nations africaines, elle met néanmoins en lumière une politique de « minimum convenable », où certains pays francophones sont négligés faute d’intérêts économiques immédiats.

Ces tendances révèlent une absence de vision idéologique forte autour de la langue française dans les politiques québécoises. Au lieu de devenir une force unificatrice, la francophonie au Québec semble s’enfermer dans un projet utilitariste dicté par des alliances à court terme, et éloigné des idéaux d’universalité et de fraternité historiquement liés à la langue française.

Étendre le sentiment de chez-soi

Si le Québec aspire véritablement à protéger et promouvoir son patrimoine francophone, il devra repenser son approche qui, dans sa forme actuelle, perpétue des exclusions. L’élargissement de la tarification préférentielle à l’ensemble des nations francophones renforcerait un sentiment d’appartenance universel, tout en répondant aux idéaux de solidarité linguistique. Cela offrirait également de nouvelles perspectives académiques et culturelles pour la francophonie, au moyen de mesures alignées sur les objectifs économiques et diplomatiques de la province.

Une politique véritablement inclusive permettrait au Québec de s’affirmer comme un acteur clé de la justice culturelle et linguistique. En s’inspirant de l’homoglosson d’Hérodote, qui définit l’appartenance par la langue partagée plutôt que par l’origine, le Québec pourrait repenser la francophonie comme un espace véritablement ouvert et inclusif. Elle cesserait d’être un cercle exclusif pour devenir un lieu d’échanges, où chaque francophone pourrait se sentir pleinement « chez lui ».

Pour concrétiser cette vision, le Québec doit élargir ses politiques préférentielles afin d’inclure tous les francophones, transformant ainsi la langue française en une véritable force unificatrice. Il renforcerait alors son rôle de foyer pour une francophonie mondiale, où chaque individu, quelle que soit son origine, serait reconnu et valorisé comme membre d’une communauté vraiment inclusive.

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Entre appartenance et culpabilité https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/entre-appartenance-et-culpabilite/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56703 Exister sur des terres volées.

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L’ « indigénéité » – traduction littérale du mot indigeneity (l’état d’être indigène, ou d’être relié à ce qui est indigène, tdlr) – occupe une place grandissante dans la sphère publique québécoise, où l’on discute de plus en plus d’enjeux liés au passé colonial de la province. Ce concept représente bien plus qu’une simple appartenance à un territoire, ou une simple occupation des terres. C’est un lien profond, ancestral, tissé entre un peuple et une terre, marqué dans ce cas- ci par une histoire de résistance face à la colonisation. Pourtant, au Québec, et plus précisément à Montréal (Tiohtiá:ke), ce n’est que très peu d’entre nous qui peuvent se considérer indigènes au territoire. Je ne le suis pas.

Franco-descendante, née ici, j’ai grandi avec l’amour du Québec et l’appréciation du multiculturalisme montréalais. J’attribue une grande part de l’adulte que je suis devenue à la chance que j’ai eue, enfant, de grandir ici. Cette terre a fondé mon identité, a bercé mes années et m’a offert une maison. Pourtant, elle ne m’appartient pas.

Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Il existe en moi un conflit constant, presque viscéral : d’un côté, un attachement à cette terre, ma terre de naissance, empreinte de cet esprit de « chez-soi » ; de l’autre, une culpabilité indéniable et grandissante, à l’idée que cette maison repose sur des terres qui n’appartiennent ni à moi, ni à mes ancêtres. Comme plusieurs Montréalais·e·s, je me heurte à ces sentiments, qui peuvent aux premiers abords sembler inconciliables : aimer l’endroit où l’on a grandi, avec tout ce qu’il représente de souvenirs et d’identité, tout en étant pleinement conscient·e de l’injustice historique qui a permis cet enracinement – une injustice qui continue d’avoir des répercussions sur les peuples autochtones aujourd’hui. Malgré tout, je vous l’assure, ces contradictions me tiraillent l’esprit au quotidien, et ce, encore plus depuis que j’étudie à McGill.

Faire la part des choses

Le Québec est pour moi bien plus qu’un simple lieu géographique, bien plus que là où j’ai grandi. Ce sont ses paysages, ses lacs et ses montagnes qui inspirent la sérénité et qui ont ponctué mes étés, une culture où la musique, la langue et les récits façonnent nos identités. J’ai grandi dans une ville où les bruits du métro, le froid qui pince les joues l’hiver et la renaissance que nous connaissons tous les printemps ont fait de cette province mon chez-moi… Mais à quel prix?

Cet amour pour le Québec est marqué par des paradoxes. La culture québécoise, à laquelle je tiens tant, est un produit de la colonisation, un résultat d’un long processus historique qui a graduellement effacé les voix des Premières Nations, faisant d’elles un simple murmure dont les politicien·ne·s d’aujourd’hui ne se soucient pratiquement pas. Notre langue, symbole de résistance à l’assimilation anglaise, a elle-même été imposée aux peuples autochtones à un coût dévastateur – celui de la perte quasi-totale de leurs propres langues. Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Plus j’en apprends sur l’histoire des Premières Nations – à noter que le curriculum enseigné dans les écoles primaires et secondaires québécoises serait à revoir, puisqu’il continue de peindre les peuples autochtones dans une représentation figée dans un passé lointain – plus je ressens le poids de mon rôle inconscient dans la marginalisation des communautés autochtones. Nos ancêtres ont arraché ces terres, décimé des communautés, abusé de l’autorité qu’ils·elles s’étaient eux·elles-mêmes attribué·e·s, et aujourd’hui encore, les séquelles du colonialisme persistent, omniprésentes : pauvreté, marginalisation, et oppression demeurent des réalités marquant le quotidien de nos Premières Nations. Nous, les Québécois·e·s aimons parler de notre propre oppression sous l’Empire britannique, mais nous oublions souvent que nous avons été, et sommes toujours, des colonisateur·rice·s sur ces terres.

Ce qui semble « impossible » est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Reconnaître sa responsabilité pour réconcilier

Ce poids historique ne doit pas nous paralyser, mais doit plutôt agir comme un agent de transformation. Reconnaître que notre présence ici repose sur des injustices passées est un premier pas, mais ce constat doit être accompagné par des actions concrètes. La décolonisation, bien qu’idéaliste pour certain·e·s, est pourtant une obligation morale. Redistribuer les terres justement, offrir des rétributions financières aux peuples touchés, et soutenir les initiatives menées par les communautés autochtones ne sont pas des gestes hors de l’ordinaire, mais des réparations nécessaires. Bien qu’il est ici question du Québec, c’est à travers le Canada tout entier que l’on doit continuer d’exercer une pression pour que les communautés autochtones cessent d’être traitées comme inférieures.

Dans d’autres contextes, comme celui de la Palestine, des figures comme Francesca Albanese, qui ont su capter l’attention sur les réseaux sociaux dans les dernières semaines, soutiennent que la restitution n’est pas une utopie, mais bien un impératif de justice. Pourquoi serait-ce différent ici? Les obstacles logistiques et politiques ne devraient pas excuser notre inaction. Ce qui semble impossible est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Au quotidien, des gestes simples peuvent aussi soutenir la réconciliation : s’éduquer sur l’histoire autochtone, remettre en question les récits dominants, privilégier les entreprises autochtones, et surtout, écouter. Dialoguer avec humilité et reconnaître que la décolonisation commence par nos choix, autant individuels que collectifs, est essentiel si on espère un jour bâtir une société québécoise réellement inclusive où tous·tes peuvent s’épanouir.

Partager son chez-soi?

Au fil du temps, j’ai appris que l’amour de son chez-soi ne devrait pas être aveugle. On peut chérir sa maison tout en reconnaissant les torts historiques qui la caractérisent. C’est une dualité difficile, mais nécessaire. Le vrai amour, après tout, implique d’affronter les vérités inconfortables, desquelles on aimerait détourner le regard, afin de chercher à réparer ce qui a été brisé.

Pour moi, réconcilier appartenance et culpabilité, c’est reconnaître que mon lien à cette terre n’effacera jamais celui des Premières Nations, et que ce dernier primera toujours sur les sentiments que je peux avoir à l’égard de ma terre de naissance, quels qu’ils soient. Cela implique non seulement de questionner mes privilèges, mais aussi de transformer ma gratitude pour ce territoire en un engagement actif pour un avenir plus juste.

Un « chez-soi » authentique ne peut exister que lorsque tout le monde y trouve sa place. Ce n’est qu’en bâtissant une société où chacun·e – et ce incluant les peuples autochtones – peut vivre avec dignité que nous pourrons aimer notre chez-nous sans honte. Un pas dans la bonne direction serait de commencer par arrêter de détourner les yeux de notre histoire, et au contraire, de la confronter. En tant que Québécoise, j’espère un jour voir un Québec réconcilié avec son passé, où la solidarité n’est pas une aspiration lointaine, mais une réalité. C’est un rêve, oui, mais un rêve qui peut devenir réalité si nous le portons ensemble, main dans la main.

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Nous, le Nord https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nous-le-nord/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56620 Ce qui restera au Canada après l’élection de Trump.

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C’est aux alentours de 22 heures lundi dernier que j’ai eu l’impression de revivre 2016 pour la première fois, et que les souvenirs de la dernière défaite démocrate ont commencé à me revenir à l’esprit. C’est à ce moment que je me suis revu âgé de tout juste 13 ans, regardant seul les résultats de l’élection présidentielle être annoncés, et comprendre que non, Hillary Clinton ne deviendrait pas la première femme présidente des États-Unis d’Amérique – et ne briserait ainsi pas le dernier plafond de verre en politique. Cette fois, Elliott, 21 ans, comprenait que non, Kamala Harris ne deviendra pas non plus la première femme présidente des États-Unis et que ce plafond de verre allait une fois de plus résister. Pourtant, malgré ses airs de famille avec la victoire républicaine de 2016, celle de 2024 est totalement différente.

Pour commencer, les femmes ont aujourd’hui moins de droits qu’elles en avaient il y a de cela huit ans déjà, lors de la première victoire du MAGA (Make America Great Again). En effet, si en 2016 une loi fédérale prévoyait et garantissait l’accès à l’avortement pour les femmes à l’échelle des États-Unis, aujourd’hui, ce sont les États qui décident s’ils vont offrir – ou non – ce service. Un service de santé que je juge essentiel et qui, je dois le rappeler, sauve la vie de femmes qui dans de nombreux cas doivent faire usage de la procédure à la suite de complications qui les mettent en danger. Maintenant que cette légalisation nationale de l’avortement est chose du passé, on n’a qu’une personne à remercier : Donald J. Trump. Il s’en est largement vanté d’ailleurs, disant à plusieurs reprises qu’il est le seul président à avoir réussi à renverser Roe v. Wade, le jugement de 1973 qui avait rendu légal l’avortement dans tout le pays.

Sous cette nouvelle administration Trump, on doit s’attendre à encore plus de réglementation entourant la santé et le corps des femmes. Au-delà du fait qu’il aura la charge de l’appareil exécutif, Trump risque d’enraciner la majorité conservatrice à la Cour Suprême et de remplir l’administration américaine de certains de ses collaborateurs tels que Elon Musk et Robert F. Kennedy Jr., deux hommes qui se sont déjà prononcé contre l’avortement. Bref, l’entièreté du gouvernement fédéral américain étant sous le joug de Trump et de ses alliés anti-choix, les femmes devront faire preuve de courage et de résistance alors que les droits fondamentaux et sacrés de leur personne sont sous-pression et qu’ils seront assurément attaqués. Deuxièmement, alors que Trump avait été élu en 2016 avec une plateforme qui ne disait pas grand-chose sur les droits des membres de la communauté LGBTQ2+, en 2024, son agenda y est fermement opposé. Les dernières semaines de la campagne nous l’ont démontré alors qu’à coup de millions de dollars, Trump menait une campagne médiatique axée sur un discours anti-trans dans les États pivots pour remporter la MaisonBlanche. De plus, le fameux projet 2025, un manifeste écrit par certains de ses plus proches collaborateurs et qui fait office de plateforme de campagne, nous fait comprendre dans quelle direction cette nouvelle administration compte se diriger, au détriment des minorités de genres et sexuelles. Si le projet 2025 est mis en application, nous risquons de voir une interdiction nationale des chirurgies de réassignement de sexe avant la majorité, la remise en application d’une interdiction pour les personnes trans d’entrer dans l’armée ou encore limiter leur capacité à joindre des équipes professionnelles de sport. Pour les minorités sexuelles, comme l’a affirmé le juge controversé et ultra-conservateur de la Cour Suprême, Clarence Thomas, c’est aussi la légalisation nationale du mariage entre conjoints de même sexe qui risque d’être renversée, à l’instar de l’arrêt Roe v. Wade. Un tel recul en arrière serait tout autant un crève-cœur pour les défenseurs de la cause du mariage pour tous, sachant qu’il a fallu attendre des décennies pour que la plus haute instance judiciaire du pays reconnaisse sa légalité à l’échelle du pays. En somme, avec Trump de retour dans le rôle de président, on doit s’attendre à ce que les droits des communautés sexuelles et de genre soient remis en question ou simplement supprimés.

« Pourtant, malgré ses airs de famille avec la victoire républicaine de 2016, celle de 2024 est totalement différente »

Avec ce rapide comparatif entre la première élection de Trump et sa réélection, on comprend que non seulement le contexte qui a permis au candidat républicain de devenir le président des ÉtatsUnis a changé, mais aussi que le candidat et la nature de ses politiques ont changé. Ceux et celles qui pensent que 2024–2028 sera une continuité avec le premier mandat de Trump se leurrent. Le septagénaire s’est radicalisé et il risque de faire encore plus de ravages pour les plus faibles. Cette fois-ci, Trump menace d’aller encore plus loin et de s’attaquer à des tranches de la population qui avaient jusqu’ici été épargnées.

En terminant, permettez-moi de m’adresser directement à vous, chers lecteurs du Délit. Les États-Unis ont fait leur choix la semaine dernière. Ils ont élu Trump. D’une incroyable manière, des États pourtant traditionnellement démocrates sont tombés dans le giron républicain et d’autres, comme la Virginie, ont failli eux aussi succomber à la marée rouge. Pour la première fois en 20 ans, le candidat républicain à gagné le vote populaire. Maintenant, le Canada devra aussi faire un choix, et ce rapidement. On devra décider comment se positionner face aux États-Unis dirigés par un extremiste et comment on fera la politique chez nous. Je ne sais pas ce qu’on décidera de faire. Je ne sais pas non plus ce qui nous attend. Ce que je sais, cependant, c’est qu’on devra serrer les dents et se tenir droit devant la Maison-Blanche. Parfois, ce qu’on va voir au sud de notre frontière choquera, ça fera mal au cœur. Plus d’une fois, on sera témoin de terribles injustices, mais on ne peut pas se permettre de sombrer avec eux. Nous, le nord, nous devrons faire preuve de force et de résilience. Nous, le Canada, nous devrons nous serrer les coudes pour nous assurer que ce genre de dérives totalitaires ne se rendent pas jusqu’à chez nous. On devra aussi renforcer nos autres alliances, parce qu’avec Trump à Washington, le Canada n’aura pas besoin de se chercher d’ennemi. Nous, le nord, nous devons leur faire face, ensemble.

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Liberté et affects https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/liberte-et-affects/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56337 Viser plus haut que la démocratie libérale.

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« Lorsque le peuple vote, le peuple gagne. » Ces mots résonnent depuis plusieurs mois dans le paysage politique à travers le monde, alors que le populisme prospère sur le terreau d’une fracture sociale toujours plus béante. Les crises économiques, la peur et la xénophobie définissent maintenant notre conjoncture, transformant le débat démocratique en une scène de division et de désillusion. Si ces slogans sont souvent plus opportunistes que sincères, ce qui importe est de comprendre si le choix représente un aspect concret et pertinent de nos démocraties — ou si les conditions le transforment en illusion. Autrement dit, le vote confère-t-il une puissance d’agir, au sens spinoziste, à l’électeur? Ou bien le jeu politique est-il arrangé d’avance, fonctionnant au moyen et bénéficiant de cette illusion de choix qu’il confère aux citoyens?

La liberté contrainte du vote

Témoin des idéaux révolutionnaires, le vote symbolise aujourd’hui la liberté individuelle et la souveraineté collective au cœur de nos démocraties libérales. Autrefois perçue comme antagoniste à l’idée républicaine, la démocratie a trouvé sa place en adoptant la représentativité, un système où l’électeur cède sa souveraineté en vertu d’un « choix » qui, selon Francis Fukuyama, marque la « fin de l’Histoire » – l’idée qu’il n’existerait aucun système politique plus abouti que la démocratie libérale.

L’électeur, qui est cependant tenu entre le libre arbitre et les déterminismes d’un système aux structures rigides, est-il véritablement en mesure d’agir selon son essence? Spinoza nous rappelle que la liberté ne réside pas dans le simple fait de choisir, mais dans la capacité à exprimer sa propre nature, à affirmer une « puissance d’agir ». En politique, cela impliquerait que le vote confère à l’électeur une autonomie réelle, un pouvoir de décision ancré dans l’expression de soi, et non une imitation de la liberté. La réalité des démocraties représentatives cantonne néanmoins ce « choix » par des forces qui échappent au contrôle du citoyen. Celui-ci est contraint d’adhérer à un système façonné par les élites politiques et économiques, les médias et les structures institutionnelles, au nom d’un contrat social informel et contraignant. Plutôt que d’incarner une force libre, l’électeur semble réduit à une position de spectateur, invité à valider des options déterminées en amont. Dans ce cadre, le vote devient l’instrument d’une souveraineté d’apparence, qui maintient la population dans une impression de contrôle tout en limitant sa capacité d’action.

Une société des affects : illusion de choix

Ce qui se joue en politique dépasse toutefois les simples institutions : il s’agit de gouverner les affects, ces forces intimes qui unissent et dirigent les individus. Frédéric Lordon, s’inspirant de Spinoza, décrit cette « société des affects » dans laquelle des émotions collectives comme la peur, le besoin d’appartenance, ou la colère deviennent des leviers de contrôle redoutablement efficaces, à l’image du maccarthysme américain des années 50 (ou la « Peur du Rouge »), ou de la montée du nazisme dans l’Allemagne des années 30 (notamment par la propagande orchestrée par Joseph Goebbels). La démocratie libérale, loin de favoriser un choix éclairé, repose en grande partie sur ces affects afin de structurer la puissance d’agir des citoyens, leur donnant l’illusion d’une liberté qui leur appartient — en apparence seulement.

« S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections »

Pour Spinoza, le pouvoir politique est en réalité une projection imaginaire des puissances individuelles, transférées au collectif. Ainsi, l’État, loin d’être une entité indépendante, existe comme un canal où s’expriment les affects et désirs individuels. Mais dans cette société des affects, le transfert de puissance, qui pourrait être présumé émancipateur, devient un instrument de stabilisation. Ces émotions – crainte, espoir, désir de sécurité – sont dirigées non pas pour encourager une véritable autonomie des citoyens, mais pour les lier à des choix déjà définis à l’avance.

Dans ce cadre, le choix politique n’est plus une expression véritable de liberté, mais une réponse conditionnée aux affects orchestrés. En s’ancrant dans un quotidien rythmé par des émotions entretenues, l’électeur se trouve captif de ces affects, réagissant aux options qui lui sont offertes. Loin de renforcer son indépendance, cet encadrement affectif le confine à des choix affectivement déterminés, qui ne font que reconduire le statu quo, entretenant l’illusion d’un ordre naturel et incontestable.

Une illusion orchestrée par les médias

Quant aux médias, loin de se limiter à une mission de dissémination de l’information, ils tracent les récits politiques, définissant les contours de ce qui semble acceptable. Pierre Bourdieu, dans Sur la télévision (1966), révèle la manière dont les médias imposent, selon des normes établies, une sélection de figures et d’idées « éligibles », un cadre préconstruit qui se présente comme naturel. Noam Chomsky et Edward Herman, dans La Fabrication du Consentement (1988), vont plus loin, soulignant que ce cadre répond avant tout aux intérêts économiques dominants. Les médias, disent-ils, fabriquent un « consentement » qui ressemble davantage à une adhésion imposée qu’à un choix véritable, offrant aux citoyens une liberté illusoire où le filtrage des options précède même la réflexion individuelle.

Les crises climatiques, sanitaires ou économiques contribuent également à restreindre cet espace de débat, créant un sentiment d’urgence qui justifie des prises de décisions accélérées. Dans cette précipitation, les électeurs se voient offrir des solutions immédiates qui servent à redorer les images politiques plus qu’à créer des avancées durables. Cette dynamique accentue la dépendance des citoyens envers des figures populistes qui capitalisent sur une angoisse dont elles sont souvent les instigatrices, renforçant ainsi l’illusion d’un choix dans le même temps où se resserre l’éventail de possibilités.

Réponse populaire : s’élever au-delà des contraintes

Là où la démocratie représentative porte en elle le paradoxe d’une liberté qu’elle entend garantir mais limite, il revient au citoyen de répondre à cet idéal de liberté sans en trahir l’essence. La véritable puissance d’agir consiste à comprendre les contraintes qui pèsent sur nos vies pour mieux les surmonter, et elle exprime ainsi sa beauté par son potentiel libérateur : en apprenant où se situent les frontières de notre liberté, nous nous donnons les moyens de les étendre. La connaissance des forces qui nous déterminent n’est pas une abdication, mais au contraire, une affirmation.

Ainsi, je crois que s’éprendre de la liberté et de la démocratie nous incombe de ne jamais cesser de lutter pour la connaissance et pour l’évaluation perpétuelle des institutions au sein desquelles s’exerce notre liberté. N’oublions pas ce qu’Aldous Huxley, mentor de Georges Orwell, nous enseignait à ce sujet dans Le Meilleur des Mondes (1932) : « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

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Les trois solitudes https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/les-trois-solitudes/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56220 Colonisé et colonisateur: le Québec ne célèbre pas la Journée de la Vérité et de la Réconciliation.

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Depuis trois ans déjà, le Canada célèbre la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Il s’agit d’une initiative du gouvernement fédéral adoptée par les provinces, qui vise à honorer et commémorer les survivants des pensionnats autochtones, ainsi que les victimes des autres atrocités de la colonisation. Pour ceux et celles qui l’ignoreraient, c’est dans un contexte politique tendu que la journée dédiée aux peuples autochtones est apparue. Dès le début des années 2010, les différentes communautés autochtones des quatre coins du pays se sont rassemblées pour demander des actions concrètes à Ottawa. Cette mobilisation a mené à la publication des recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées en 2019. Cette commission avait pour mission de mettre en lumière les nombreux abus qui sévissaient dans les réserves autochtones, et ce, spécialement auprès des femmes. Elle se devait aussi de dénoncer l’aveuglement populaire, qui se présente souvent sous la forme d’un réflexe persistant à vouloir tout cacher sous le tapis et faire comme si la réalité troublante dans les réserves autochtones n’était que pure imagination. Pendant quelques années, Ottawa semblait résister à la pression, fermement déterminée à ignorer la triste réalité des peuples autochtones. Le coup de grâce frappa en 2021 avec la macabre découverte de lieux de sépulture non-marqués près d’anciens pensionnats, signe incontestable que de jeunes autochtones avaient été assassinés et maltraités dans ces lieux dits « destinés à leur éducation ». La découverte avait engendré un véritable scandale, ouvrant les yeux du public sur les abus que les autochtones dénonçaient depuis déjà plusieurs années. Ottawa a ainsi dû se résigner à les écouter et a changé son fusil d’épaule.

« Après tout, les nations les plus fortes sont celles qui ne craignent pas de mettre un genou à terre et d’avouer leurs faiblesses »

Alors, le matin du 30 septembre dernier, alors que je naviguais comme à mon habitude sur les réseaux sociaux, la majorité des publications qui apparaissaient sur mon fil d’actualité étaient naturellement liées aux commémorations. On pouvait notamment y voir le premier ministre Justin Trudeau, la gouverneure générale Mary Simon (elle-même autochtone) et divers chefs autochtones parler d’une seule et même voix. Dans leur discours, une profonde tristesse, une résilience et même une certaine confusion étaient palpables, comme si des années plus tard, on ne comprenait toujours pas pourquoi ni comment on s’était rendu jusque-là collectivement.

Comment nous, le Canada, la nation championne des droits de l’Homme, avait-elle pu se rendre non seulement complice d’atrocités, mais aussi instigatrice de telles horreurs ? Et j’ose affirmer ici que c’est exactement le but de ces journées commémoratives que l’impératif de se poser des questions sur notre passé et sur notre identité nationale. Parfois, comme nation, ce n’est pas toujours agréable de se regarder dans le miroir : on risque de ne pas aimer ce que l’on voit, on risque d’être déçue, mais parfois, c’est plus que nécessaire. Après tout, les nations les plus fortes sont celles qui ne craignent pas de mettre un genou à terre et d’avouer leurs faiblesses.

Alors que je continuais à faire défiler les publications sur X, j’ai aussi vu d’autres politiciens souligner la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, des politiciens provinciaux québécois cette fois-ci. Puis, alors que je les écoutais parler, j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de bizarre dans leurs discours, quelque chose qui sonnait différemment en comparaison avec leurs homologues fédéraux. Leur analyse de la situation des peuples autochtones semblait teintée par un certain malaise, comme s’ils parlaient à demi-mot, qu’ils n’étaient pas prêts à prendre position sur la question, et qu’il y avait une sorte de déconnexion entre ce qu’ils avançaient et la réalité. Bien que cela m’ait semblé étrange à première vue, le constat y était : au Québec, on aborde différemment notre passé complexe avec les peuples autochtones. J’ai alors creusé la question.

« Pour eux, il est donc dur d’admettre ou seulement de concevoir que le Québec ait pu être responsable de l’anéantissement d’un autre peuple, car une nation ne peut être à la fois victime et bourreau »

La conclusion à laquelle je suis parvenu réside dans le nationalisme identitaire québécois qui s’est construit au cours des années. Les nationalistes d’ici ont de la difficulté à admettre que le Québec a été complice des atrocités commises à l’égard des autochtones, parce que ça ne suit pas le narratif qu’ils se sont construits. Après tout, l’histoire du Québec et des francophones partout au Canada demeure une histoire de résistance. Après avoir été assujettis par la couronne britannique, des lois injustes ont été mises en place contre l’intérêt des francophones afin de tenter de les assimiler. Pour eux, il est donc dur d’admettre ou seulement de concevoir que le Québec ait pu être responsable de l’anéantissement d’un autre peuple, car une nation ne peut être à la fois victime et bourreau. Comment un peuple conquis pourrait-il en conquérir un autre? Ailleurs dans le pays, cette admission n’est pas aussi compliquée parce que les citoyens ne perçoivent pas leur province comme ayant été contrôlée, ou encore malmenée par l’occupation coloniale. Dans l’esprit des gens, il n’existe donc pas cette dualité entre agresseur et agressé. Donc, lorsque l’on dit que le Québec a aussi pris part au génocide contre les peuples autochtones, la pilule est, pour plusieurs, plus difficile à avaler.

Même dans la couverture médiatique d’ici, la Journée fût soulignée différemment. Malheureusement, des nationalistes comme Sophie Durocher ou Rémi Villemure sont tombés dans le panneau du déni. Récemment, les deux personnalités ont mené une chronique à la radio, où ils remettaient en doute le simple fait que des autochtones aient été tués dans les pensionnats. Ils attribuaient la présence de tombes non marquées près des pensionnats à de simples maladies au lieu d’un système bien implanté de meurtres et d’abus d’enfants.

Bien que les francophones aient souffert comme les autochtones de la présence britannique, la différence fondamentale entre les deux peuples demeure que les francophones, contrairement aux autochtones, ont pu se construire une entité étatique, et s’assurer de la reconnaissance de leurs droits. Ils ont bénéficié d’une représentation politique et de pouvoirs constitutionnels. Ce ne fut jamais le cas des autochtones. Remettre en question le passé colonial du Québec ne nous fera pas avancer collectivement. Douter n’effacera pas les blessures du passé. Pointer du doigt ne nous réconciliera pas. Si l’on souhaite vraiment atteindre la réconciliation avec les peuples autochtones, nous nous devons d’être honnêtes vis-à-vis de qui nous sommes et envers le peuple que nous avons été. Comme je l’ai déjà dit, la vérité n’est pas agréable à entendre, mais c’est la seule manière d’avancer. Oui, le Québec et les francophones en général ont été victimisés par le régime britannique qui parfois nous aura maltraités. Non, le Québec n’est pas immunisé contre les abus parce qu’il fut lui aussi abusé.

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Garder tout et pour toujours https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/garder-tout-et-pour-toujours/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56125 Le hoarding chez les étudiant·e·s universitaires.

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La semaine dernière, ma mère m’a forcée à faire un grand ménage de mon placard, me poussant à trier les vêtements que j’ai accumulés depuis déjà plusieurs années, mais dont j’avais refusé de me départir. J’ai fait trois piles : les « je garde absolument, je ne pourrais jamais les donner », les « bof, je sais pas trop », et les « ça, personne, pas même la personne la moins stylée sur Terre, ne voudrait le mettre ». Après quelques heures de tri, j’ai fini par constater que la vaste majorité de mes vêtements se retrouvaient inévitablement dans la pile « à garder » , et que la pile de dons demeurait obstinément assez modeste. Je me suis alors demandée si je n’étais pas, comme ma grande-tante l’avait été avant moi, une hoarder (syllogomaniaque).

« Ces objets, bien qu’ils aient pu avoir une place chère à notre cœur, évoquent aujourd’hui une signification émotionnelle disproportionnée, et les abandonner devient alors bien plus difficile que prévu »

Selon le dictionnaire Cambridge, un·e hoarder est « une personne qui souffre d’un trouble mental les menant à vouloir conserver un grand nombre d’objets qui ne sont pas nécessaires ou qui n’ont pas de valeur (tdlr) ». Traditionnellement associé aux personnes âgées, le terme hoarder est généralement péjoratif et sous-entend une tendance à l’excès, une dégénération, souvent caractérisée par une perte de contrôle totale de ses moyens face à l’accumulation impressionnante d’objets. Or, ce tri de ma garde-robe m’a fait comprendre que le hoarding n’est pas un phénomène réservé aux personnes âgées. Bien que ce soit à une échelle différente dans mon cas, j’en étais victime. Je crois d’ailleurs qu’il est beaucoup plus répandu chez les jeunes adultes qu’on ne le pense, en particulier chez celles et ceux de notre âge. Nous accumulons aussi, mais notre hoarding revêt une forme différente de celui qu’on associe aux personnes âgées vivant recluses avec pour seule compagnie leur panoplie d’objets inutiles. À notre niveau, ce sont souvent des objets de moindre valeur matérielle, auxquels on accorde toutefois une grande valeur émotionnelle. Pour moi, ce sont ces vêtements que je ne porte jamais, mais dont je n’arrive pas à me départir, parce que je les associe à des souvenirs ou à des moments marquants de ma vie, alors que pour d’autres, ce pourrait être la robe portée à leur graduation, le fameux t‑shirt Frosh, ou ce collier offert par un·e ex-partenaire. Ces objets, bien qu’ils aient pu avoir une place chère à notre cœur, évoquent aujourd’hui une signification émotionnelle disproportionnée, et les abandonner devient alors bien plus difficile que prévu.

Le hoarding émotionnel chez les jeunes adultes

Le hoarding chez les jeunes adultes, en particulier chez les étudiant·e·s, peut être alimenté par plusieurs facteurs, notamment le stress, la peur du changement, ou encore le désir d’occuper un espace qui leur est propre. L’université représente souvent un moment de transition, qui implique de nombreux départs, changements de vie et expériences qui forgent l’identité. Ainsi, les objets personnels, que ce soit des bibelots ou des vêtements, peuvent devenir des ancres, des repères émotionnels dans un monde en constante évolution. L’attachement à ces objets est souvent un moyen de préserver un lien avec des moments passés ou des relations anciennes.

Cette accumulation n’est pas forcément considérée comme problématique tant qu’elle ne dépasse pas des proportions excessives. On pourrait dire que beaucoup de jeunes adultes sont des « hoarders en devenir » : leur collection d’objets émotionnels augmentant discrètement avec le temps. Dans mon cas, c’est la quantité de vêtements que je possédais qui avait atteint une ampleur démesurée, et il a fallu que ma mère m’accule au pied du mur pour que je prenne conscience de l’état de mon placard.

Les applications de revente

Heureusement, l’ère numérique nous donne accès à des plateformes comme Depop, Vinted, ou Facebook Marketplace qui permettent à la fois de vendre et d’acheter des articles de seconde main. Mais, ces plateformes offrent-elles un soulagement pour les hoarders, leur permettant de se départir de leurs biens, ou sont-elles plutôt des outils faciliant leurs tendances pernicieuses? Ces applications offrent une nouvelle perspective sur le processus de désencombrement : plutôt que de jeter ou donner, on peut vendre ses biens, leur permettant ainsi de circuler et d’avoir une seconde vie chez autrui, qui saura, on l’espère, les apprécier à leur juste valeur.

Cependant, ces plateformes ne permettent pas seulement de désencombrer ses placards, mais aussi de les renflouer. En effet, elles favorisent l’achat à bas prix, ce qui introduit une dynamique hautement contradictoire. Bien qu’elles offrent un moyen pratique de se débarrasser de vêtements, elles facilitent aussi l’accumulation en rendant l’achat de nouveaux articles presque aussi – voire plus – simple que la vente. Beaucoup de jeunes comme moi, en particulier dans un contexte universitaire où l’on doit jongler avec un budget serré, se voient tenté·e·s d’acheter à moindre coût. Cela crée un cycle où les placards se vident d’un côté, mais se remplissent de l’autre, sans qu’on ait réellement réduit la quantité d’objets possédés. Dans certains cas, se débarrasser de certains objets offre même le prétexte idéal pour racheter, menant à une accumulation perpétuelle.

« L’université représente souvent un moment de transition, qui implique de nombreux départs, changements de vie et expériences qui forgent l’identité. Ainsi, les objets personnels, que ce soit des bibelots ou des vêtements, peuvent devenir des ancres, des repères émotionnels dans un monde en constante évolution »

Ainsi, ces plateformes se situent à la croisée des chemins : elles peuvent être vues comme des outils pour réduire l’encombrement et la consommation excessive, mais elles peuvent tout aussi bien alimenter de nouvelles formes d’accumulation. À mon avis, la population universitaire est malheureusement victime de la facilité d’utilisation et des prix alléchants que ces plateformes offrent. Cela souligne à quel point le rapport aux objets dans la vingtaine est complexe : la tentation d’acheter reste toujours présente, même au milieu d’une démarche de désencombrement.

En somme, le hoarding dans la vingtaine est un phénomène souvent ignoré, mais, comme j’en témoigne, bien réel, particulièrement dans le milieu universitaire. Bien qu’il soit généralement perçu comme un problème affectant les personnes plus âgées, il est aussi important de souligner sa place chez les jeunes adultes. Les plateformes de revente comme Depop et Vinted offrent des solutions modernes à ce dilemme, permettant aux jeunes adultes de désencombrer sans se heurter à la difficulté émotionnelle de se débarrasser de leurs objets précieux. Dans ce processus de lâcher-prise souvent difficile à affronter, il est important de se rappeler que même si l’on peut ressentir un certain vide dans l’instant, les objets que l’on abandonne trouveront une nouvelle vie entre les mains d’un·e prochain·e, qui saura tout autant les apprécier.

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Souffler : quand l’espoir renaît enfin https://www.delitfrancais.com/2024/09/25/souffler-quand-lespoir-renait-enfin/ Wed, 25 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55951 Trump, Biden et Harris nous en auront fait voir de toutes les couleurs.

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En matière de politique américaine, les consensus se sont fait rares au cours des deux dernières décennies. En effet, depuis le début des années 2000, la société américaine s’est fortement polarisée. De plus, n’importe qui s’intéressant un tant soit peu à ce qui se passe chez nos voisins du sud vous dira que cet été a été long, rempli de surprises et de rebondissements. Cette période aura certainement été insoutenable pour nos pauvres nerfs. En quatre mois seulement, on a été témoin des spéculations entourant Biden et de son pénible déclin, qui a culminé lors de sa désastreuse prestation au débat présidentiel. On a aussi connu deux tentatives d’assassinat contre Trump et l’avènement de la messe républicaine qui voyait déjà son candidat à la Maison-Blanche. Dans le camp démocrate, c’est l’abandon à a course présidentielle de Biden, la formation de l’unité démocrate autour de Kamala Harris et enfin l’espoir qui s’est établi lors de la convention démocrate. Bref, on en a vu beaucoup. Beaucoup à analyser, beaucoup à traiter, beaucoup à démystifier.

Une année électorale rocambolesque

Comme on le dit trop souvent, nous vivons des moments historiques sans précédent. Jamais auparavant un président en fonction n’avait décidé de se désister si tard dans le processus électoral. Jamais auparavant un délinquant criminel, maintes fois poursuivi en justice, n’avait obtenu la nomination de son parti. Jamais auparavant une femme de couleur n’avait été sélectionnée par la base partisane pour représenter son parti. Jamais une élection américaine s’est annoncée être si serrée.

Comme beaucoup, toutes ces nouvelles variables inconnues dans l’équation des présidentielles américaines m’ont fait peur. J’ai passé plus d’heures que j’aimerais admettre sur X à regarder les sondages, à analyser les mille et unes façon dont Harris pourrait atteindre le chiffre magique de 270 grands électeurs (le nombre requis pour gagner la présidence) le 5 novembre prochain et à écouter les rallyes des deux candidats. Pour moi, toute bribe d’information, tous les détails étaient importants et devaient être analysés. Ils me permettaient de prendre le pouls du peuple américain, de voir dans quelle direction on s’en allait. Pourtant, quand j’y pense, c’est futile. Je ne suis pas Américain. Je ne pourrai pas voter. Je ne pourrai pas faire de dons à la campagne démocrate.

Comme beaucoup des lecteurs du Délit, la seule chose que je puisse faire, c’est prendre une grande inspiration et attendre. Attendre. Par contre, la seule idée de revoir Trump à la tête de l’appareil américain me rend malade et je ne peux m’y résoudre. Et là, quelque chose de concret est arrivé ; le débat du 10 septembre. On y a découvert une nouvelle dynamique, une nouvelle candidate; bref, une toute nouvelle campagne. On rebrasse les cartes et on recommence à zéro.

« Jamais auparavant un délinquant criminel, maintes fois poursuivi en justice, n’avait obtenu la nomination de son parti. Jamais auparavant une femme de couleur n’avait été sélectionnée par la base partisane pour représenter les couleurs du parti. Jamais une élection américaine s’est annoncée être si serrée »

Un débat réconfortant

J’ai écouté le débat avec mes deux meilleures amies à la soirée organisée par Democrats at McGill. J’avais le cœur serré et j’étais dans l’appréhension la plus totale. Un verre à la main, puis deux, pour calmer mon esprit, j’ai tout regardé. Le laid comme le plus beau. Après 90 longues minutes, pour la première fois depuis le début de l’été, j’ai soufflé. J’ai soufflé parce que Harris a été formidable et Trump, lui, a été pitoyable.

Bon, bon, bon… Je vous vois venir, me dire que je suis un maudit vendu, que je dirais n’importe quoi qui est dans le meilleur intérêt de Harris…Et moi je vous répondrais que ce que j’affirme ici, je tente de le dire au-delà de mon biais définitivement pro-démocrate. Je le dis parce que je tente de me mettre dans la peau d’un républicain et tout ce que je vois, c’est que Trump est mal paru. Ce n’est un secret pour personne, nous avons des attentes différentes pour les deux candidats. Pour Harris, on s’attend à ce qu’elle soit forte, qu’elle soit préparée, qu’elle soit intelligente, mais pas trop (elle ne doit pas faire comme Hillary Clinton), qu’elle soit souriante et qu’elle articule ses idées autour de projets rassembleurs pour faire avancer la démocratie américaine. Pour Trump, on veut qu’il soit un homme fort, on veut qu’il dise des petites folleries qui nous feront rire, qu’il dénonce le statu quo, qu’il nous fasse sortir du « vieux » modèle politique.

« Après 90 longues minutes, pour la première fois depuis le début de l’été, j’ai soufflé. J’ai soufflé parce que Harris a été formidable et Trump, lui, a été pitoyable »

Donc, quand on y pense, toute la pression était sur les épaules de la vice-présidente. Elle qui est moins connue que son adversaire devait prouver beaucoup plus à l’électorat que Trump. Dans cet esprit, on comprend que Harris a réussi à faire ce qu’elle avait à faire : elle est arrivée sur la scène en possession de ses moyens, lumineuse, ferme et préparée. Trump, lui, paraissait vieux, aigri et faible. Mais surtout, il n’a pas offert un spectacle drôle et original comme sa base en attendait de lui. Non, il était simplement ennuyeux et revanchard. Je pourrais vous dire toutes les choses folles qu’il s’est permis de dire, mais je m’y refuse. Je refuse de faire le messager, de continuer à lui donner de l’attention. Tout ce que je veux retenir de ce débat c’est que j’ai soufflé. Pas pour longtemps, juste un petit souffle ; mais tout de même un souffle de soulagement, d’encouragement pour ce qu’il y à venir.

En somme, le 5 novembre demeure encore loin aujourd’hui. Beaucoup de choses risquent de se passer d’ici là. Comme cet été nous l’aura appris, rien ne peut être tenu pour acquis. Si Harris veut gagner les clés de la Maison Blanche, elle devra travailler fort, elle devra bûcher, aller là où les démocrates ne sont pas allés depuis longtemps, visiter les sept états pivots (Caroline du Nord, Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin, Géorgie, Arizona et le Névada), montrer sa vision et serrer le plus de mains possible pour former la plus grande coalition possible. Trump, lui, s’il veut gagner, il devrait se taire un peu et se concentrer sur les faiblesses démocrates comme la frontière sud et l’économie chancelante, héritage de Biden, mais je crains pour lui que ce ne soit pas dans sa nature. Bien que je ne connaisse pas l’issue du 5 novembre, je me permets d’être résilient et quelque peu optimiste pour les chances de Kamala Harris. Elle n’est ni parfaite, ni ma politicienne favorite, mais elle n’est pas Donald Trump. Pour moi, c’est tout ce qui me faut. Juste assez pour souffler.

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