Le Délit https://www.delitfrancais.com/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Sun, 17 Nov 2024 18:17:47 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.6.2 Cinemania : la francophonie à l’écran https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/cinemania-la-francophonie-a-lecran/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56624 Gros plan sur quatre films en tête d’affiche du festival de cinéma.

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En célébrant ses 30 ans, le Festival Cinemania nous offre une sélection de films aussi diversifiée que captivante, reflétant la richesse du cinéma contemporain. C’est précisément cette variété qui fait de ce festival de films francophone, ayant la plus grande envergure en Amérique du Nord, un événement unique. Faisons un gros plan sur quatre de leurs pépites.

Monsieur Aznavour : petit de taille, mais plus grand que nature

Présenté en première internationale lors de la soirée de gala marquant le 30e anniversaire du Festival Cinemania, Monsieur Aznavour, réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, met en vedette Tahar Rahim dans le rôle du chanteur mythique. Dès les premières images, nous sommes immergés dans les souvenirs d’enfance de Charles Aznavour, fils de réfugiés arméniens installés à Paris, qui grandit au cœur de la Seconde Guerre mondiale et de la pauvreté. Ses débuts modestes sont filmés avec une justesse qui révèle l’essence de l’homme avant la légende, et pose les bases d’un parcours d’opportuniste obstiné. Autodidacte, il écrit, compose et interprète ses chansons ; sa polyvalence témoigne de son désir de réussir et, épaulé par son premier complice de scène Pierre Roche (interprété par Bastien Bouillon), Aznavour arpente les cabarets parisiens pour atteindre ce but.

Ensemble, ils tombent sous le mentorat d’Édith Piaf (interprétée par Marie-Julie Baup), qui les inspire à poursuivre leur carrière à Montréal. La complicité entre Piaf et Aznavour est abordée avec finesse : le film présente l’interprète de L’hymne à l’amour comme une seconde mère qui, par ses gestes tant bienveillants que brusques, contribue à façonner l’Aznavour iconique que l’on connaît. Le film est marqué par des apparitions d’autres figures emblématiques de l’époque qui surprennent, telles que Frank Sinatra, Gilbert Bécaud ou Johnny Hallyday, renforçant l’image d’Aznavour comme un artiste évoluant parmi les grands de son époque. Cependant, les réalisateurs ne cherchent pas à adoucir les difficultés de son parcours. Que ce soit par le racisme auquel il a été confronté, la pression de correspondre à une certaine image, ou ses échecs répétés dans sa quête d’une vie de famille stable, les moments sombres de la vie du chanteur sont révélés.

« C’était un père très présent, je l’ai accompagné dans ses tournées, et j’en garde des beaux souvenirs », témoigne la fille de l’artiste, Katia Aznavour, présente à l’avant-première. Ce témoignage, bien qu’émouvant par son intimité, contraste avec l’image tourmentée de l’artiste que le film expose, notamment avec son rôle de père parfois absent. Vers la fin, le film revêt un ton mélancolique, nous laissant face à un homme vulnérable, contemplant le chemin parcouru. Une interprétation de Hier encore conclut le film, et offre au public un dernier au revoir à l’homme qui, jusqu’à son dernier souffle, a incarné l’intemporalité et la beauté de la chanson française.

Monsieur Aznavour prendra l’affiche au Québec le 29 novembre 2024.

L’Amour ouf : quand la jeunesse réinvente le cinéma

Dans L’Amour ouf, Clotaire et Jackie, deux âmes écorchées, se rencontrent et s’apprivoisent au fil d’une romance douce-amère. Dès les premières notes de la bande sonore, le film nous plonge dans un univers musical à la fois riche et nostalgique, composé de tubes des années 80 et 90 qui évoquent une ambiance rétro.

L’Amour ouf est avant tout une déclaration d’amour au cinéma. Le réalisateur Gilles Lellouche nous livre un film vibrant, plein d’audace, de vitalité et d’une ambition créative intense. Certes, le film tombe parfois dans la surenchère d’effets, mais cette exubérance contribue à l’authenticité et à l’émotion brute qui en émanent.

Même si le scénario est classique et reconnaissable — le bad boy au cœur tendre et la manic pixie girl un peu désabusée — L’Amour ouf parvient à captiver et émouvoir, porté par des personnages incroyablement attachants. La véritable force du film réside dans la chimie entre les jeunes interprètes (Mallory Wanecque et Malik Frikah) qui éclipsent leurs homologues plus âgés (Adèle Exarchopoulos et François Civil). Leurs échanges sont si naturels qu’on se sent presque intrus dans les scènes les plus intimes.

L’Amour ouf n’est certes pas exempt de défauts : les dialogues manquent parfois de finesse, et le montage évoque par moments des transitions Vidéo Star, mais ces éléments ajoutent une touche kitsch qui s’intègre bien au charme du film.

Loin de proposer quelque chose de révolutionnaire, L’Amour ouf réussit cependant un recyclage brillant des clichés, avec un mariage entre modernité et nostalgie qui fait écho aux souvenirs romancés de l’adolescence, dans un film profondément touchant sur la jeunesse.

L’Amour ouf prendra l’affiche au Québec le 1er janvier 2025.

L’Athlète : Stevens Dorcelus sous un nouvel angle

L’Athlète, réalisé par Marie Claude Fournier, offre un regard intime sur la vie de Stevens Dorcelus, une personnalité marquante de la télévision québécoise. Bien que principalement connu pour sa victoire à Occupation Double Dans l’Ouest (2021), Dorcelus est présenté dans ce documentaire comme un jeune homme animé par le désir de concrétiser ses rêves à travers la discipline du saut en longueur. Ses performances font de lui une figure respectée dans le domaine ; mais son histoire ne s’arrête pas à ses médailles. C’est ce que la caméra de Fournier, qui le suit depuis 2013, cherche à révéler.

Dès les premières scènes, l’authenticité se fait ressentir. Les échanges en créole haïtien avec ses proches nous immiscent dans un quotidien sans artifice, où chaque dialogue fait ressortir la chaleur de la famille « tissée serrée » que le jeune Stevens rêve de rendre fière. Issu d’un foyer monoparental, Dorcelus est marqué par un devoir de redonner à sa communauté, sa passion allant au-delà d’une quête personnelle. Ladite passion incarne celle de toute une communauté, celle de la diaspora haïtienne au Québec. À travers ses exploits, il montre aux jeunes, notamment ceux issus de milieux modestes, qu’il est possible de s’élever, de « sortir » des contraintes imposées par leur environnement, et d’accomplir de grandes choses.

En salle dès le 13 décembre 2024.

Les Femmes au Balcon : une ode à la sororité… ratée

Les Femmes au Balcon de Noémie Merlant, écrit en collaboration avec Céline Sciamma, tente de dénoncer le patriarcat à travers une intrigue mêlant surnaturel et satire. Malgré quelques moments de comédie noire réussis, le film échoue à maintenir un ton cohérent, et sa conclusion maladroite affaiblit son propos féministe.

Si l’on espérait une satire piquante ou une comédie d’horreur, seuls certains moments réussissent à éveiller cet esprit irrévérencieux. Ces touches d’humour noir ne sont pas suffisantes pour équilibrer la violence brute qui domine certaines scènes et brime l’intention humoristique initiale. Le film tente également d’introduire des éléments surnaturels de manière inattendue, mais ceux-ci sont finalement sous-exploités, et semblent être aléatoires.

La comédie, bien que souvent volontairement outrancière, passe par des ressorts puérils, et amène même certaines scènes à des registres involontairement sordides, notamment lorsqu’un viol conjugal est présenté comme une plaisanterie de mauvais goût. L’humour grossier se révèle ici totalement dissonant, et manque cruellement de discernement.

La conclusion, une scène qui revendique le mouvement Free the Nipple, manque de nuance et semble presque hors de propos dans le cadre d’un récit du genre cinématographique Rape and Revenge (Viol et vengance). En tentant de toucher à plusieurs thématiques sans les explorer pleinement, le film finit par diluer son message, et amoindrit la portée de sa dénonciation féministe.

Malgré la générosité et l’esprit risqué de Merlant, cette comédie déjantée demeure un film raté. On ressent ici une vision assez limitée : le propos se veut un pamphlet contre le patriarcat, une ode à la sororité, mais l’exécution est en réalité étroite et trop marquée par un féminisme qui se révèle superficiel.

Une représentation de Femmes au Balcon aura lieu le 13 novembre à 21h00 au Cinéma Quartier Latin, dans le cadre de la programmation Cinemania. Le Festival prend fin le 17 novembre 2024.

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Nous, le Nord https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nous-le-nord/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56620 Ce qui restera au Canada après l’élection de Trump.

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C’est aux alentours de 22 heures lundi dernier que j’ai eu l’impression de revivre 2016 pour la première fois, et que les souvenirs de la dernière défaite démocrate ont commencé à me revenir à l’esprit. C’est à ce moment que je me suis revu âgé de tout juste 13 ans, regardant seul les résultats de l’élection présidentielle être annoncés, et comprendre que non, Hillary Clinton ne deviendrait pas la première femme présidente des États-Unis d’Amérique – et ne briserait ainsi pas le dernier plafond de verre en politique. Cette fois, Elliott, 21 ans, comprenait que non, Kamala Harris ne deviendra pas non plus la première femme présidente des États-Unis et que ce plafond de verre allait une fois de plus résister. Pourtant, malgré ses airs de famille avec la victoire républicaine de 2016, celle de 2024 est totalement différente.

Pour commencer, les femmes ont aujourd’hui moins de droits qu’elles en avaient il y a de cela huit ans déjà, lors de la première victoire du MAGA (Make America Great Again). En effet, si en 2016 une loi fédérale prévoyait et garantissait l’accès à l’avortement pour les femmes à l’échelle des États-Unis, aujourd’hui, ce sont les États qui décident s’ils vont offrir – ou non – ce service. Un service de santé que je juge essentiel et qui, je dois le rappeler, sauve la vie de femmes qui dans de nombreux cas doivent faire usage de la procédure à la suite de complications qui les mettent en danger. Maintenant que cette légalisation nationale de l’avortement est chose du passé, on n’a qu’une personne à remercier : Donald J. Trump. Il s’en est largement vanté d’ailleurs, disant à plusieurs reprises qu’il est le seul président à avoir réussi à renverser Roe v. Wade, le jugement de 1973 qui avait rendu légal l’avortement dans tout le pays.

Sous cette nouvelle administration Trump, on doit s’attendre à encore plus de réglementation entourant la santé et le corps des femmes. Au-delà du fait qu’il aura la charge de l’appareil exécutif, Trump risque d’enraciner la majorité conservatrice à la Cour Suprême et de remplir l’administration américaine de certains de ses collaborateurs tels que Elon Musk et Robert F. Kennedy Jr., deux hommes qui se sont déjà prononcé contre l’avortement. Bref, l’entièreté du gouvernement fédéral américain étant sous le joug de Trump et de ses alliés anti-choix, les femmes devront faire preuve de courage et de résistance alors que les droits fondamentaux et sacrés de leur personne sont sous-pression et qu’ils seront assurément attaqués. Deuxièmement, alors que Trump avait été élu en 2016 avec une plateforme qui ne disait pas grand-chose sur les droits des membres de la communauté LGBTQ2+, en 2024, son agenda y est fermement opposé. Les dernières semaines de la campagne nous l’ont démontré alors qu’à coup de millions de dollars, Trump menait une campagne médiatique axée sur un discours anti-trans dans les États pivots pour remporter la MaisonBlanche. De plus, le fameux projet 2025, un manifeste écrit par certains de ses plus proches collaborateurs et qui fait office de plateforme de campagne, nous fait comprendre dans quelle direction cette nouvelle administration compte se diriger, au détriment des minorités de genres et sexuelles. Si le projet 2025 est mis en application, nous risquons de voir une interdiction nationale des chirurgies de réassignement de sexe avant la majorité, la remise en application d’une interdiction pour les personnes trans d’entrer dans l’armée ou encore limiter leur capacité à joindre des équipes professionnelles de sport. Pour les minorités sexuelles, comme l’a affirmé le juge controversé et ultra-conservateur de la Cour Suprême, Clarence Thomas, c’est aussi la légalisation nationale du mariage entre conjoints de même sexe qui risque d’être renversée, à l’instar de l’arrêt Roe v. Wade. Un tel recul en arrière serait tout autant un crève-cœur pour les défenseurs de la cause du mariage pour tous, sachant qu’il a fallu attendre des décennies pour que la plus haute instance judiciaire du pays reconnaisse sa légalité à l’échelle du pays. En somme, avec Trump de retour dans le rôle de président, on doit s’attendre à ce que les droits des communautés sexuelles et de genre soient remis en question ou simplement supprimés.

« Pourtant, malgré ses airs de famille avec la victoire républicaine de 2016, celle de 2024 est totalement différente »

Avec ce rapide comparatif entre la première élection de Trump et sa réélection, on comprend que non seulement le contexte qui a permis au candidat républicain de devenir le président des ÉtatsUnis a changé, mais aussi que le candidat et la nature de ses politiques ont changé. Ceux et celles qui pensent que 2024–2028 sera une continuité avec le premier mandat de Trump se leurrent. Le septagénaire s’est radicalisé et il risque de faire encore plus de ravages pour les plus faibles. Cette fois-ci, Trump menace d’aller encore plus loin et de s’attaquer à des tranches de la population qui avaient jusqu’ici été épargnées.

En terminant, permettez-moi de m’adresser directement à vous, chers lecteurs du Délit. Les États-Unis ont fait leur choix la semaine dernière. Ils ont élu Trump. D’une incroyable manière, des États pourtant traditionnellement démocrates sont tombés dans le giron républicain et d’autres, comme la Virginie, ont failli eux aussi succomber à la marée rouge. Pour la première fois en 20 ans, le candidat républicain à gagné le vote populaire. Maintenant, le Canada devra aussi faire un choix, et ce rapidement. On devra décider comment se positionner face aux États-Unis dirigés par un extremiste et comment on fera la politique chez nous. Je ne sais pas ce qu’on décidera de faire. Je ne sais pas non plus ce qui nous attend. Ce que je sais, cependant, c’est qu’on devra serrer les dents et se tenir droit devant la Maison-Blanche. Parfois, ce qu’on va voir au sud de notre frontière choquera, ça fera mal au cœur. Plus d’une fois, on sera témoin de terribles injustices, mais on ne peut pas se permettre de sombrer avec eux. Nous, le nord, nous devrons faire preuve de force et de résilience. Nous, le Canada, nous devrons nous serrer les coudes pour nous assurer que ce genre de dérives totalitaires ne se rendent pas jusqu’à chez nous. On devra aussi renforcer nos autres alliances, parce qu’avec Trump à Washington, le Canada n’aura pas besoin de se chercher d’ennemi. Nous, le nord, nous devons leur faire face, ensemble.

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La sélection d’actus du Délit https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-selection-dactus-du-delit-6/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56611 ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES: LE « RETOUR DE DONALD TRUMP » Ce mercredi 6 novembre, l’ex-président républicain Donald Trump a été élu 47e président des ÉtatsUnis, signant son retour à la Maison Blanche. Avec un total de 312 grands électeurs, Trump a dépassé le seuil des 270 nécessaires à la victoire, face à la candidate démocrate… Lire la suite »La sélection d’actus du Délit

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ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES: LE « RETOUR DE DONALD TRUMP »

Ce mercredi 6 novembre, l’ex-président républicain Donald Trump a été élu 47e président des ÉtatsUnis, signant son retour à la Maison Blanche. Avec un total de 312 grands électeurs, Trump a dépassé le seuil des 270 nécessaires à la victoire, face à la candidate démocrate Kamala Harris qui a remporté 226 voix. Les acteurs clés de cette élection étaient les sept États pivots (swing states), caractérisés par leur tendance à basculer d’un camp à l’autre à chaque élection, et ce de manière imprévisible. Ensemble, ils comptabilisaient 88 des grands électeurs, et représentaient un enjeu crucial pour les deux candidats. Les résultats des votes en Arizona et au Nevada, attendus ce samedi, ont confirmé la victoire de Trump dans les sept États clés.

Donald Trump a été félicité par de nombreux dirigeants internationaux. Compte tenu du contexte géopolitique, la réaction de certains représentants était impatiemment attendue par la communauté internationale. Côté européen, le président ukrainien Zelensky espère obtenir l’aide des États-Unis pour aboutir à une « paix juste ». Côté russe, Poutine a félicité Trump pour sa victoire ce jeudi, se disant prêt à reprendre contact avec la Maison Blanche. Finalement, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a chaleureusement félicité Donald Trump pour sa victoire, la qualifiant du « plus grand retour de l’Histoire (tdlr) ».

Lors de son discours officiel, le futur président des États-Unis a affirmé vouloir « mettre fin aux guerres », déclaration dont les actions associées sont attendues par les autres pays dès le début du mandat de Trump, le 20 janvier 2025.

Eileen Davidson | Le Délit

CONGÉDIEMENT INATTENDU DU MINISTRE DE LA DÉFENSE EN ISRAËL

Le mardi 5 novembre, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a annoncé le limogeage de son ministre de la Défense Yoav Gallant. Cette déclaration survient dans un contexte géopolitique plus instable que jamais pour le pays toujours engagé dans plusieurs opérations militaires à Gaza et au Liban, nécessitant la mobilisation constante de l’armée.

Nétanyahou justifie cette décision par l’érosion de sa relation avec Gallant, dans une situation où « la confiance est plus que jamais requise entre le premier ministre et son ministre de la Défense ». Ces propos témoignent d’une augmentation des divergences entre les deux hommes sur plusieurs sujets. Concernant les otages détenus dans la bande de Gaza, notamment, M. Gallant avait plaidé pour une trêve avec le Hamas afin d’obtenir leur libération, tandis que le premier ministre priorise avant tout l’anéantissement du mouvement palestinien.

Ce vendredi 8 novembre, Gallant a officiellement laissé sa place à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Israel Katz. Nétanyahou justifie ce choix en expliquant que leurs positions sont alignées dans le domaine militaire, ce qui permettra de résoudre les conflits avec son prédécesseur.

L’annonce a déclenché des manifestations à Tel Aviv dès mardi soir, pour protester contre le limogeage de Gallant et pour prier son successeur de prioriser la libération des otages à Gaza. Le président israélien Isaac Herzog, quant à lui, qualifie ce renvoi comme « la dernière chose dont l’État d’Israël a besoin », compte tenu du manque d’unification au sein du pays.

L’OTAN FAIT PRESSION SUR OTTAWA AU NOM DE LA DÉFENSE COLLECTIVE

Eileen Davidson | Le Délit

Le gouvernement canadien a annoncé ce vendredi 8 novembre vouloir prendre des « mesures efficaces » concernant l’atteinte des 2% de dépenses militaires promis à l’OTAN, cible fixée en 2006. Le premier ministre Justin Trudeau, ainsi que les 32 autres pays membres, se sont engagés à atteindre l’objectif de dépense de 2% du PIB alloué à la défense collective, principe fondateur de l’alliance atlantique.

Cependant, jusqu’ici, le Canada fait partie des huit pays qui n’ont pas atteint la cible. Trudeau subit la pression des alliés pour contribuer de manière égale à cet effort économique, et la prise de mesures accélérée du gouvernement canadien pourrait être influencée par la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles, bien que cette hypothèse ait été niée par le ministre de la Défense canadien Bill Blair. En effet, Trump avait averti par le passé que les États-Unis ne viendraient pas en aide aux pays qui ne respectaient pas la cible de 2%.

Pour le moment, le Canada conserve un retard de 0,42% avec l’objectif final. Combler cet écart impliquerait une hausse des dépenses militaires canadiennes jusqu’ à 81,9 milliards de dollars d’ici 2032–2033, un montant deux fois plus élevé que celui fixé pour 2024–2025, mais atteignable selon le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est entretenu ce jeudi 7 novembre avec le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, afin de réaffirmer l’engagement du Canada pour atteindre les dépenses attendues pour la défense militaire. Malgré cette promesse, le gouvernement canadien est toujours appelé par Rutte et les autres pays membres à se présenter avec un plan clair concernant la manière d’atteindre cette cible, qui n’a pas été clarifié pour le moment.

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La résilience face aux flammes https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-resilience-face-aux-flammes/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56607 Les soeurs Talbi adoptent Incendies sur scène.

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Vingt ans après sa publication, la pièce Incendies de Wajdi Mouawad est revisitée sur scène par le duo des sœurs Talbi, dans un contexte à la fois universel et intime, qui dévoile les ravages de la guerre et la résilience de ceux qui en portent les cicatrices. Le récit empreint de souffrance dénonce l’absurdité de la violence, confrontant l’auditoire à une réalité terrible, que l’on ne peut détacher de son contexte géopolitique actuel.

Incendies raconte la quête déchirante de Jeanne et Simon, deux jumeaux qui, à la mort de leur mère Nawal, reçoivent une mission déconcertante : retrouver un père qu’ils croyaient mort et un frère dont ils ignoraient l’existence. La pièce frappe toujours avec la même intensité. Le cycle de la violence qu’elle dénonce, immuable, lui accorde une dimension intemporelle. En unissant des scènes du passé et du présent, le récit devient le témoignage d’une souffrance qui transcende les frontières et les générations.

Le rôle d’une vie

La tâche colossale d’interpréter les différentes étapes de la vie de Nawal incombe à Dominique Pétin, qui relève ce défi avec une aisance déconcertante. Elle incarne son personnage de l’adolescence jusqu’à la mort, transcendant ainsi notre perception du temps. Pétin offre une performance saisissante, rendant tangible la douleur de Nawal, sublimant d’autant plus sa résilience. Chaque épreuve endurée par le personnage est subtilement rendue, et son interprétation, habitée, lui confère une cohésion sensible. Cette fluidité accorde à l’histoire une force singulière, qui permet une exploration de la mémoire de Nawal. La pièce se déploie ainsi comme une rétrospection où la voix de cette femme se fait entendre sans rupture.

Pétin confère à ce personnage une profondeur qui rend justice aux mots de Mouawad, au-delà de la fiction. Les racines autochtones de la comédienne, d’origine huronne-wendate, ajoutent une dimension supplémentaire à la pièce, qui conjugue les horreurs de la guerre à la violence coloniale vécue par les peuples autochtones. Cette résonance intime confronte le public à l’héritage colonial du Canada, qui dissipe l’illusion d’une violence lointaine en l’inscrivant dans une réalité locale. Alors que dans la pièce originale, les origines de Nawal et des jumeaux sont explicites, l’adaptation des sœurs Talbi maintient un flou délibéré à cet égard, dans un rappel subtil de l’universalité de la souffrance, qui s’inscrit à la fois dans le corps, dans le territoire, et dans la mémoire.

Entre jeunesse et sagesse

Les jeunes acteurs de la pièce apportent une forte crédibilité dans l’incarnation des jumeaux, Simon et Jeanne. Sabrina Bégin Tejeda et Neil Elias incarnent à merveille la relève théâtrale, insufflant à l’œuvre une nouvelle vitalité. L’intensité de Simon, porté par une énergie brute et une intensité crue, contraste avec le pragmatisme calme de Jeanne. Cette complémentarité renforce l’opposition de leurs personnalités, tout en soulignant la complexité du lien fraternel, à la fois fragile et indestructible. On peut également saluer la performance impeccable de Denis Bernard, qui démontre l’étendue de son expérience dans le rôle du notaire, chargé de transmettre les dernières volontés de Nawal aux jumeaux. Sa présence apporte une touche de légèreté à cette histoire poignante, offrant des instants de répit à l’auditoire. La tension dramatique demeure suspendue dans un équilibre subtil, habilement dosé entre l’humour et le tragique.

« Il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble »

Une mise en scène symbolique

Enfin, l’ingénieux dispositif scénique, constitué de cubes mobiles qui se transforment et se décomposent au fil des souvenirs, illustre avec finesse l’éclatement de la mémoire et les blessures invisibles de Nawal. La scène en perpétuelle transformation agit comme une métaphore visuelle qui soutient parfaitement la quête des jumeaux, dans une reconstruction du passé douloureux de Nawal, qui s’intègre à l’espace scénique. La scène finale, qui reconstitue le tableau familial sous une chute de pétales rouge sang, est à couper le souffle : une traduction poétique du triomphe de l’amour et de la résilience sur la violence. Car « il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble ».

Incendies est présentée au Théâtre Duceppe jusqu’au 30 novembre 2024.

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Nos bibliothèques du futur https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nos-bibliotheques-du-futur/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56598 Le Centre des collections de McGill débarrasse McLennan de ses livres.

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Depuis octobre 2023, les livres de la bibliothèque de McLennan disparaissent petit à petit. C’est un vide auquel il faudra s’habituer : ces ouvrages ont à présent trouvé refuge dans un entrepôt. Chacun a une place bien enregistrée, parmi les 95 092 bacs manipulés quotidiennement par des robots. Fini l’expérience du rayonnage, l’emprunt d’un livre se fait désormais sur la plateforme Sofia, un système interbibliothèquaire utilisé depuis des années par les bibliothèques de McGill. Afin d’en savoir plus, Le Délit a interrogé la doyenne des bibliothèques de McGill, Guylaine Beaudry, et visité le Centre des Collections situé à 45 minutes du centre-ville, guidé par le directeur associé du bâtiment.

« Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Le vestige McLennan

En revisitant l’histoire des bibliothèques universitaires, Guylaine Beaudry souligne l’importance des projets de rénovation pour adapter nos espaces à nos besoins actuels. « Le rayonnage dans les bibliothèques tel qu’on le connaît aujourd’hui ne date que depuis la fin de la seconde guerre mondiale » explique la doyenne. « Avant, les grandes bibliothèques universitaires avaient un “magasin”, comme dans les musées, où s’entreposaient les livres jusqu’à ce qu’on ait besoin de les sortir pour les prêter ou les exposer. Les architectes ont pensé ces espaces pour l’entreposage de livres, pas pour l’expérience du public. »

Aujourd’hui, seulement 8% des collections imprimées sont consultées à McGill, soit une baisse de 90% en 30 ans. La consultation numérique a quant à elle dépassé celle papier, et le budget s’est lui aussi adapté : selon la doyenne, 95% du budget des bibliothèques est alloué aux ressources numériques. « Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces » revendique-t-elle. Ainsi, la préservation de la collection générale de 200 ans de travail académique à McGill tient de la responsabilité des bibliothèques. Elles doivent assurer des conditions optimales pour leur conservation : une luminosité réduite, une humidité à 40% et une température de 18 degrés. Cependant, l’évolution de l’utilisation des espaces laisse les étudiants dépourvus de lieux pour se rencontrer, étudier, et créer.

Bibliothèque du XXIe siècle

Le projet de rénovation de la bibliothèque McLennan, FiatLux, en cours de conception depuis 2014, réimagine l’espace pour les étudiants qui veulent y étudier dans le silence autant que pour ceux qui veulent débattre de leurs idées pour un projet d’équipe. « La bibliothèque est un des rares lieux à Montréal où les étudiants peuvent travailler en silence ; et où d’autres viennent pour discuter et travailler en collaboration, dans une ambiance qui ressemblerait à un bistrot », imagine Dr. Beaudry.

Celle-ci réimagine ce que pourrait être une bibliothèque dans la vie des étudiants : « Entre les espaces de silence et “bistrot”, il y a les salles de travail en collaboration, les salles pour pratiquer ses présentations, des espaces pour faire des balados, et expérimenter avec la visualisation des données, des espaces sans Wi-Fi pour minimiser les distractions. » Le but de la bibliothèque est de créer un espace social « fait pour les humains, pas pour les livres », ironise-t-elle.

Anouchka Debionne | Le Délit

Afin de résoudre la question du manque d’espace, McGill s’est inspiré de ce qui se fait dans les autres universités : des centres de collections, bâtiments extérieurs aux bibliothèques de l’université, où sont entreposées les collections et où les livres peuvent être commandés par les étudiants et les employés des institutions académiques. Ça ressemble étrangement aux « magasins » de l’époque, mais on exporte ces magasins pour adapter nos espaces du centre-ville pour les utilisateurs. Cinq universités en Ontario partagent un même centre de collections, dont celles de Toronto et d’Ottawa. Bien qu’elle ait tardivement ouvert son centre en juin 2024, l’Université McGill est la première à y avoir plus de robots que d’employés.

« Nos critères étaient de trouver un lieu à moins d’une heure du centre-ville qui entre dans notre budget », renseigne la doyenne. La construction du centre a ainsi commencé en mars 2022 à Salaberry-de-Valleyfield, à 50 minutes en voiture du centre-ville et à 25 minutes du campus MacDonald. « Les déplacements de livres se font quotidiennement par camions électriques », assure Dr. Beaudry.

Une « usine de connaissances »

Le Délit a visité le centre de collections à Salaberry-de-Valleyfield, accueilli par Carlo Della Motta, directeur associé du centre, et Mary, la superviseure de la bibliothèque du centre. Le bâtiment est divisé en deux grandes unités : l’une est un grand espace de cotravail pour les cinq employés à temps plein, où sont reçus les retours de livres. « Ici, » montre Carlo Della Motta en désignant une grande salle vide avec seulement deux, trois tables, « on entreprend des petites réparations si les matériaux du livre tombent, et ensuite ils peuvent retourner dans l’entrepôt ».

« Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Passé deux ensembles de portes, on entre dans un entrepôt où se dresse un mur rouge, derrière lequel s’échafaudent 95 092 bacs contenant 2,4 millions de livres. Les livres proviennent des collections de McLennan et Redpath, ainsi que du gymnase Currie où étaient entreposés les livres de la bibliothèque Schulich lors de ses rénovations de 2019 à 2023. Les robots sont disposés sur des rails juste au-dessus de caisses empilées qui forment un mur de plusieurs mètres de haut. Ils se déplacent pour soulever des bacs afin d’en atteindre d’autres, et faire descendre la caisse qui contient le livre commandé. Les robots sont programmés pour mener un travail d’équipe : chacun à son poste, deux peuvent bouger du nord au sud de la grille, et deux bougent d’est en ouest. Ainsi, les quatre robots orientés vers le sud sont ceux qui peuvent prendre un bac et le livrer au port. Quant aux deux robots orientés vers le nord, leur principale responsabilité est de pré-trier les bacs pour les quatre autres robots. Le personnel cherche ensuite le livre dans le bac, le sort et le traite pour l’envoyer au centre-ville. La fonction du robot se limite donc à récupérer le bac qui se trouve à l’intérieur de la grille. Le reste du travail est effectué par le personnel de la bibliothèque.

Anouchka Debionne | Le Délit

Les livraisons ont commencé en octobre 2023. « Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois », souligne Carlo Della Motta. « On travaille avec trois systèmes indépendants : AutoStore, qui a créé le système automatisé de récupération des caisses et qui localise les caisses et contrôle les robots, le système Dematic, qui suit l’inventaire des livres dans les bacs, et enfin le système interbibliothèques Sofia, utilisé par les utilisateurs pour commander les livres » explique le directeur associé du centre. Ce genre d’entrepôt est d’habitude utilisé par les industries qui entreposent des marchandises. Il a séduit McGill comme une alternative aux autres centres de collections plus traditionnels, qui se font d’habitude avec des chariots élévateurs ou des assistants virtuels. Pour l’instant, les deux personnes interrogées ne connaissent que deux autres lieux au monde qui utilisent cette technologie pour entreposer des documents : le FBI, et un centre d’archives à Abu Dhabi. « Depuis notre mise en service en juin, notre moyenne est d’environ 850 livres commandés par semaine », renseigne Carlo Della Motta. « On s’occupe aussi d’envoyer des livres pour être scannés dans le centre, qui nous sont ensuite retournés. »

Certification faible impact

Le centre de collection a été certifié LEED GOLD (Leadership de conception en énergies et environnement, tdlr) pour ses efforts en termes d’utilisation des ressources énergétiques comme l’électricité et d’aménagement intérieur et extérieur pour les cinq employés qui viennent quotidiennement sur place. « Nous avons un bac à compost, nos meubles viennent du campus du centre-ville et nous avons gagné la certification Pelouse Fleurie pour notre engagement envers la biodiversité de la ville de Valleyfield. On n’utilise pas de pesticides, pas d’engrais, pas de dérogation. Il y a un certain nombre de plantes endémiques nécessaires pour obtenir la certification », raconte Carlo Della Motta. Le bâtiment est fourni d’une salle de conférence, d’une cuisine, et même d’une douche, pour ceux qui voudraient venir à vélo au travail. Les robots chargés avec des batteries de voiture électriques, eux, consomment en 24 heures ce que consomme un aspirateur branché durant 30 minutes.

« Le but de la bibliothèque est de créer un espace social fait pour les humains, pas pour les livres »

Projet de rénovations retardé

Le Centre des Collections a accueilli les premiers livres à Salaberry-de-Valleyfield en octobre 2023 afin de vider la bibliothèque McLennan pour le début des travaux en 2025. « C’est seulement après avoir déplacé les livres que le projet de rénovation a été mis en pause » informe Carlo Della Motta. Les travaux, retardés dû à « une augmentation des coûts dans la construction », ont été impactés par l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants hors Québec. La doyenne Dr. Beaudry précise : « c’est certain que ça a contribué, parce que c’est la santé financière de McGill qui a été touchée, et la capacité d’emprunt de notre Université ». Les plans de rénovation sont actuellement retravaillés afin de rentrer dans le budget. La doyenne précise que les étagères de McLennan resteront vides et ne seront pas démantelées tout de suite : « Pour le moment, on a confiance que d’ici au printemps, on saura où on s’en va. Si l’on démantèle les rayons et qu’on crée des espaces avec les moyens qu’on a, on risque de devoir tout changer à nouveau au printemps, quand on aura plus de visibilité sur la poursuite des travaux. »

Anouchka Debionne | Le Délit

Le futur du centre

Le centre ne restera donc pas seulement un entrepôt durant les travaux, et compte d’ailleurs accueillir les collections d’autres universités. Selon Carlo Della Motta, « lorsque d’autres bibliothèques, comme la bibliothèque d’Études islamiques, le campus MacDonald ou celle de l’École de musique commenceront à manquer d’espace, nous devrons mettre en place des protocoles et des procédures pour qu’elles puissent déplacer des documents ici. Nous ne sommes pas encore au maximum de notre capacité ». Le centre de Collections accueille actuellement 2,4 millions de livres, et la doyenne mentionne qu’ils prévoient le retour de 400 à 500 000 livres dans la bibliothèque McLennan. « On se pose la question en discutant avec les étudiants mais aussi avec les professeurs : de quelles collections a‑t-on besoin au centre-ville? » S’y retrouveront sûrement les livres qui ont été empruntés récemment, les nouveaux livres achetés par l’Université et ceux qui figurent sur les syllabus des professeurs.

Ainsi, les bibliothèques sont des espaces dans lesquels les étudiants passent un grand pourcentage de leur temps : le centre de Collection est une première étape vers l’adaptation de nos bibliothèques pour nos besoins numériques du XXIe siècle.

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Cygnus : une pièce d’improvisation et d’émotions https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/cygnus-une-piece-dimprovisation-et-demotions/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56591 L’imprévu au service du théâtre.

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Improviser, c’est laisser l’imagination prendre le dessus. Laisser le théâtre ne faire qu’un avec votre corps, vos gestes, votre voix. Il s’agit d’un art à part entière, d’une prouesse des plus techniques, de sauter à pieds joints dans l’inconnu et d’entraîner avec nous acteurs et spectateurs. C’est ce qu’ont remarquablement réussi à faire les comédiens de Cygnus, en nous livrant une prestation inédite et émouvante.

« La seule limite est celle que l’on s’impose. Cette dynamique imprévisible, loin de fragiliser la pièce, en est
le moteur-même »

Assis autour d’un cercle lumineux à l’allure futuriste, affublés de costumes semblables, les comédiens ont pour tâche de créer chaque soir une nouvelle pièce. Une nouvelle trame, de nouveaux personnages, sans le moindre décor sur lequel s’appuyer. Tout passe par le langage corporel de deux comédiens, qui donnent chacun vie à un personnage qui leur est propre. Ils lui confèrent ainsi avec brio, des mimiques, des intonations, une identité sur l’instant, sans avoir le temps de réfléchir aux possibles développements. L’évolution de leur personnage est imprévisible. L’ensemble s’articule ensuite au fil des interactions entre les deux acteurs. Ces interactions sont d’abord dictées par un cercle, dont le changement de lumière désigne les comédiens devant entrer en scène. Nul ne sait à l’avance qui jouera avec qui, qui sera qui. L’incertitude règne. Si l’improvisation peut laisser place à des incohérences, des moments de flottements, des silences que l’on n’ose briser, le doute est bien vite remplacé par la force des dialogues qui en découlent. Certes, il arrive que les comédiens s’interrompent entre eux, ou que certains personnages ne soient pas parfaitement impliqués dans l’intrigue. Mais c’est aussi cela qui confère son charme à la pièce, et qui lui octroie des intrigues secondaires. Tout se joue dans la spontanéité et l’écoute de l’autre. Les acteurs réagissent du tac au tac, tissent une trame à la fois comique et poignante, créant des situations rocambolesques. Des moments de tension et de légèreté se succèdent, que ce soit le meurtre involontaire d’un chien par intoxication aux cacahuètes, en passant par des conflits familiaux, amoureux, jusqu’à la mise en scène de violences conjugales. La seule limite est celle que l’on s’impose. Cette dynamique imprévisible, loin de fragiliser la pièce, en est le moteur-même. On assiste à des scènes du quotidien, à des aventures surprenantes dont l’authenticité est marquante. Ce qui m’a d’autant plus frappée, c’est la détermination des comédiens à rester dans la peau de leurs personnages, même hors du cercle où se déroulait l’action. Chaque entrée en scène, chaque sortie, chaque séance détenait le même impact.

Après un temps où les comédiens entrent et sortent du cercle à leur guise, sans plus être appelés par les signaux lumineux du cercle, la pièce s’achève sur une brève conclusion. Celle-ci repose sur la parole d’un personnage, choisi au hasard. Cette fin des plus inattendues permet une résolution instinctive, et suscite une surprise totale chez le spectateur. En l’espace de quelques secondes, l’acteur doit réfléchir à la touche finale qu’il désire apporter à la pièce, une tâche capitale, d’autant plus que souvent, c’est la fin qui marque les esprits. En ce qui me concerne, je me souviendrai longtemps de la liste de conseils pour s’occuper d’un chien sur laquelle s’est clôturée la représentation.

Nul ne sait l’issue de la pièce avant qu’elle ne se joue. Quelle intrigue, quels personnages rencontrerez-vous? Personne ne le sait. Plongez dans le mystère de l’improvisation et laissez vous emporter par le jeu et l’intelligence de ces huit acteurs à l’imagination sans pareille. Restez suspendus aux lèvres des comédiens qui sauront, à coup sûr, vous surprendre.

Cygnus se tient du 7 au 16 novembre au Théâtre Rouge du conservatoire d’art dramatique de Montréal.

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Un lien rouge sang https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/un-lien-rouge-sang/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56587 Le théâtre Denise-Pelletier nous fait réfléchir aux tragédies familiales.

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Avec sa pièce Ma vie rouge Kubrick, le metteur en scène Éric Jean entreprend la tâche complexe d’adapter sur la scène du théâtre Denise-Pelletier le roman éponyme de Simon Roy. Œuvre entre l’autofiction et l’essai, elle relate l’obsession de son auteur pour le film d’horreur The Shining (1980) de Stanley Kubrick, inspiré du roman de Stephen King. Cette idée fixe, partiellement due au passé sinistre de Simon Roy lui-même, lui permet de s’interroger sur la capacité de l’être humain à transcender son héritage tragique familial. Telles des poupées russes, toutes ces œuvres se font écho dans une mise en abîme intertextuelle.

L’œuvre de Simon Roy prend vie sous les traits de Mickaël Gouin et Marc-Antoine Sinibaldi. À eux seuls, ces deux acteurs incarnent le dédoublement, thème récurrent dans toutes les œuvres à l’origine de cette adaptation. Tandis que Gouin, tout de bleu vêtu, incarne Simon Forest – personnage principal de cette auto-fiction – Sinibaldi, habillé en rouge Kubrick, personnifie ses maux générationnels ainsi que les nombreux autres personnages qui lui donnent la réplique. Le jeu de Sinibaldi se distingue par sa capacité à revêtir l’essence de ces multiples personnalités hétérogènes, tandis que Gouin fait preuve d’un jeu d’une versatilité singulière.

On retrouve également l’omniprésence du double à travers un jeu d’ombres astucieux projeté sur le mur qui longe le fond de l’espace scénique. Sur celui-ci défilent ainsi toutes sortes de projections multimédias (photographies, statistiques, définitions et paysages) qui accompagnent et illustrent judicieusement les paroles des acteurs. En effet, la série d’adaptations ayant mené à la création de la pièce ouvre la voie à une véritable transmutation des médias, avec une pièce située à la croisée du film, du livre, et de la scène. Ainsi, par la lecture à voix haute de longs monologues tirés du livre et les projections sur le cyclorama en arrière-plan, la pièce invite l’auditoire à découvrir un hybride entre l’imaginaire et le réel. De plus, l’alternance entre les répliques prononcées simultanément par les deux comédiens et les silences soudains qui envahissent la scène suscitent chez l’auditoire une anxiété qui persiste tout au long de la pièce. La moquette rouge au sol et les éclairages colorés contribuent également à l’ambiance lugubre qui plane dans la salle.

Si l’adaptation est réussie avec brio en ce qui a trait à l’incarnation de l’atmosphère d’angoisse suintante et inconfortable propre au genre de l’horreur, la pertinence de certains choix narratifs décevait par moments. Le livre de Simon Roy et le film de Kubrick abordent de nombreux thèmes qui ne pouvaient vraisemblablement pas tous être représentés dans une pièce de 70 minutes. Malheureusement, la clarté du fil conducteur a été sacrifiée au profit du traitement d’une panoplie d’enjeux hérités du livre. Alors que le livre de Roy tricote délicatement l’enchevêtrement entre l’histoire tragique de sa famille et la trame sanglante de The Shining, la pièce nous perd légèrement et ce n’est qu’à la toute fin que les fils narratifs auparavant disparates sont reliés.

C’est pourquoi il faudrait plutôt considérer la pièce comme la cerise sur le gâteau d’une trilogie dont les pierres angulaires demeurent les œuvres de Roy et Kubrick. Nous vous conseillons donc d’aller voir la pièce si les univers de Kubrick et Roy vous sont familiers ; elle incarne visuellement l’ambiance des deux œuvres précédentes, mais il serait difficile d’en saisir toute la profondeur hors de ce contexte. La pièce reprend effectivement de manière plus légère et moins explicite les interrogations sur la fatalité de la violence qui hantent le film et le livre. Elle nous procure toutefois une ébauche de la réponse esquissée par Simon Roy, en nous offrant une projection opportune et émouvante accompagnée des mots imagés de l’auteur défunt : « Au-dessus de ma tête, le soleil s’évertue à essayer de déjouer les nuages. »

Ma vie rouge Kubrick est présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 novembre 2024.

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Biologique ne rime pas toujours avec écologique https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/biologique-ne-rime-pas-toujours-avec-ecologique/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56582 Acheter bio est-il toujours le meilleur choix pour l’environnement?

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Au début de la session, ma co-éditrice Adèle et moi avons visité le campus Macdonald de l’Université, où nous avons eu la chance de rencontrer Janice Pierson, responsable de la ferme. Elle a piqué notre curiosité en mentionnant le rôle parfois néfaste de l’agriculture biologique pour l’environnement. Une perte d’informations entre les agriculteurs et les consommateurs entraîne souvent des comportements bien intentionnés mais infondés, comme la préférence pour les produits bio, basée sur des perceptions inexactes. Ces derniers ne sont pas aussi parfaits que ce qu’on pourrait croire.

En quoi consiste l’agriculture biologique

Afin d’approfondir mes connaissances à propos de l’agriculture biologique, je me suis entretenue avec David Wees, chargé de cours au Département de sciences végétales et directeur associé du Programme de gestion et technologies d’entreprise agricole. M. Wees explique que « biologique » ne signifie pas simplement l’absence de pesticides ou d’engrais : « C’est plus compliqué que ça. Le bio utilise des pesticides, mais ce sont des pesticides à moindre impact environnemental. On utilise aussi des engrais, mais la plupart sont des engrais d’origine naturelle, comme du compost ou du fumier. Si on utilise des minéraux [comme engrais ou pesticides, ndlr], ce sont des minéraux qui ont été minés et non pas synthétisés. » En comparaison, l’agriculture conventionnelle peut faire usage d‘organismes génétiquement modifiés (OGM), de pesticides chimiques et de fertilisants.

David Wees ajoute que l’agriculture biologique va au-delà de ces techniques : « Le bio s’inscrit dans une approche où on essaie de voir la ferme presque comme un organisme vivant, c’est-à-dire de regarder son ensemble et de se demander si on peut travailler de façon à minimiser l’impact environnemental, tout en maintenant la santé du sol, des travailleurs, des animaux, etc. »

Les avantages (et mirages) du bio

Les produits bios semblent à première vue toujours avoir un moindre impact environnemental, entre autres parce que plusieurs techniques sont priorisées avant l’utilisation de pesticides et d’engrais. David Wees détaille diverses méthodes alternatives utilisées pour lutter contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes : « Si on applique [l’agriculture biologique, ndlr] de façon théoriquement parfaite, lorsqu’on essaie de lutter contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes, on va toujours préconiser des méthodes non pas pour éliminer les problèmes, mais pour mieux les gérer. Autrement dit, on va tolérer un certain pourcentage de mauvaises herbes, d’insectes ou de maladies. » Ces méthodes incluent le labour du sol, le désherbage thermique, l’utilisation de paillis, l’introduction d’insectes bénéfiques (l’exemple le plus populaire étant les coccinelles pour éliminer les pucerons), et les pièges collants. L’utilisation de pesticides doux, comme des solutions savonneuses ou à base de soufre, arrive en dernier recours.

Pour ce qui est de la santé des consommateurs, il est vrai que les produits bios peuvent au premier abord sembler plus sains, puisqu’ils n’ont pas été traités avec des pesticides synthétiques. « Si on regarde les rapports de Santé Canada sur les cas de maladies ou d’intoxications dûes à des aliments contaminés, il y en a très peu concernant les fruits et légumes. La plupart du temps, ce n’est pas une intoxication dûe aux pesticides, mais à des bactéries qui se développent souvent lors de la manipulation des récoltes. Dans le cas de la viande, c’est lors de l’abattage, de l’emballage ou du transport [que peut survenir cette contamination, ndlr] », souligne David Wees. Les contaminations auraient lieu non pas pendant la production, mais le plus souvent après. « Lorsqu’il y a eu des cas d’intoxication dûs aux pesticides, c’était presque toujours lors de leur application ou de leur préparation. Donc, les plus à risque sont le producteur ou les employés, plutôt que le consommateur », précise M. Wees.

Les inconvénients du bio

Les techniques alternatives peuvent cependant parfois avoir un coût plus insidieux. David Wees donne l’exemple du cuivre : « Nous utilisons le cuivre depuis plusieurs siècles comme fongicide [pesticide servant à éliminer ou contrôler le développement de champignons parasites, ndlr]. Le problème, c’est qu’il ne se décompose jamais, contrairement aux pesticides organiques, qui se décomposent éventuellement. C’est un métal qui reste dans le sol. Pourtant, le cuivre est permis en agriculture biologique. »

David Wees explique que certaines techniques visant à éviter l’utilisation de produits chimiques nocifs proposent des alternatives qui ne sont pas forcément meilleures : « Souvent, en agriculture biologique, on doit utiliser beaucoup de labourage, soit de travail du sol, ce qui signifie que l’on passe encore plus de temps sur le tracteur, et donc qu’on consomme plus de diesel. On remplace finalement un problème par un autre : la consommation de carburant qui émet des gaz à effets de serre. » On a tendance à penser que le bio est idéal, mais il a tout de même un coût climatique considérable. L’agriculture biologique reste cependant une alternative préférable à l’agriculture conventionnelle. Selon la définition d’Équiterre, l’agriculture conventionnelle « comporte d’importantes limites notamment environnementales (contamination des eaux et des sols, désertification, salinisation des sols, disparition des pollinisateurs, destruction de la biodiversité, etc), et sur la santé humaine ».

Pour obtenir la certification biologique au Québec, « il ne suffit pas simplement de dire que nous sommes bios. » David Wees explique qu’il faut procéder à des vérifications exhaustives, et parfois à des inspections, qui vérifient la « trace écrite » (paper trail), comme les achats du producteur : « Pour prouver qu’on est une institution biologique, il faut conserver tous les reçus de tous nos intrants et être capable de décrire comment on s’en sert. » Certains producteurs décident de pratiquer l’agriculture biologique sans chercher à obtenir de certification, en raison des formalités écrasantes qui s’ajoutent au travail déjà très exigeant de la terre.

« Il serait donc préférable de s’interroger sur la provenance d’un produit avant de vérifier s’il est certifié biologique »

La paperasse administrative est souvent déjà insurmontable pour certains producteurs. Selon Janice Pierson, il y a une quantité démesurée de documents à compléter, et la raison derrière tous ces rapports qui se ressemblent n’est pas toujours évidente. « Je dois pratiquement embaucher quelqu’un rien que pour remplir les formalités administratives! », s’était-elle exclamée.

De son côté, la ferme du campus Macdonald a décidé de ne pas pratiquer l’agriculture bio, mais plutôt l’agriculture régénératrice, visant à préserver la qualité des sols, notamment en favorisant la biodiversité dans la terre pour augmenter sa teneur en matière organique. Selon Cultivons Biologique Canada, les pratiques de l’agriculture régénératrice comprennent « le compostage, les cultures de couverture, les engrais verts de légumineuses, la rotation des cultures, l’agriculture mixte et la culture peu profonde et réduite ».

Comment devenir un consommateur écoresponsable

« Malgré tout l’intérêt que les consommateurs ont pour le bio, si on regarde la production des fruits et des légumes au Canada, seulement à peu près 5% sont biologiques », signale David Wees. Pourtant, la demande est croissante au Québec et ailleurs dans le monde. Une grande partie des produits bios consommés au Canada sont donc importés, surtout des États-Unis : « La plupart du temps, les produits ne viennent pas de New York ou du Vermont, mais de la Californie. Donc, des carottes bios ont été récoltées en Californie, ont été mises sur un camion et y ont passé trois à quatre jours pour se rendre jusqu’à Montréal, alors que des carottes non biologiques cultivées au sud de Montréal ont peut-être passé seulement trois heures sur un camion. » Il serait donc préférable de s’interroger sur la provenance d’un produit avant de vérifier s’il est certifié biologique.

Au-delà de l’achat local, David Wees donne quelques conseils pour améliorer son comportement en tant que consommateur. Pour atténuer les impacts liés à la pollution par le transport des produits importés, il faut privilégier les fruits et légumes de saison. Il est également préférable de consommer ceux qui se conservent bien, comme les pommes ou les canneberges, plutôt que les fraises.

Même si l’agriculture biologique est en général une meilleure option pour l’environnement, il ne faut pas supposer que ce l’est dans tous les cas. Biologique ne rime pas toujours avec écologique : il est possible que certaines méthodes de l’agriculture conventionnelle ou régénératrice s’avèrent plus durables dans certains contextes. En s’informant sur les pratiques agricoles et leurs effets sur l’environnement, on peut éviter les pièges des idées reçues et faire des choix plus éclairés en tant que consommateurs, comme regarder d’où les produits proviennent avant de vérifier s’ils sont bios.

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Concours d’écriture de chroniques journalistiques https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/concours-decriture-de-chroniques-journalistiques-2/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56578 Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de la deuxième édition de son projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques… Lire la suite »Concours d’écriture de chroniques journalistiques

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Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de la deuxième édition de son projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques qui portent sur des faits marquants de l’actualité, culturelle ou politique, d’ici ou d’ailleurs. Ayant pour thème commun « Une image vaut mille mots », les chroniques développent les points de vue personnels des auteur·rice·s sur les enjeux sociaux illustrés dans des œuvres d’art ou des photos journalistiques qui ont attiré leur attention. Ces textes, préalablement révisés dans un contexte académique par la professeure Élisabeth Veilleux, ont par la suite été sélectionnés pour être publiés dans Le Délit. Nous vous présentons donc notre sélection des quatre meilleures chroniques.


Khudadadi : une réfugiée qui incarne l’esprit des Jeux
Jacob Shannon, Contributeur

Voilà bien une image qui illustre la joie immense d’un rêve enfin réalisé. C’est Zakia Khudadadi, la paralympienne qui a marqué l’histoire en remportant la première médaille de l’équipe des réfugiés à Paris, en taekwondo. À ses côtés, son entraîneuse Haby Niare, la porte triomphalement. Lorsque la nouvelle de sa médaille de bronze a été annoncée, Niare a soulevé la championne dans un geste de soutien qui a fait le tour des réseaux sociaux.

Pour l’équipe olympique des réfugiés, ce podium est un premier, mais pour Khudadadi, il représente une plateforme de visibilité qu’elle peut utiliser pour sensibiliser à la situation des femmes afghanes opprimées. Les Jeux ont fait de Khudadadi une icône paralympique, et à juste titre : elle incarne l’esprit de persévérance de ces femmes en luttant à la fois pour elle-même et pour leur droit à l’égalité.

Devenir paralympienne était un rêve pour Khudadadi, mais à l’origine, elle voulait représenter son pays natal, l’Afghanistan. Elle s’était préparée à Kaboul pour les Jeux de 2021, mais elle a dû fuir le pays lors de la prise de pouvoir des Talibans. Désormais en sécurité en France, elle concourt pour l’équipe des réfugiés tout en restant engagée dans la cause des femmes afghanes. Alvin Koualef, journaliste pour Ouest France, souligne que Khudadadi est une inspiration non seulement pour les personnes en situation de handicap, mais aussi pour les réfugiés. En effet, son accomplissement est déjà porteur d’une grande signification pour cette nouvelle équipe.

Eileen Davidson | Le Délit

Ceci étant dit, la vie n’est pas toujours idyllique pour une réfugiée. Sophie Hienard, journaliste pour Le Point, explique que Khudadadi a risqué non seulement sa vie, mais aussi sa participation aux Jeux de Tokyo en fuyant l’Afghanistan. Soutenue dans sa fuite par plusieurs pays, elle n’a pu rester en France que deux semaines avant de devoir repartir pour les Jeux de Tokyo. Même face à une situation nécessitant du repos, le choix de Khudadadi de participer souligne un dilemme pour les athlètes réfugiés qui doivent trouver l’équilibre entre leur bien-être et la reconnaissance du public.

Aujourd’hui, l’athlète profite de sa liberté pour vivre pleinement et pour s’exprimer sur la situation en Afghanistan. Dans une entrevue accordée à France 24, la paralympienne a déclaré croire que sa notoriété découlait de son histoire unique, dans laquelle ses sympathisants se reconnaissaient. En effet, son parcours atypique s’inscrit dans les valeurs des Jeux : elle est admirée pour avoir surmonté des difficultés considérables afin d’obtenir une vie meilleure. Ses supporteurs n’acclament pas qu’elle : ils soutiennent toutes les femmes afghanes qui ne connaîtront peut-être jamais une telle liberté.

Les Jeux paralympiques nous émeuvent parce qu’ils nous rappellent l’importance de persévérer. La réponse du public à la victoire de Khudadadi démontre la nécessité d’avoir une équipe de réfugiés et démontre que ses athlètes incarnent véritablement l’esprit des Jeux. Le handicap de Khudadadi la définit comme paralympienne, mais c’est sa capacité à devenir un phare d’espoir qui fait d’elle un symbole si puissant des Jeux paralympiques.


Votre cinquième tasse Stanley ne protège pas la planète
Claire Ambrozic, Contributrice

En décembre 2023, une vidéo publiée sur TikTok a récolté des millions de mentions « j’aime » et des centaines de milliers de partages, tout en attirant l’attention des journaux. La vidéo montrait l’agitation provoquée par la mise en vente des fameuses bouteilles d’eau réutilisables de la marque Stanley dans un magasin Target. La collection vendue exclusivement dans cette chaîne de grande surface a disparu en moins de quatre minutes. Selon Statista, les ventes annuelles de la compagnie Stanley ont atteint 750 millions de dollars américains en 2023. Ce succès s’explique par une véritable frénésie pour ces produits réutilisables, publicisés comme « écologiques ». Pourtant, il semble que les bouteilles Stanley font plus de mal que de bien : l’obsession qu’elles ont suscité chez les acheteurs illustre notre société de surconsommation.

La surconsommation

Selon Jessica Katz, journaliste d’Analyst News, l’engouement face aux bouteilles Stanley provient de l’incitation à collectionner plusieurs couleurs et styles différents. Les fanatiques de la marque accumulent des dizaines de bouteilles même s’ils n’en utilisent véritablement qu’une seule à la fois. Ceci démontre une tendance à choisir le plaisir immédiat d’avoir ce qui est à la mode et ce que l’on considère beau, plutôt que de considérer l’utilité du produit à long terme. De plus, bien que les bouteilles soient composées à 90% d’acier inoxydable recyclé, une entrevue publiée dans un article de Radio-Canada a révélé que Stanley n’a pas de programme de reprise ou d’options de recyclage en fin de vie pour ses propres produits. La production d’un si grand nombre de bouteilles réutilisables en acier inoxydable détruit la planète de sa propre manière, ce qui remet en question les véritables motifs de ceux qui achètent une cinquième Stanley « pour la planète ».

Eileen Davidson | Le Délit

Une bouteille en vogue

La bouteille réutilisable est devenue un accessoire de mode, ce qui indique que son usager la remplacera un jour par une bouteille considérée plus tendance. Une journaliste de Radio-Canada remarque que ce qu’on observe actuellement avec les Stanleys s’est déjà produit plusieurs fois avec d’autres marques, notamment Yeti, Hydro flask, S’well, Nalgene, et Owala. Ainsi, les Stanley accumuleront de la poussière au fond de nos placards, pour qu’on puisse les remplacer par la prochaine bouteille attrayante.

Un discours d’écoblanchiment

La vidéo virale contraste avec le discours d’écoblanchiment de la compagnie Stanley. Selon ses dirigeants, la compagnie se veut construire un monde plus durable, adoptant le slogan « Built for Life » (Conçu pour la vie, tdlr). Cependant, un article du Frontier Group révèle qu’en janvier dernier, la compagnie a sorti 17 nouvelles couleurs, encourageant les fans de la marque à acheter plus d’une bouteille. De plus, les bouteilles d’eau sont vendues en édition limitée, créant un sentiment de rareté qui incite les consommateurs à acheter une nouvelle couleur avant qu’elle ne soit plus disponible. « Stanley » est une entreprise et conséquemment, sa priorité est le profit et l’efficacité de production. Malgré son slogan, les produits de Stanley sont principalement fabriqués en Chine et au Brésil, ce qui entraîne un transport sur de longues distances, contribuant ainsi à une empreinte carbone importante avant d’atteindre leur principal marché en Amérique du Nord. Même si son produit est « écologique », le fonctionnement de l’entreprise ne l’est pas.

En somme, la vidéo nous oblige à réévaluer notre perception des bouteilles d’eau Stanley, ainsi que les produits « réutilisables » en général. Acheter une autre bouteille simplement parce qu’elle est à la mode perpétue un cycle de surconsommation. Enfin, en dépit des belles promesses écologiques de Stanley, l’entreprise est bien consciente du fait que son succès dépend de notre surconsommation. Aussi faudra-t-il se satisfaire des belles bouteilles d’eau qui se trouvent déjà chez nous.


Quand la liberté d’expression artistique suscite l’indignation de l’Église
Emilie Fry, Contributrice

Madonna, Lady Gaga, Lil Nas X, Sabrina Carpenter : chacun de ces artistes a choqué l’Église avec son choix de clip vidéo. Les démonstrations sexuelles dans les espaces sacrés et les représentations irrespectueuses des figures religieuses dans ces clips ont suscité une réaction brutale de la part des communautés religieuses. Cela dit, les critiques sont-elles justifiées, ou devrions-nous reconnaître la liberté d’expression artistique de ces chanteurs?

Un clip vidéo controversé

Le 31 octobre 2023, la chanteuse pop américaine Sabrina Carpenter a sorti un clip pour sa chanson « Feather », dans laquelle elle marque la fin d’une relation amoureuse toxique en chantant qu’elle se sent « légère comme une plume, (tdlr) ». Dans la scène qui a fait réagir, la chanteuse porte une robe noire aguichante et danse de manière provocatrice sur l’autel d’une église, en évoquant la métaphore de l’enterrement de sa relation toxique. Suite à ce clip vidéo, la communauté chrétienne a critiqué l’utilisation inappropriée d’un lieu de culte allant à l’encontre des valeurs catholiques de chasteté et de pureté. En dépit des critiques, le clip a été visionné plus d’un million de fois en moins de 24 heures suivant sa publication et, depuis lors, ce nombre a augmenté à 88 millions. De plus, la chanteuse continue à gagner en popularité avec son nouvel album « Short n’ Sweet » et sa tournée internationale qui vient de passer à Montréal le 11 octobre.

Eileen Davidson | Le Délit

En plus des critiques qui ciblent Sabrina Carpenter, l’Église catholique a démis de ses fonctions le pasteur Monseigneur Jamie Gigantiello comme administrateur de l’Église Annunciation of the Blessed Virgin Mary à New York, qui a permis le tournage du clip à cet endroit. Dans une lettre d’excuses, Gigantiello a expliqué que, faute de détails communiqués par les réalisateurs du clip, il a donné son aval au projet en vue de renforcer les liens entre l’Église et la communauté artistique. De façon à se faire pardonner, les 5 000 dollars reçus par l’église pour le tournage du clip seront donnés à la fondation Bridge to Life, qui offre des services aux femmes vivant des grossesses non planifiées.

Liberté d’expression

En explorant l’histoire de clips controversés, on découvre qu’il en existe plusieurs qui ont suscité une réaction comparable à celle de la vidéo de Sabrina Carpenter. Le mélange d’érotisme et de religion dans le clip « Like a Prayer » de Madonna a suscité la même polémique, et continue de le faire encore 25 ans après sa sortie. En 2011, Lady Gaga a scandalisé l’Église avec son titre « Judas », de façon similaire au clip de Lil Nas X sorti cette année dans lequel il incarne Jésus Christ. Les motivations de ces artistes varient : elles vont de messages sur les enjeux sociaux, comme le racisme abordé dans le clip de « Like a Prayer », aux critiques des normes religieuses, en particulier concernant l’exclusion des personnes LGBTQIA+. Mais les artistes font aussi appel à l’illustration métaphorique de leurs expériences, comme celle employée par Lil Nas X à travers la réincarnation de Jésus pour approfondir son message de retour sur la scène musicale. Bien qu’ils aient été parfois condamnés, ces artistes ont conservé leur popularité, puisque leurs admirateurs se reconnaissent dans leurs messages. On pourrait donc penser que Sabrina Carpenter, à travers ses clips, tente de critiquer la sensibilité religieuse de la société ou de se distancer de ses débuts plus innocents de façon à développer sa carrière.

Quelles que soient les motivations des artistes qui attisent ce type de controverse, cela remet en question les limites de la liberté d’expression à laquelle les artistes ont droit. Les clips vidéos permettent aux membres de la société d’exprimer leurs opinions de manière créative sous forme artistique. L’encadrement du contenu artistique, sous prétexte d’éviter les offenses ou les critiques, s’avère fâcheux, puisqu’il contreviendrait à la liberté d’expression. Voilà pourquoi, plutôt que d’établir des contraintes aux sujets sur lesquels portent les arts, il vaudrait mieux comprendre les motivations des artistes afin d’apprécier leur art sans y trouver offense.


La laïcité française est-elle en contradiction avec l’esprit des JO?
Momoka Chosa, Contributrice

Alors que le monde entier se prépare à célébrer la diversité aux Jeux Olympiques (JO), une controverse éclate : l’interdiction du port du hijab pour les athlètes françaises. Cette décision, perçue par certains comme une atteinte à la liberté religieuse, a rapidement enflammé le public. Elle a également mis en lumière le fossé entre les idéaux du pays et la diversité de sa société. En mettant en place cette interdiction, la France défend sa conception de la laïcité, mais à quel prix? Est-ce une mesure nécessaire à la mise en œuvre de la laïcité ou est-ce une exclusion injuste qui travestit l’esprit des JO? En tant que pays qui valorise l’égalité, la liberté et la fraternité, l’imposition de cette règle pose une question fondamentale : la France est-elle en train de compromettre ses propres valeurs au nom d’une laïcité inflexible? Cette interdiction repose sur un plan rigide de la laïcité, concept hérité de la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905.

Comme événement international, les JO représentent un espace dans lequel le respect des valeurs universelles doit prévaloir. En ce sens, la France va à contre-courant de l’esprit-même des JO. Bien qu’il soit légal et compatible avec les règles du Comité International Olympique d’imposer un code vestimentaire aux JO selon un article du Figaro (2023) : « JO 2024 : l’interdiction de porter le hijab pour les Françaises est compatible avec les règles olympiques », le pays risque de marginaliser les athlètes musulmanes qui ne devraient pas avoir à choisir entre leur foi et leur passion pour le sport. D’un autre côté, certains soutiennent cette interdiction, car elle promeut la neutralité religieuse des athlètes. Cependant, je pense qu’il ne faut pas que la neutralité devienne un synonyme de l’uniformité imposée où chacun est obligé de sacrifier son identité pour se conformer.

Eileen Davidson | Le Délit

Le sport est un vecteur puissant pour l’intégration sociale. Notamment, les athlètes voilées sont des modèles pour de nombreuses jeunes filles à travers le monde, qui montrent qu’il est possible de concilier la foi et le sport. En les excluant, nous envoyons un message de rejet à toute une génération. Par exemple, un incident lors de la cérémonie d’ouverture a créé une vive polémique. Sounkamba Sylla, coureuse de relais de l’équipe française, a participé à la cérémonie en portant une casquette après que le port de son voile ait été interdit. Cet acte, perçu comme une forme de défiance par la société, a capté l’attention de divers médias et souligné l’absurdité de l’interdiction. Par exemple, Amnistie internationale, une organisation pour la défense des droits humains, dénonce la discrimination flagrante à l’égard des athlètes musulmanes. Pour les athlètes voilées, cette interdiction représente non seulement une violation de la liberté religieuse, mais aussi une exclusion injustifiée qui vise à effacer une partie de leur identité.

Selon moi, cette interdiction est une manière de contrôler l’expression de la foi sous le prétexte de neutralité. Il n’est donc plus seulement question de sport, mais plutôt d’un débat sur l’acceptation de la diversité dans les espaces publics. En empêchant les athlètes voilées de participer aux JO, la France rate une opportunité unique de montrer que la laïcité peut être un cadre d’inclusion et non d’exclusion. Si l’objectif est de maintenir un environnement où chacun se sens respecté dans ses croyances personnelles, ne devrions-nous pas accepter les croyances des athlètes, quelles qu’elles soient? Il faut que nous réfléchissions à la manière dont nous appliquons nos principes, car une société tolérante doit faire place à tous et toutes, sans exception.

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Dessert amer https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/dessert-amer/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56570 Je marche le long d’une routeEt j’emporte toutes mes blessuresCe dessert amer que je goûteChaque fois, censure mon coeurJe voudrais tant enlever ces pensées qui me tourmententJe me suis déjà assez battueMon cœur est troué d’épinesEt mon âme est trop abattue Je ris, je crie, je prieMais est-ce suffisant?Je marche, je cours, je m’enfuisMais est-ce… Lire la suite »Dessert amer

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Je marche le long d’une route
Et j’emporte toutes mes blessures
Ce dessert amer que je goûte
Chaque fois, censure mon coeur
Je voudrais tant enlever ces pensées qui me tourmentent
Je me suis déjà assez battue
Mon cœur est troué d’épines
Et mon âme est trop abattue

Je ris, je crie, je prie
Mais est-ce suffisant?
Je marche, je cours, je m’enfuis
Mais est-ce important?

Je vois disparaître dans les nuages
Les pleurs de mes nuits sans étoiles
Je me cache dans mon coquillage
Et je navigue sans voile
On dit qu’aimer, ça fait mal
C’est sans doute pour cela que je suis anéantie

Souvent, en morceaux j’ai été brisée
Quantité infinitésimale
Je chante des chansons d’amour
Mais je fais la guerre
Vêtue de mon habit de bravoure
Je me relève à terre

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Inondations en Espagne : entre colère et solidarité https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/inondations-en-espagne-entre-colere-et-solidarite/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56568 Retour sur un épisode meurtrier.

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Les 29 et 30 octobre derniers, plusieurs régions espagnoles, notamment Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie, ont été touchées par des pluies torrentielles provoquant de violentes inondations. En date du 5 novembre, ces dernières avaient causé la mort de 219 personnes, ainsi que la disparition de 89 autres individus, un bilan encore provisoire. Cette catastrophe a entraîné de très lourds dégâts matériels dans l’ensemble de la région, dont la destruction de nombreux logements et infrastructures. Dans la région valencienne, ce sont principalement les villages de la banlieue de Valence qui ont été touchés et ravagés par les inondations.

Selon une première étude du World Weather Attribution, le réchauffement climatique serait une des causes principales de ces pluies diluviennes associées au phénomène DANA (Dépression Isolée à Niveau Élevé). Ce phénomène est un système météorologique destructeur et fréquent dans le bassin méditerranéen, dans lequel l’air froid et l’air chaud se rencontrent et produisent de puissants nuages de pluie. Néanmoins, cet épisode d’inondation constitue, selon le premier ministre Pedro Sánchez, « le plus grave que [l’Europe] ait connu depuis le début du siècle (tdlr) ». Selon l’analyse, les pluies qui ont frappé l’Espagne ont été 12% plus importantes que si le climat ne s’était pas réchauffé. De nombreux spécialistes ont aussi pointé du doigt « l’urbanisation incontrôlée » de la région, qui a accru l’imperméabilité des sols, provoquant une augmentation des risques d’inondation et de sécheresse.

« À 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages »

Vanessa Verde, enseignante

À la suite des inondations, les habitants des zones sinistrées se sont mobilisés afin de commencer à réorganiser les villes, de retrouver les personnes disparues, et de venir en aide aux plus nécessiteux. Le gouvernement espagnol a également mobilisé l’armée et débloqué des fonds d’urgence pour venir en aide aux victimes ; cependant, beaucoup ont jugé cette réponse trop lente et inadaptée, et ont exprimé leur mécontentement. Afin de mieux comprendre la situation, Le Délit s’est entretenu avec Vanessa Verde, une enseignante vivant à Valence et qui, avec sa famille, s’est mobilisée pour venir en aide aux sinistrés.

Une colère grandissante

Plus de 10 jours après les inondations, la colère des habitants des communes touchées ne diminue pas. Le 9 novembre dernier, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans Valence pour protester contre la gestion défaillante des institutions du pays. Dans les rues de la ville, les pancartes des manifestants illustrent la colère des survivants : « Nous sommes couverts de boue, vous avez du sang sur les mains. » En chœur, ils demandent la démission du président de la région autonome, Carlos Mazón. Celui-ci avait attendu plusieurs heures avant de lancer l’alerte à la communauté. Vanessa affirme en effet que le soir du 29 octobre, « à 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages ». L’agence météorologique espagnole Aemet avait de son côté communiqué les risques d’inondations plusieurs jours auparavant, et sonné l’alerte rouge dès le mardi 29 octobre au matin.

Selon Vanessa, la révolte se fait ressentir au sein de la communauté espagnole au niveau régional comme national : « Nous sommes en colère contre tout le monde. » En effet, beaucoup reprochent également au gouvernement du premier ministre Pedro Sánchez d’avoir été passif. En effet, celui-ci attendait la demande du président de la région autonome pour envoyer de l’aide militaire supplémentaire. Néanmoins, « selon la loi espagnole, lorsque plus d’une communauté est en danger, le gouvernement [central, ndlr] doit prendre les commandes. Et dans ce cas-ci, il y avait trois communautés particulièrement affectées : Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie ». L’opinion publique concernant le Roi, quant à elle, est divisée. Si certains admirent sa venue dans les villages touchés et son soutien aux habitants dans les jours suivant la catastrophe, d’autres ont exprimé leur colère en l’accueillant avec des jets de boue lors de son passage à Paiporta, l’épicentre des inondations.

Élan de solidarité

Les inondations ont marqué une élan de solidarité importante au sein de la population, et à travers toute l’Espagne. Dans la région de Valence, des foules impressionnantes de bénévoles se sont rendues dans les villages dans l’espoir d’aider les habitants à la reconstruction de leurs communautés. Vanessa et sa famille se sont rendus dans un village près de Valence, Picaña, pour prêter main forte aux sinistrés. « C’était comme une zone de guerre », explique-t-elle. Avec émotion, elle loue les efforts de tous, mais particulièrement ceux des jeunes : « Tous ces gens ont commencé à traverser les ponts, et c’était émouvant, tous ces jeunes qui aidaient : ils les appellent maintenant la “génération cristal”. C’était impressionnant. » Sa fille Bianca, étudiante en orthodontie, s’est elle aussi rendue dans plusieurs villages pour aider les personnes dans l’incapacité de se déplacer en besoin de services médicaux. « Il y avait des personnes qui, par exemple, avaient des points de suture parce qu’elles avaient subi une opération dentaire, alors [Bianca, ndlr] est allée les retirer à leur domicile. »

Lors du nettoyage des communes, les citoyens continuent de reprocher aux gouvernements locaux et nationaux d’avoir été cruellement absents dans l’aide aux survivants et à la gestion des dégâts matériels. Dans les jours suivant le 29 octobre, l’arrivée tardive des secours et les moyens insuffisants pour reconstruire les villes ont laissé les habitants hors d’eux : « On ne voyait pas de pompiers, pas de militaires, rien ; juste des bénévoles. Juste des citoyens, comme moi, comme ma fille, comme tous les amis de ma fille, qui sont allés aider. » Selon Vanessa, le peuple se sent abandonné par son gouvernement. « C’est de là qu’est née l’expression : “Le peuple sauve le peuple” : les seuls à pouvoir vous sauver, ce sont vos voisins. »

Et maintenant?

L’éducation est aussi directement touchée par les événements. De nombreux écoles, collèges et lycées ont été entièrement détruits par le passage de l’eau, laissant enfants, parents et enseignants désemparés. Certaines communautés tentent de trouver des solutions pour que les élèves bénéficient d’une éducation d’une manière ou d’une autre : « Il y a des endroits où des centres sportifs ont été sauvés parce qu’ils se trouvaient dans une zone plus élevée », permettant ainsi aux enseignants de les transformer temporairement en salles de classe, explique Vanessa. Mais cette initiative ne suffira probablement pas à reloger l’entièreté des nombreux élèves sinistrés.

À la suite des inondations, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé une aide d’urgence de plus de 10 milliards d’euros pour soutenir les victimes et les entreprises de la région. Cette aide a pour but premier de permettre la remise en état des grandes infrastructures affectées, ainsi que la restauration des logements. Bien que le premier ministre n’ait pas fait appel à l’aide des autres pays de l’Union européenne pendant les inondations (notamment aux propositions d’envoi de pompiers et d’équipes d’assistances), il a annoncé avoir pris contact avec la Commission européenne pour demander de l’aide financière auprès du Fond de solidarité européen. Vanessa soupçonne néanmoins que les aides ne soient pas aussi rapides que l’affirme le gouvernement : « Ils ont dit qu’il n’y aurait pas de bureaucratie, espérons que ce soit le cas, mais j’en doute. » Au cours des prochaines semaines, les yeux seront donc rivés sur les actions du gouvernement, et sa capacité à mettre en œuvre ses promesses aux espagnols.

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Chasse aux graffitis https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/chasse-aux-graffitis/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56527 Si tu penses que Montréal ne peut faire aucun tort,Tu n’es jamais parti·e à la chasse aux graffitis,Dans les ruelles de Saint-Laurent,Tout l’après-midi d’un jour gris,Car tu en avais enfin eu le temps,Pensant qu’être à l’extérieur,Ne pouvait être que ce qu’il y aurait de meilleur. Les personnages sur la brique devant toi,Jamais tu ne leur… Lire la suite »Chasse aux graffitis

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Si tu penses que Montréal ne peut faire aucun tort,
Tu n’es jamais parti·e à la chasse aux graffitis,
Dans les ruelles de Saint-Laurent,
Tout l’après-midi d’un jour gris,
Car tu en avais enfin eu le temps,
Pensant qu’être à l’extérieur,
Ne pouvait être que ce qu’il y aurait de meilleur.

Les personnages sur la brique devant toi,
Jamais tu ne leur ressembleras,
Promesse à toi-même qui te terrifia.
Une œuvre ne se cache pas,
Et ce n’est pas entre les portes arrière de cantine,
Aux odeurs de gras,
Qu’on se déploie.
Et tu reconnais au moins que ça,
Tu te le dois.


La chasse aux graffiti fut fructueuse,
Les nouveautés murales nombreuses,
Mais la rumination qui creuse,
Elle te laisse anxieux·se.
Tu renommes la ruelle « l’existentielle »,
Hommage à ta crise silencieuse,
Que tu rends,
En quittant,
Saint-Laurent.

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Être conservatrice d’art : entre vision curatoriale, parité et héritage https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/etre-conservatrice-dart-entre-vision-curatoriale-parite-et-heritage/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56522 Entretien avec Anne-Marie St-Jean Aubre du Musée des Beaux-Arts de Montréal.

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Musée des Beaux-Arts de Montréal, 8 octobre 2024, pavillon Desmarais. J’entre dans la grande salle d’exposition et j’y aperçois une femme, qui brille. Ses traits sont d’ébènes et sa peau d’ivoire ; un sentiment de familiarité m’enveloppe alors que je la fixe dans le blanc des yeux. Dépourvue de pupilles, cette femme n’est nulle autre qu’une sculpture : Ebony in Ivory, I (2022), d’Esmaa Mohamoud. Son profil me rappelle le mien lorsque j’avais des nattes collées plus tôt cette année. Aussi rarissimes soient-elles, c’est dans ces rencontres avec des œuvres qui saisissent l’essence de notre image que l’on se rend compte de la puissance de l’art à représenter autrui. Mais, qui est responsable de la sélection de ces œuvres, et comment se retrouvent-elles entre les murs des musées? Qui détermine les thèmes des expositions, la sélection des artistes, et la mise en scène des œuvres pour qu’elles résonnent en nous? Afin de découvrir ces figures clés qui œuvrent dans l’ombre, je me suis entretenue avec Anne-Marie St-Jean Aubre, conservatrice de l’art québécois et canadien contemporain (datant de 1945 à aujourd’hui) au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM). Avec son regard et son expertise, St-Jean Aubre façonne des expositions qui racontent nos histoires, veillant à ce que l’art contemporain nous interpelle et nous représente.

Le Délit (LD) : Pourriez-vous nous parler de votre parcours dans le monde des arts et de ce qui vous a initialement attirée vers ce métier? Y a‑t-il eu un moment décisif qui vous a poussée à choisir cette carrière?

Anne-Marie St-Jean Aubre (AMSJA) : Oui! Mon intérêt pour les arts a commencé avec mes cours en arts visuels au secondaire, qui étaient parmi mes préférés. Cela m’a ensuite orientée vers un baccalauréat en arts visuels. J’y ai choisi un cours de muséologie, qui a déclenché mon intérêt. Le projet principal de ce cours consistait à imaginer une exposition sur papier : concevoir la mise en espace des œuvres et rédiger les textes d’accompagnement. J’ai constaté que ce travail correspondait davantage à mon désir de création. C’est donc ainsi que j’ai décidé de réorienter ma formation en histoire de l’art à l’UQAM, afin de poursuivre une trajectoire qui pouvait me mener à un travail de commissaire d’exposition.

« Avec son regard et son expertise, St-Jean Aubre façonne des expositions qui racontent nos histoires, veillant à ce que l’art contemporain nous interpelle et nous représente »

LD : Pouvez-vous expliquer la différence entre un commissaire d’exposition et un conservateur?

AMSJA : C’est intéressant de noter qu’en anglais, il n’y a pas de distinction entre les deux rôles, car le terme utilisé est « curator ». En français, le commissaire d’exposition est responsable de tout ce qui concerne la création d’une exposition. Cela inclut la sélection des œuvres, l’invitation des artistes, la rédaction des textes d’exposition et la mise en espace. Bien que les conservateurs réalisent également ces tâches, leur rôle se distingue par une responsabilité supplémentaire : le développement d’une collection, ce qui implique un volet d’acquisition et une réflexion sur l’évolution de cette collection. En tant que conservatrice au MBAM, par exemple, je suis responsable de la collection d’arts contemporains québécois-canadiens, qui comprend plus de 8 500 objets. Je dois réfléchir aux artistes inclus dans la collection et à ceux qui ne le sont pas, afin de garantir une représentation complète et pertinente pour orienter la collection vers l’avenir.

LD : Comment se déroule le processus d’acquisition d’œuvres?

AMSJA : Lorsqu’il s’agit d’une acquisition, tous les conservateurs du Musée se réunissent autour d’une table pour en discuter. Je présente l’œuvre que je souhaite soumettre pour acquisition, et nous débattons ensemble avant de prendre une décision collective ; nous cherchons à raconter une histoire à travers la collection, à témoigner d’un moment de création dans le temps. Cette étape se déroule au sein d’un comité interne. Ensuite, l’œuvre est soumise à un comité externe, composé de personnes qui ne sont pas des employés du musée. Leur rôle est de donner leur opinion sur nos choix et d’apporter une perspective extérieure.

LD : Lorsque vous étiez conservatrice d’art contemporain au Musée d’art de Joliette, vous avez mis en avant des femmes artistes et des artistes issus de divers horizons culturels. Comptez-vous poursuivre cet engagement en tant que conservatrice au MBAM?

AMSJA : L’approche que j’ai développée à Joliette est quelque chose que je vais absolument poursuivre ici. Cela reste le moteur de tout mon travail. En observant la collection actuelle du MBAM, je constate qu’elle reflète l’histoire de l’Institution et les priorités de ceux qui m’ont précédée. Malheureusement, cela signifie qu’il y a un manque d’artistes femmes et de voix provenant d’horizons divers. C’est donc un objectif essentiel pour moi [de mettre en valeur ces voix, ndlr] dans le développement de la collection et dans la programmation des expositions. Par exemple, lors de ma première initiative, j’ai repensé l’espace des galeries contemporaines en visant la parité entre artistes femmes et hommes, tout en intégrant divers médiums comme le textile, la sculpture et le dessin. En outre, je souhaite que chaque exposition puisse intéresser autant un spécialiste de l’histoire de l’art qu’une famille qui découvre le musée pour la première fois. Mon objectif est de réussir à aborder un même projet de manière à ce que chacun y trouve quelque chose qui l’interpelle.

« Je souhaite que chaque exposition puisse intéresser autant un spécialiste de l’histoire de l’art qu’une
famille qui découvre le musée pour la première fois »

Anne-Marie St-Jean Aubre

LD : Comment décririez-vous l’art québécois et canadien? Qu’est-ce qui compose notre unicité?

AMSJA : C’est une question très complexe! Par le passé, dans les années 30 à 60, il était plus facile de définir une scène nationale, car il y avait moins de mouvements artistiques. Les artistes étaient conscients de ce qui se faisait ailleurs, mais l’environnement était plus délimité géographiquement. Aujourd’hui, avec l’avènement d’Internet, les artistes sont en constante interaction avec des œuvres du monde entier, ce qui rend la définition d’une scène artistique plus compliquée. Il est donc difficile de concevoir la scène artistique québécoise et canadienne sous un angle unique, car les influences et les inspirations proviennent de partout et sont très diversifiées.

LD : Pour finir, pourriez-vous nous parler de vos projets futurs et des émotions ou messages que vous espérez transmettre au public?

AMSJA : Je suis ravie de partager qu’il y a un projet très prometteur d’une artiste montréalaise, prévu pour 2025. La programmation complète pour l’an prochain sera dévoilée d’ici la fin novembre, mais je préfère garder le suspense. C’est ma première expérience d’exposition avec le musée, et je suis impatiente de la partager avec le public!

Le MBAM s’oriente vers une diversité enrichissante et une accessibilité accrue. Consultez le site du Musée à la fin novembre pour le dévoilement de cette artiste et de sa création. Plus d’informations sur www.mbam.qc.ca

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À la conquête de Trump https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/a-la-conquete-de-trump/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56519 The Apprentice : oser révéler l’envers du décor.

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Depuis qu’il s’est lancé en politique, il y a presque dix ans, Donald Trump semble inébranlable. Malgré une défaite électorale en 2020, de multiples polémiques, et même une inculpation, il est indétrônable au sommet du parti républicain. Mais comment, en tant que témoins contraints, nous sommes-nous retrouvés face à cette tempête tonitruante qu’est Trump? Le nouveau film d’Ali Abbasi, The Apprentice, cherche à répondre à cette question.

Sorti en salle au Canada et aux États-Unis en octobre dernier, The Apprentice est un film biographique qui retrace les pas du jeune Donald Trump dans les années 1970. Interprété par Sebastian Stan, Trump gravit les échelons de la haute société new yorkaise. À travers le film, il forge ses repères et apprend la froideur et l’art de la manipulation. Nous retrouvons aussi son attitude déplaisante à l’égard de la gent féminine : le traitement minable qu’il réserve à sa première femme ne surprend plus personne.

« Dans cette ville dirigée par la haute société, c’est le capitalisme pur qui règne, équipé d’un marteau piqueur qui écrase tout sur son passage »

Entre-temps, Stan incarne l’homme d’affaires avec une performance solide et subtile. Il nous prive (sans regret) de sa voix agaçante, mais il transpose avec brio ses gestes atypiques, si reconnaissables. The Apprentice ne se concentre pas seulement sur Trump, mais aussi sur le personnage crucial de son avocat, Roy Cohn. Le caractère moral abominable de Cohn est incarné par nul autre que Jeremy Strong, l’un des protagonistes de la série télé Succession. L’acteur transperce l’écran : ce rôle plus sérieux lui sied parfaitement. Assez vite, Cohn prend Trump sous son aile, et lui apprend les rouages du monde des affaires. Dans cette ville dirigée par la haute société, c’est le capitalisme pur qui règne, équipé d’un marteau piqueur qui écrase tout sur son passage. Le film sous-entend que, sans Roy Cohn, le Trump si imposant que nous connaissons aujourd’hui n’existerait pas.

Si Abbasi expose sans compromis les vices des deux hommes, il n’hésite pas non plus à montrer leur côté humain. Chez Trump, nous découvrons l’importance qu’il accorde à la famille, un aspect qui a tendance à être oublié par les médias. Avec un frère alcoolique et un père très exigeant, sa jeunesse n’a pas toujours été facile. Abbasi prend soin de dévoiler une part de vulnérabilité, invitant les spectateurs à entrevoir une dimension plus profonde chez Trump.

Ce qui rend ce film si percutant, c’est qu’il ne se revendique pas partisan. Abbasi évite ce piège : sans pour autant offrir une image louable, il se refuse également à la propagation d’un discours anti-Trump. C’est à noter qu’il n’est justement pas Américain. En effet, dans une entrevue avec Democracy Now! Abbasi, souligne « je n’ai pas de parti pris dans cette lutte politique (tdlr) ». D’origine iranienne et actuellement installé au Danemark, il réussit à offrir une perspective externe et neutre sur ces dynamiques et ces personnalités si polarisantes.

Évidemment, ce film n’est pourtant pas indemne de l’actualité politique. Depuis qu’il a été remarqué par le public à Cannes en mai dernier, Trump et sa campagne électorale n’ont cessé de discréditer et de menacer le producteur du film avec des mises en demeure. À l’occasion de sa sortie en salle au mois d’octobre, Trump n’a pas caché ses sentiments à l’égard du long-métrage : sur Truth Social, son propre réseau social, Trump a dénoncé le scénariste, Gabe Sherman, le qualifiant de charlatan (talentless hack), et a insulté tous ceux impliqués dans la production du film, les traitant de vermines (human scum).

The Apprentice ne changera probablement pas votre perception de l’homme qu’est Donald Trump. Rien de bien grandiose, mais cela reste une expérience de visionnement remplie d’humour et recommandable. Toutefois, lorsque défile le générique de fin, cette comédie dramatique d’une période lointaine devient une réalité imminente…

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Les échecs du REM https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/les-echecs-du-rem/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56511 Des trajets de près de trois heures par jour pour les étudiants de la Rive-Sud.

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Le Réseau express métropolitain (REM) est-il un cadeau empoisonné pour les habitants de la Rive-Sud? C’est bien le sentiment que partagent de nombreux utilisateurs, en particulier les étudiants, relayés au second plan dans la planification des horaires et du service de ce nouveau réseau de transport en commun, fonctionnel depuis le mois d’août 2023.

Le problème concerne tout particulièrement les individus qui n’habitent pas à distance de marche d’une station de métro. Ils se plaignent alors du manque décourageant de places de stationnement d’auto gratuites devant le REM, qui se fait ressentir de manière grandissante depuis la rentrée scolaire en septembre. « Récemment, si j’arrive à 7h30 du matin à ma station du REM, il n’y a déjà plus de places. Il faut que j’arrive avant 7h si je veux avoir une chance de trouver une place! » raconte Sabrina*, étudiante en droit à McGill. Cette situation est d’autant plus frustrante puisque Sabrina, comme de nombreux autres étudiants, ne commence parfois ses cours qu’en début d’après-midi. Elle se retrouve donc malheureusement contrainte de partir tôt le matin afin de s’assurer d’avoir une place de stationnement.

L’incapacité du réseau à répondre aux besoins des étudiants se reflète notamment dans le service d’autobus transportant les résidents des zones plus éloignées de la Rive-Sud vers les stations du REM. Ces bus ne circulent que tôt le matin et en fin d’après-midi, suivant les horaires des travailleurs traditionnels, de 9h00 à 17h00. Dans le cas de Sabrina, le dernier bus passant devant chez elle le matin part à 8h09 et le dernier bus pouvant la ramener en soirée passe aux alentours de 18h00. Un véritable casse-tête pour un étudiant qui, par exemple, n’aurait cours qu’entre 17h00 et 19h00. « J’en ai souvent pour près de trois heures de transports par jour dans ces conditions », se désole Sabrina. « Ce système est peut-être pratique pour les parents travaillant de 9h00 à 17h00, mais certainement pas pour les étudiants! » Face à cette situation, Sabrina est parfois tentée de reprendre sa voiture, espérant miraculeusement trouver une place de stationnement près de sa station REM. « Il y a quelques jours, je n’ai rien trouvé. J’étais tellement désespérée que j’ai garé ma voiture à une place interdite et j’ai eu une amende.»

Cette situation est d’autant plus problématique que le REM est désormais la seule option de transport en commun pour les citoyens de la Rive-Sud. Depuis la mise en service du REM le 31 juillet 2023, une clause de non-concurrence hautement controversée empêche les autobus de traverser le pont Champlain, ce qui contraint ainsi les utilisateurs à emprunter le REM, puisqu’il s’agit de la seule option leur étant offerte. Un choix politique lourd de conséquences, qui se traduit par un achalandage démesuré des stations et par des stationnements bondés de voitures.

En d’autres termes, les étudiants sont pris au piège, avec peu d’options pour des trajets sereins et efficaces. Que ce soit par une augmentation des services de bus circulant entre les stations du REM et les différentes zones de la Rive-Sud, un accroissement des places de stationnement ou un abandon de la clause de non-concurrence, des solutions doivent être envisagées!

*Nom fictif

Eileen Davidson | Le Délit

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La sélection d’actus du Délit https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/la-selection-dactus-du-delit-5/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56499 VISITE CONTROVERSÉE DE FRANCESCA ALBANESE À MCGILL Le 4 novembre 2024, la Faculté de droit de l’Université McGill accueillera le Maxwell Cohen Moot Court. Le « moot court », une activité parascolaire tenue dans de nombreuses facultés de droit, consiste en la tenue d’un procès fictif, lors duquel des étudiants participent aux plaidoiries et à… Lire la suite »La sélection d’actus du Délit

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VISITE CONTROVERSÉE DE FRANCESCA ALBANESE À MCGILL

Camélia Bakouri | Le Délit

Le 4 novembre 2024, la Faculté de droit de l’Université McGill accueillera le Maxwell Cohen Moot Court. Le « moot court », une activité parascolaire tenue dans de nombreuses facultés de droit, consiste en la tenue d’un procès fictif, lors duquel des étudiants participent aux plaidoiries et à la rédaction de mémoires. Cette année, la faculté de droit de l’Université McGill a invité Francesca P. Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur le territoire palestinien, à cette simulation. Au vu de cette apparition controversée, quelques groupes étudiants de l’Université, notamment Chabad McGill, Hillel McGill, l’Association des étudiants juifs en droit à McGill, Israël on Campus McGill, et Students Supporting Israel McGill, représentés par la firme légale Spiegel Sohmer, ont posé un ultimatum à l’Université et ont publié le texte sur leurs réseaux.

L’ultimatum accordait à McGill jusqu’au 1er novembre à 14 heures pour annuler la visite d’Albanese. Il souligne en plus les principes légaux supportant la demande et fait référence à l’obligation de l’Université de s’assurer que ses étudiants soient en sécurité, indépendamment de leurs origines, religions, et ethnicités. Cette lettre, envoyée au président de l’Université, Deep Saini, et à Albanese ellemême, conclut que si McGill manque de confirmer la réception de la lettre et de prendre action pour annuler la visite, des procédures judiciaires contre l’Université seront initiées.

Le 1er novembre, Albanese devait également prononcer le discours inaugural à une conférence tenue à Montréal, Coordinating Council 4 Palestine, mais s’est retirée. Charlotte Kates, fondatrice du mouvement Samidoun, groupe récemment qualifié d’entité terroriste par le gouvernement canadien, a également participé à cette conférence en tant que panéliste.

À l’heure de l’écriture de l’article, il n’est pas clair si Albanese a fait apparition à la simulation.

ÉLECTIONS : CHANGEMENTS AU NIVEAU DES GOUVERNEMENTS PROVINCIAUX

Eileen Davidson | Le Délit

Les deux dernières semaines ont été significatives quant aux élections de nouveaux gouvernements provinciaux à travers le Canada.

Le 2 novembre, Susanne Holt est devenue officiellement première ministre du Nouveau-Brunswick. Le Parti Libéral de Susanne Holt forme désormais la majorité au parlement du Nouveau Brunswick, et remplace les progressistes-conservateurs de Blaine Higgs, au pouvoir pendant deux mandats consécutifs de trois ans depuis 2018. Holt devient également la première femme à diriger la province des Maritimes, un fait souligné par le premier ministre Justin Trudeau après son élection. Peu après l’annonce de sa victoire, Holt a promis aux néo-brunswickois de mener la province avec équilibre, et de prioriser les services de santé, l’éducation ainsi que l’abordabilité du marché immobilier.

Les élections au Nouveau-Brunswick ont été précédées par des élections provinciales en Colombie-Britannique, les résultats desquelles ont été annoncés le 19 octobre. Le parti néo-démocrate de David Eby a remporté 47 des 93 sièges au parlement provincial, une victoire serrée menant la province dans un troisième mandat consécutif sous le Nouveau Parti Démocratique.

Le 28 octobre, la Saskatchewan a également tenu ses élections provinciales, lors desquelles a été élu pour son cinquième mandat consécutif le Saskatchewan Party, parti conservateur mené par Scott Moe. Ce dernier concède toutefois quelques sièges au parti d’opposition, le Parti néo-démocrate de la Saskatchewan.

NOUVELLE LOI SOUS LES TALIBANS : ATTEINTE À LA LIBERTÉ DES FEMMES

Eileen Davidson | Le Délit

Ce 26 octobre, le ministère pour la Promotion de la vertu et de la répression du vice, un ministère du gouvernement afghan mené par les Talibans, passe une nouvelle loi concernant les droits de la femme. Selon celle-ci, les femmes n’ont désormais plus le droit « d’entendre la voix d’autres femmes », ce qui signifie, entre autres, que les femmes n’auront plus le droit de discuter entre elles. Le ministre du Vice et de la vertu, Khalid Hanafi, affirme qu’il est interdit pour une femme de réciter des versets du Coran devant une autre femme adulte, et que d’autres chants religieux seront également interdits. Cette loi sera implémentée graduellement, et toute personne qui l’enfreindra fera face à des conséquences, bien que celles-ci restent floues.

Ce nouveau décret fait partie d’une série de lois adoptées par les dirigeants talibans qui visent à « prévenir le vice », et qui contraignent et régulent les comportements et la conduite personnelle des femmes. Ces lois contrôlent notamment l’apparence des femmes en public, les obligeant à dissimuler leur corps et leur visage. Les femmes, déjà exclues de plusieurs sphères de la vie publique, souffrent de conditions de vie de plus en plus inhumaines et cette nouvelle loi témoigne d’une dégradation inquiétante de la situation. Selon Amnistie Internationale, la reprise du pouvoir des Talibans en 2021 a été dévastatrice pour les femmes et les filles. Ces dernières se font progressivement effacer de la sphère sociale et de la sphère publique, une loi à la fois.

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Comprendre le Vendée Globe avec Catherine Chabaud https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/comprendre-le-vendee-globe-avec-catherine-chabaud/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56498 Rencontre avec la première femme à avoir bouclé la course mythique.

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Le 10 novembre, 40 skippers (navigateur·rices, tdlr) prendront la barre pour débuter la plus grande course de navigation du monde, le Vendée Globe. Tous les quatre ans depuis sa création en 1989, quelques-uns des meilleurs skippers du monde partent des Sables‑d’Olonne en Vendée, en France, et font un tour du monde complet à voile, parcourant environ 45 000 kilomètres à travers les océans Atlantique, Indien et Pacifique pour retrouver le point de départ plus de 100 jours plus tard. Le Vendée Globe a la particularité d’être une course en solitaire et sans assistance : mis à part les situations d’avarie mettant en danger la vie des marins, les skippers sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient d’aucune aide pour parcourir le globe et accomplir cette épreuve souvent considérée comme étant « l’Everest des mers ».

Afin de mieux comprendre cette course, ses enjeux humains, sportifs, technologiques, et environnementaux, Le Délit a eu l’opportunité de s’entretenir avec Catherine Chabaud. Ex-navigatrice française ayant participé à deux reprises au Vendée Globe, elle a été la première femme de l’histoire à terminer cette course mythique, lors de l’édition 1996–1997. À la suite de sa carrière professionnelle, Catherine Chabaud s’est engagée en politique pour mettre en avant la question environnementale et la protection des océans.

Le Délit (LD) : D’où vient cette passion pour la navigation, et qu’est-ce qui vous a poussé à devenir navigatrice professionnelle?

Catherine Chabaud (CC) : Ma passion est d’abord venue d’un intérêt pour la mer. Avec ma famille, on faisait souvent de la plongée sous-marine. Ensuite, j’ai pratiqué un petit peu le bateau et plus j’en faisais, plus je trouvais ça formidable. Comme il n’y avait pas de bateau dans la famille, j’ai commencé à pratiquer la navigation avec une bourse des équipiers [un partenariat entre marins et propriétaires de navires, ndlr]. Au début des années 80, pour les femmes, ce n’était pas forcément facile de trouver des embarquements, donc j’ai dû très vite monter mes propres projets. J’ai d’abord exercé mon métier de journaliste et j’essayais d’aller naviguer dès que je pouvais. Un jour, j’ai décidé de mettre la priorité sur la navigation. En 1990, j’ai fait construire mon premier bateau. J’ai commencé par des courses, au début plus courtes, et plus ça allait, plus j’avais envie d’un peu plus de durée et de grandeur de bateau. Lorsque le premier Vendée Globe a été organisé en 1989, je me suis dit : « Un jour, je serai au départ ». En 1996, j’ai pris le départ de mon premier Vendée Globe.

« Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens mon premier passage du Cap Horn, parce que j’ai mis beaucoup de temps pour arriver à le franchir. Et bien sûr l’arrivée de mon premier Vendée Globe, qui était incroyable »

Catherine Chabaud

LD : Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans votre expérience de navigation?

CC : Ce que j’ai beaucoup aimé dans la navigation, c’est le sentiment de responsabilité, d’autonomie et de liberté que tu as quand tu es seule en mer. Et ce sentiment est multiplié par dix dans le cadre du Vendée Globe. Ce qui m’a aussi beaucoup plu, c’est le voyage, l’aventure, la découverte mais aussi plus simplement la vie en mer. Encore aujourd’hui, après des années de navigation, je suis toujours émerveillée par un lever ou un coucher de soleil, un albatros, ou par un dauphin. Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens mon premier passage du Cap Horn, parce que j’ai mis beaucoup de temps pour arriver à le franchir. Et bien sûr l’arrivée de mon premier Vendée Globe, qui était incroyable.

LD : À quoi ressemble le quotidien d’un skipper pendant le Vendée Globe? Comment arrive-t-on à trouver un équilibre entre le sommeil et la navigation?

CC : Comme tu es en course, la priorité est à la marche du bateau, tu essaies d’avoir les bonnes voiles réglées comme il faut, et tu essayes surtout d’aller dans la bonne direction avec les vents. Pour tenir sur le long terme, il faut aussi s’entretenir soi-même. Dans la journée, tu étudies beaucoup la météo, tu fais des manœuvres, tu manges, et dès que tu peux, tu vas dormir. Tu dors par petites tranches dont la durée dépend du contexte. Lorsqu’il y a des risques de collision avec des obstacles, comme des bateaux par exemple, tu ne dépasses pas les tranches de 20 minutes de sommeil. En revanche, tu peux aller jusqu’à 1h30 dans des conditions météorologiques stables.

LD : Le Vendée Globe est une course dans laquelle les femmes sont jusqu’à aujourd’hui sous-représentées. Pour l’édition qui arrive, sur 40 skippers, seules six sont des femmes. En 1997, vous devenez la première femme à avoir terminé cette épreuve, et à boucler un tour du monde en solitaire sans assistance. Est-ce que cela est source de fierté, et considérez-vous que cet accomplissement vous donne un rôle particulier auprès des femmes navigatrices?

CC : Par concours de circonstances, le titre de gloire m’est revenu, mais devenir la première femme à finir le Vendée Globe n’était pas du tout ma motivation à aller en mer. À l’époque, je m’étais dit que peut-être que lorsque je serais grand-mère, ce serait objet de fierté. Et en effet, 20 ans plus tard, c’est une fierté de se dire qu’on est pionnières [faisant référence à Isabelle Autissier, seule autre navigatrice ayant participé en même temps que Catherine, ndlr]. Je pense qu’on a inspiré des navigatrices mais aussi des femmes sur la terre ferme, en leur donnant envie de réaliser leurs rêves.

LD : Depuis 1989, les bateaux et les moyens de communication ont beaucoup changé grâce aux avancées technologiques. À votre avis, quelle est la différence entre participer au Vendée Globe dans les années 90 et aujourd’hui?

CC : Ne serait-ce qu’entre mon premier Vendée Globe en 1996 et celui en 2000, il y a eu énormément de changements. On est passé de la radiocommunication à la communication par satellites. Aujourd’hui, les skippers sont très connectés et communiquent beaucoup [sur les réseaux sociaux et à la télévision notamment, ndlr], voire un peu trop. Ils se mettent presque en scène, ce qui n’était pas du tout le cas avant. Selon moi, la surmédiatisation des skippers banalise un peu l’épreuve et l’aventure que représente le Vendée Globe. Cela dénature un peu l’idée d’une course en solitaire face à la nature. En même temps, c’est sympathique, parce que tu vois presque en direct comment les marins vivent. À l’époque, on essayait de ramener des images qu’il n’était pas possible d’envoyer en direct.

« Toutes ces avancées n’enlèvent aucun mérite aux skippers. Faire le Vendée Globe aujourd’hui reste une grande aventure. Mais il faut constater que le Vendée Globe des années 1990 et celui de 2024 sont deux courses profondément différentes »

Catherine Chabaud

Les bateaux ont aussi beaucoup changé d’un point de vue technologique. Depuis une dizaine d’années, il y a des bateaux bien plus performants qui volent sur l’eau [grâce aux ailes portantes (foils) notamment, ndlr]. Les accélérations et les décélérations sont extrêmement brutales et les skippers sont donc obligés de naviguer avec des protections pour le dos, les genoux, les chevilles ou encore avec des casques. C’est extrême, mais en même temps, c’est magique de voir qu’ils ont réussi à faire des bateaux si performants. Pour revenir sur la question du quotidien des marins, je ne sais pas comment ils organisent leur vie à bord, ils ne bougent quasiment plus. Aujourd’hui, les cockpits [postes de pilotage, tdlr] sont de plus en plus fermés, les bateaux vont parfois presque sous l’eau, et mouillent beaucoup plus. Lors de mes Vendée Globes, mon poste de pilotage était ouvert, je devais mettre des bâches pour le fermer dans les mers du Sud pour ne pas avoir trop froid.

Toutes ces avancées n’enlèvent aucun mérite aux skippers. Faire le Vendée Globe aujourd’hui reste une grande aventure. Mais il faut constater que le Vendée Globe des années 1990 et celui 2024 sont deux courses profondément différentes.

LD : Comment avez-vous perçu l’évolution du réchauffement climatique et de la pollution des océans, et quels sont leurs impacts sur une course comme le Vendée Globe?

CC : La première fois que j’ai vu du plastique en mer, c’était en 1991. Aujourd’hui, je constate surtout une augmentation de la pollution en mer Méditerranée, parce que dans les eaux plus agitées comme l’Atlantique, on les voit moins flotter. Seul 1% des plastiques en mer flottent. Par contre, quand j’ai navigué encore l’été dernier au Groenland, je me suis aperçue d’un écart important entre les glaces que l’on peut observer et les glaces cartographiées – souvent répertoriées dans les années 50 ou 60. Alors que les cartes te disent que la navigation est bloquée à certains endroits, en réalité, tu es souvent capable de parcourir 10 kilomètres de plus parce qu’il y a 10 kilomètres de glaciers qui ont fondu. C’est une différence colossale!

L’impact sur le Vendée Globe est bien réel. Avec le réchauffement climatique et l’augmentation du nombre d’icebergs, les eaux les plus au sud sont moins facilement navigables et le risque de collisions avec un iceberg non répertorié sur le radar est plus élevé. Les eaux sont donc plus dangereuses. C’est d’ailleurs pour cela qu’à partir du Vendée Globe 2000, pour assurer la sécurité des skippers, la direction a commencé à mettre des zones interdites à la navigation comme la Zone d’Exclusion Antarctique.

Plus récemment, on a commencé à créer des Zones de Protection de la Biodiversité, des zones où il y a beaucoup de cétacés, pour éviter de les heurter et de les tuer. L’impact existe donc vraiment d’un point de vue sportif, parce que les zones d’exclusion contraignent les skippers dans leurs manœuvres autour de ces zones-là. Mais tout le monde est à la même enseigne, et si cela permet de ne pas dégrader la biodiversité, alors tant mieux. Ce qu’on pourra aussi craindre dans plusieurs années, c’est que l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques de plus en plus violents, ainsi que l’allongement des périodes de cyclones entraînent le report des courses.

LD : À la suite de vos Vendée Globe en 1996 et en 2000, vous vous êtes investie en politique à différents échelons, notamment en tant que députée européenne. En quoi votre expérience en mer vous a‑t-elle été utile dans votre travail au Parlement européen et dans votre carrière politique?

CC : Il y a un véritable bénéfice à avoir une expérience de navigatrice pour aller naviguer en politique. Avoir vécu des situations fortes, intenses, et avoir eu à me débrouiller seule pour trouver des solutions ça me donne la conviction qu’on peut être ambitieux dans la vision politique qu’on porte, et que l’être humain est capable de mettre en œuvre des choses formidables, à condition d’entreprendre et de persévérer. Une autre leçon que m’a donnée la mer, c’est de faire avec la situation. Dans l’océan, tu navigue malgré les contraintes, tu ne domines pas la nature, il faut arriver à s’adapter. En politique c’est la même chose, il faut s’adapter et travailler pour trouver des compromis.

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Séquences étranges : Partie 2 https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/sequences-etranges-partie-2/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56491 Dimanche 13 octobre. Dur réveil. En sursaut, je me lève et m’habille, file au cinéma — le même qu’hier — je dévale les mêmes escaliers roulants, et rejoins Anna dans la file d’attente. Nous n’avons pas lu le synopsis du film que nous nous apprêtons à voir, mais l’affiche est prometteuse : le personnage porte… Lire la suite »Séquences étranges : Partie 2

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Dimanche 13 octobre. Dur réveil. En sursaut, je me lève et m’habille, file au cinéma — le même qu’hier — je dévale les mêmes escaliers roulants, et rejoins Anna dans la file d’attente. Nous n’avons pas lu le synopsis du film que nous nous apprêtons à voir, mais l’affiche est prometteuse : le personnage porte un casque à paillettes, des lunettes noires, un costume que nous interprétons comme le signe d’un film nocturne, scindé de lasers. Pourtant, ce ne sont pas des larmes de joie qui coulent, étincelantes sur les visages éclairés par l’écran géant. Face à nous, une famille tente d’enterrer un passé d’abus sexuels. On Becoming a Guinea Fowl, de la réalisatrice Rungano Nyoni, tisse les non-dits des enfances ternies par un violeur, leur oncle, retrouvé mort au début du film.

Après le générique de fin, nous sortons de la salle, descendons calmement les marches. Sans dire un mot, nous restons attentives aux cris de colère de ces femmes, qui retentissent dans nos oreilles. Devant les portes du cinéma, je vérifie Letterboxd, où Anna a déjà rédigé sa critique. Quatre étoiles : « had to get a sweet treat after this to recover » (j’ai dû m’acheter une gâterie pour me remettre de mes émotions, tdlr). Je me pose au café de la friperie Eva B sur le boulevard St-Laurent, je gobe un biscuit, et avale un café d’une seule gorgée : je ne pense à rien. Mon regard se pose sur les plateaux qui circulent, sur les vêtements que les gens s’arrachent.

J’appelle une amie, la Française, celle qui m’avait accompagnée au festival l’année dernière. Nous nous étions assises à cette même table entre deux séances. Je tente de lui raconter ce que nous venons de sentir mais je bute sur les mots, et mes phrases se déversent dans ma tasse. La nostalgie de l’absence de mon amie remplace rapidement les sentiments moroses et je retourne seule m’affaler dans un siège du cinéma du Quartier Latin.

« Sans dire un mot, nous restons attentives aux cris de colère de ces femmes, qui retentissent dans nos oreilles »

Je chantonne, et entre joyeusement dans le monde de Lola Arias, réalisatrice du documentaire Reas, une reconstitution libre de la vie d’ancien·ne·s détenu·e·s d’une prison de Buenos Aires. Les acteur·ice·s sont des femmes queer, des personnes trans et non-binaires qui revisitent sous l’œil attentif de la caméra le lieu dans lequel iels se sont construit·e·s.

Nous rencontrons les personnages à travers le corps qui s’expriment par la voix, le sport, la créativité. Très vite, je m’attache à ces personnes, en quête d’appartenance à une communauté. Iels chantent, « voguent », jouent au soccer, se marient, mélangent allégrement la fiction aux souvenirs du réel, et m’aident à éteindre les émotions ressenties quelques heures plus tôt. J’aimerais m’enfoncer un peu plus dans mon siège, rester avec iels toute la soirée, en apprendre encore sur leurs rêves, la vie après l’incarcération. Mais l’écran s’éteint et la salle se vide. Je pars aussi, pédale sur la rue Saint-Denis jusqu’à l’avenue Laurier. Arrivée chez moi, je n’enlève pas ma veste, ni mes chaussures. Je m’allonge sur le sofa et regarde un court-métrage sur mon iPhone tout brisé. Je relâche les larmes refoulées, et la fièvre accumulée monte en spirale face aux nouvelles images qui scintillent sur le petit écran. Jusqu’à tard dans la nuit, je draine mon corps à sec en attendant le calme après les pleurs. Les émotions de la journée évacuées, je me couche et dors une nuit sans rêve. Ma tête se vide, j’attends les prochaines séances.

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Quand l’anxiété académique s’installe https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/quand-lanxiete-academique-sinstalle/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56486 Réflexions d’une étudiante en littérature anglaise.

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Mes questionnements se multiplient à mesure que les échéances pour les candidatures aux maîtrises approchent. Au lieu de laisser l’anxiété qui émane de toutes mes inquiétudes non-répondues me ronger, je pense qu’au contraire, il faut en parler. Parce que l’expérience que je vis est celle de milliers d’autres étudiant·e·s à McGill et ailleurs. Parce qu’en parlant à mes ami·e·s, j’ai vite réalisé que je n’étais pas la seule à avoir des doutes, à m’inquiéter et à être stressée. Cet article est dédié à toutes ces personnes qui se sentent comme moi. Ce sont mes mots, des phrases simples et des réflexions banales mais qui, je l’espère, feront sentir certain·e·s de mes lecteur·rice·s moins seul·e·s.

Je suis maintenant dans ma troisième année d’études dans le programme de littérature anglaise. Bien que je sois passionnée par la lecture et l’écriture en anglais, le simple fait de poursuivre un diplôme dans une langue qui ne m’est pas maternelle est source de questionnements. Évidemment, je ne suis pas la seule dans cette situation. Les étudiant·e·s internationaux·ales représentent près de 30% de l’effectif total de McGill, ce qui veut dire qu’une grande partie de ces 12 000 personnes sont, tout comme moi, en train de prendre des cours au niveau universitaire dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Bien sûr, le niveau de langue anglaise de toutes ces personnes, moi comprise, est techniquement élevé, puisque c’est une condition à remplir pour être admis·e à McGill. Cependant, « avoir le niveau » ne veut pas forcément dire être constamment confiant·e, surtout dans un programme comme le mien, où la langue est au coeur des discussions. J’ai récemment ressenti ce qu’on appelle communément le « syndrome de l’imposteur ». Selon l’Association médicale canadienne, c’est « une tendance psychologique à la peur et à la remise en question ». Ainsi, la personne atteinte doute de ses réussites et ressent une « peur persistante et internalisée d’être présentée comme un escroc, et ce, malgré ses capacités démontrées ». C’est ainsi que je me sens en ce moment : j’ai l’impression de ne pas être à ma place et de ne pas avoir atteint le niveau, que ce soit en anglais ou académiquement.

D’où vient le stress?

Les causes de ce problème me semblent évidentes : la comparaison – ou l’absence de comparaison directe. À première vue, l’université semble être un endroit où la comparaison n’est pas un problème. Chacun étudie des choses différentes, et à part la GPA (Moyenne Pondérée Cumulative), il n’y a pas de moyenne générale par devoir ou par groupe dans mon programme, donc pas de compétition. Pourtant, toutes ces choses sont paradoxalement ce qui me cause de l’anxiété. Je trouvais cela rassurant de partager le même emploi du temps que mes camarades au secondaire, d’avoir les mêmes cours, les mêmes devoirs, les mêmes notes à comparer. Maintenant, lorsque j’entends mes ami·e·s dans une autre faculté s’exclamer qu’ils·elles sont tristes d’avoir obtenu un B, je me dis que je dois mal faire quelque chose dans mes propres devoirs, où un B me paraît déjà satisfaisant. Pourtant, nos programmes sont bien différents, les exigences sont différentes, et c’est quelque chose que j’apprends à accepter.

« Parfois, j’ai l’impression d’avoir tant à faire que je ne peux rien faire »

Cette année, au sein de mon programme, la chose qui me fait le plus douter de moi-même sont les publications de discussions (discussion posts). La majorité de mes professeur·e·s de littérature me demandent de publier chaque semaine un court texte sur les livres que nous étudions. En théorie, c’est une bonne idée : ça permet d’échanger avec ses camarades, de découvrir d’autres perspectives et de nous inciter à ne pas accumuler de retard sur nos lectures. Cependant, depuis que ce mode d’évaluation m’a été introduit, je me sens particulièrement stressée. Chaque semaine, je lis des dizaines de messages postés par des personnes qui semblent savoir mieux analyser et mieux réfléchir que moi.

En plus des exigences personnelles que nous nous imposons, la surcharge de travail et la difficulté à trouver un équilibre entre vie personnelle, travail et études présentent aussi une source d’anxiété. Parfois, j’ai l’impression d’avoir tant à faire que je ne peux rien faire. Je n’arrive pas à être productive et, démoralisée, je finis par passer ma journée dans mon lit. Cette culpabilité me ronge : c’est comme être dans un cycle sans fin.

Exigences académiques

Dans une université comme McGill, ce stress de comparaison est encore plus élevé. On nous le répète sans cesse : « c’est une université réputée », « tout le monde est intelligent. » Tous ces discours ne font que nourrir les doutes qui grandissent en moi. Nous avons beau savoir que nous avons été acceptés pour une raison, cela ne nous empêche pas de douter de nos capacités.

En plus de cela, après avoir pris un cours de poésie canadienne, j’ai aussi réalisé que de nombreuses personnalités dans le monde de la littérature ont fréquenté les couloirs de McGill. Chaque fois que je me rends dans le bâtiment des Arts (Arts Building), je m’imagine A.M. Klein, Irving Layton, ou encore Leonard Cohen se diriger vers les mêmes salles que moi. Je trouve cela passionnant, de me dire que, des années auparavant, ces personnes ont elles-aussi publié dans le McGill Daily. Par ailleurs, cela produit une pression inconsciente vis-à-vis de mon travail. Je ressens le devoir de rendre hommage à ces artistes, de révolutionner la littérature comme ils·elles sont parvenu·e·s à le faire à mon âge.

Des solutions à adopter?

Malgré ce stress et l’apparence négative de mes réflexions, je reste convaincue qu’il existe des solutions. Je vais recevoir mon diplôme à la fin de la session prochaine, c’est donc une période charnière qui s’avère intense émotionnellement. Pourtant, je continue de rester optimiste. Personnellement, je trouve refuge dans ma cuisine. Prendre le temps de me préparer un bon repas le soir après une journée chargée est ma façon de me relâcher. Une playlist jazz en fond, je découpe consciencieusement mes légumes, je regarde l’eau bouillir et je profite des bonnes odeurs de mes plats. Je trouve qu’il y a un côté réconfortant dans les routines. Chaque soir, je prends soin d’allumer une bougie, de mettre des vêtements confortables après ma douche et de me préparer une tisane pour étudier à mon bureau. Ce sont des petites choses qui paraissent insignifiantes pour certain·e·s, mais qui me détendent considérablement. Ce sont aussi ces choses qui rendent la vie étudiante plus facile à vivre ; ces choses qui me font apprécier le fait de vivre seule, bien que loin de ma famille. Je suis convaincue qu’il est essentiel pour chacun·e d’avoir un échappatoire. Que ce soit la cuisine, la musique, le dessin, l’écriture d’un journal, ou les jeux vidéos, notre seule façon de récupérer physiquement et mentalement est le repos. Ce repos, qui paraît parfois impossible à envisager, est pourtant bel et bien nécessaire.

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Sauvons Willy! https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/sauvons-willy/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56479 La menace des polluants éternels sur les mammifères marins.

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En octobre 2023, Anaïs Remili donnait sa première conférence TED intitulée Une menace invisible : les orques sous attaque (tdlr) à Cape May au New Jersey, peu de temps après avoir soumis sa thèse de doctorat à l’Université McGill. Dans son discours, la chercheuse, désormais post-doctorante à l’Université Simon Fraser à Vancouver, a présenté les résultats de sa recherche mettant en lumière l’impact dévastateur des pesticides et des contaminants industriels, appelés « polluants organiques persistants », aussi connus sous le nom de « polluants éternels », sur la santé des orques et autres mammifères marins. Elle a aussi rappelé le rôle primordial de ces espèces dans la régulation des écosystèmes et la préservation de l’équilibre des océans et de la planète.

Le Délit a interrogé la chercheuse, afin d’en apprendre plus sur les menaces, exacerbées par le réchauffement climatique, qui pèsent sur ces animaux majestueux.

Le Délit (LD) : Votre recherche a porté sur les polluants éternels. D’où proviennent-ils? Pourquoi sont-ils produits?

Anaïs Remili (AR) : Ces polluants ont commencé à être produits dans les années 30. Les BPC, à savoir les biphényles polychlorés [groupe de polluants éternels, ndlr], ont été créés par Monsanto et étaient ajoutés à des composés électriques, des peintures, ou des plastiques. Ce sont des molécules qui sont très stables chimiquement. Elles ne se dégradent pas avec le temps et la chaleur, ce qui explique pourquoi elles ont été massivement utilisées et donc, produites. Ce n’est pas avant les années 60 qu’on a réalisé que ces molécules se retrouvaient dans l’environnement sans se dégrader. C’était aussi le cas pour les pesticides organochlorés qui incluent notamment le DDT [Dichlorodiphényltrichloroéthane, ndlr]. Synthétisé par un chimiste autrichien en 1874, le DDT a commencé à être utilisé un peu partout comme pesticide dans l’agriculture à partir des années 40. Dans les années 70, on a compris qu’il commençait sérieusement à mettre en péril les pygargues à tête blanche, l’aigle emblème
des États-Unis. Comme pour les BPC, le pesticide s’introduit dans l’environnement, principalement à cause du ruissellement des eaux de pluie sur les parcelles contaminées, mais a aussi une affinité chimique particulière avec les lipides. En se liant aux lipides des organismes, il s’accumule le long de la chaîne alimentaire : à chaque maillon, lorsqu’un prédateur consomme une proie, il absorbe les contaminants présents dans celle-ci, ainsi que ceux provenant de son propre environnement.

LD : Les différentes espèces sont-elles affectées de la même manière par les contaminants?

AR : L’observation des concentrations des POP à travers six espèces de baleines et de dauphins à Saint-Pierre-et-Miquelon, juste en dessous de Terre-Neuve, montre que les contaminants sont les plus faibles dans les baleines à fanons, parce qu’elles se nourrissent de krill et de petits poissons comme les capelans. Ensuite, ce sont les dauphins, qui se nourrissent peut-être des plus gros poissons ou des poissons qui ont beaucoup de gras comme les harengs, qui ont accumulé beaucoup de ces contaminants. Les orques, parce qu’elles sont au sommet de la chaîne alimentaire, comptent parmi les espèces les plus contaminées au monde. Les concentrations de polluant sont au-delà de deux fois la limite de 41 mg/kg qui a été établie il y a des dizaines d’années, à partir de laquelle on commence à percevoir des risques au niveau du système reproducteur.

LD : Les polluants représentent une des menaces pour la santé des mammifères marins. Quelles sont les autres? Peut-on faire une hiérarchie des dangers?

AR : Faire une hiérarchie, c’est difficile, mais je pense que la pêche accidentelle fait partie des menaces principales. Quand des gros bateaux chalutiers viennent pêcher des poissons par milliers, de temps en temps, les dauphins de petite taille se retrouvent coincés dans les filets. Environ 300 000 cétacés se font attraper dans des filets chaque année dans le monde. Une autre menace est liée à l’abondance en proies qui est altérée par le changement climatique. De plus en plus d’espèces de poissons migrent vers le Nord, ce qui peut affecter
la distribution de ces proies. Les baleines à fanons, qui ont besoin d’énormes quantités de petits poissons ou de krill pour se nourrir, se retrouvent en difficulté lorsque ces proies viennent à manquer. Par ailleurs, tous les cétacés qui utilisent l’écholocation [moyen de localisation des obstacles et des proies grâce à l’écho d’émissions d’ultrason, ndlr], comme le dauphin, sont perturbés par le bruit environnant, comme celui d’un gros bateau, de la recherche sismique, ou de sonars, parce qu’ils ne sont alors pas capables de communiquer entre eux, de coordonner une chasse ou tout simplement de trouver leur proie. La contamination environnementale devrait être aussi inclue dans les principales menaces.

« Les orques, parce qu’elles sont au sommet de la chaîne alimentaire, comptent parmi les espèces les plus contaminées au monde »


Anaïs Remili, chercheuse

LD : Quel est le rôle de ces mammifères marins? Quel est leur impact sur l’équilibre de la planète?

AR : Les baleines à fanons capturent les gaz à effet de serre. Elles séquestrent beaucoup de carbone dans leur corps en se nourrissant, et en absorbent aussi depuis l’atmosphère. Quand elles meurent, elles tombent dans les abysses, où finit le carbone capturé. Aussi permettent-elles d’enlever du carbone de l’atmosphère pour le rendre aux océans. Elles ont également un rôle de fertilisant : leurs matières fécales contiennent énormément d’azote, qui est un fertilisant naturel pour les communautés de phytoplanctons qui se développent ainsi grâce à cet apport. Elles jouent donc un rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour augmenter la productivité de nos océans. Ces phytoplanctons, par leur photosynthèse, absorbent jusqu’à 50% du dioxyde de carbone contenu dans l’atmosphère pour générer de l’oxygène. Les baleines à dents, comme les dauphins ou les orques, jouent un rôle essentiel parce qu’elles régulent toute la chaîne alimentaire. Si elles venaient à disparaître, les conséquences seraient terribles, parce que les proies qu’elles devraient manger commenceraient à se reproduire de manière exponentielle. [Cela risquerait de déséquilibrer tout l’écosystème, car l’augmentation des poissons qui se nourrissent du plancton entraînerait sa diminution, réduisant son effet de stockage de CO2, ndlr].

« Les pays doivent faire en sorte qu’il y ait des régulations plus strictes avant d’autoriser les produits sur le marché »
Anaïs Remili, chercheuse

LD : Quelles actions concrètes, à l’échelle individuelle, pourrait-on mettre en place pour protéger les animaux marins?

AR : Je pense qu’on peut faire déjà attention à ce qu’on consomme. C’est important de se rappeler que chacun de nos gestes et chaque chose qu’on achète apporte sa contribution à la pollution globale de notre planète. Éviter de commander des produits de fast fashion sur Temu peut déjà être bien. Il faut aussi essayer de ne pas supporter des industries qui utilisent des pesticides toxiques, bien que beaucoup aient déjà été bannis. Mais chaque fois qu’un polluant est banni, les industriels trouvent une faille et mettent sur le marché une molécule un tout petit peu différente, qui échappe aux règles et aux interdictions, mais qui a toujours un peu la même structure, ce qui crée des problèmes à répétition. Je sais que c’est difficile financièrement de pouvoir faire différemment, surtout quand on parle à un auditoire étudiant. Parfois, on est obligé d’acheter ce qu’on peut au supermarché, mais on peut éviter d’acheter ce qui est produit en masse et vivre en ayant conscience de son empreinte écologique. C’est aussi important de partager l’information avec ses amis, sa famille, essayer de sensibiliser les gens à ce qui se passe actuellement. À l’échelle un petit peu plus globale, il faut convaincre nos responsables politiques de mettre en place des tests de toxicité plus rigoureux avant d’autoriser n’importe quelle molécule sur le marché. À chaque fois, c’est ce qui se passe : on a remplacé nos BPC par les PBDE (polybromodiphényléthers), qui sont essentiellement les mêmes molécules, sauf qu’à la place du chlore, il y a du brome. On se retrouve avec le même problème. Ces molécules s’accumulent dans la chaîne alimentaire, affectant différents organismes à travers tous les écosystèmes. Puis, on a banni ces PBDE et on les a remplacés par des PFAS (subtances per- et polyfluoroalkylées). En conséquence, les perturbateurs endocriniens sont partout. Cela menace nos populations humaines, mais aussi tous les organismes à chaque étage de la chaîne alimentaire dans nos écosystèmes. Quand allons-nous apprendre et quand allons-nous établir des tests à l’avance, avant de commercialiser n’importe quoi? On peut également faire un effort sur ce qu’on mange, en évitant de consommer des produits provenant de la pêche industrielle. En Colombie-Britannique, l’initiative Ocean Wise certifie que certains poissons ont été pêchés de manière durable. En achetant des produits certifiés, on ne contribue pas au phénomène de surpêche, ni à la pêche accidentelle des dauphins. Devenir végétarien peut être une solution à l’échelle individuelle. Je sais que tout le monde ne peut pas devenir végétarien et c’est compréhensible, mais moi, personnellement, c’est un choix que j’ai fait depuis 13 ans pour essayer justement de faire ce que je peux de mon côté pour éviter de contribuer à la surpêche.

Chérine Baumgartner

LD : Les négociations internationales ont-elles un rôle à jouer dans la protection des mammifères marins?

AR : Oui, bien sûr. Pour les polluants éternels, il existe un traité des Nations Unies : la Convention de Stockholm. C’est un traité qui a été créé en 2001, entré en vigueur en 2004, pour bannir tous ces contaminants dont les BPC, les pesticides, etc. Il y a toujours des révisions, auxquelles on ajoute des nouvelles molécules, des nouveaux contaminants à la liste. Quand cette convention a été signée, les 152 pays signataires s’étaient engagés à éliminer tous les BPC avant 2028. On est très loin de cet objectif. Il faut que les différents pays mettent la main à la pâte. Il y a encore plein de composés dans lesquels on avait ajouté des BPC à l’époque qui sont encore contenus dans l’environnement ou dans des hangars où ils attendent d’être détruits. S’il se passe quoi que ce soit, si on a un accident, ils peuvent être déversés dans l’environnement de nouveau. Une fois qu’ils sont dans l’environnement, on ne peut pas les retirer. Les pays doivent faire en sorte qu’il y ait des régulations plus strictes avant d’autoriser les produits sur le marché et faire ce qu’ils ont dit qu’ils allaient faire, c’est-à-dire éliminer ces vieux contaminants. Pour l’instant, ce n’est pas du tout le cas. C’est un peu décourageant, mais il faut quand même redoubler d’efforts et se dire que si on ne veut pas tuer nos mammifères marins et si on ne veut pas empoisonner nos populations humaines, parce que ces contaminants ne s’accumulent pas que dans les mammifères marins, il faudrait quand même faire un petit effort.

« C’est important de se rappeler que chacun de nos gestes et chaque chose qu’on achète apporte sa contribution à la pollution globale de notre planète »

Anaïs Remili, chercheuse

Afin d’éduquer le public sur ces questions-là, Anaïs Remili a co-créé Whale Scientist, une plateforme en ligne sur laquelle les scientifiques en début de carrière peuvent partager leur connaissance des mammifères marins de manière ludique. Cette initiative a pour vocation d’inspirer de futurs chercheurs tout en satisfaisant la curiosité des amoureux du monde marin.

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