Le Délit https://www.delitfrancais.com/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 02 Dec 2024 23:06:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.1 Bergers : un hymne à la liberté https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/bergers-un-hymne-a-la-liberte/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56729 Choisir de partir, choisir de rester.

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Sous le soleil éclatant de Provence et la rigueur des montagnes, Bergers de Sophie Deraspe nous invite à une traversée sensorielle, à mi-chemin entre le conte philosophique et la quête d’identité. Le film raconte l’histoire de Mathyas, un Montréalais qui abandonne une vie urbaine confortable pour devenir berger.

Le chez-soi n’est pas tant un lieu qu’un choix.

Pourquoi tout quitter? Cette question hante le film sans jamais offrir de réponse explicite. Derapse évite les explications faciles ou les justifications grandiloquentes. Ce choix crée une certaine distance, voire une impression de superficialité dans la représentation des personnages, qui peuvent parfois sembler unidimensionnels. Ce faisant, les motivations initiales de Mathyas s’éclipsent pour laisser place à son instinct. Celui qui le pousse à changer de cap, à inventer un risque, à chercher sa place dans un monde qui semble à la fois trop vaste et trop étroit.

Il y a quelque chose de déconcertant, presque naïf, dans cette volonté d’adopter une existence bohémienne, comme si le regard de Mathyas, teinté de fascination, idéalisait cette vie loin du confort métropolitain. Pourtant, au fil du récit, sa quête se dote d’une profondeur inattendue ; elle devient une exploration intime d’une vérité universelle : le chez-soi n’est pas tant un lieu qu’un choix.

Dans le rôle de Mathyas, Félix-Antoine Duval parvient à incarner cette transformation avec finesse. Si son personnage semble d’abordun peu détaché, presque étranger à cet univers qu’il cherche à s’approprier, il gagne en authenticité au fur et à mesure qu’il se confronte à la dureté et à la beauté de sa nouvelle réalité. Peu à peu, l’impression d’une simple expérience « exotique » laisse place à la découverte d’un homme sincèrement habité par son désir d’appartenance à un mode de vie brut. Le rythme contemplatif de la réalisation reflète cette quête intérieure. Deraspe laisse respirer son récit, accordant à chaque image le temps de s’imposer. Les montagnes se déploient, majestueuses, dans des plans à couper le souffle. La trame sonore, envoûtante, amplifie cette immersion : elle accompagne le spectateur dans un voyage entre douceur et rudesse.

Ce sont ces images qui portent le récit, bien plus que les mots. Les réflexions de Mathyas, tentent parfois d’insister sur des vérités déjà évidentes. Portées par une narration hors champ, ces envolées philosophiques tombent parfois dans un lyrisme appuyé, frisant le mélodrame. Ces excès n’enlèvent cependant rien à la sincérité du propos, et traduisent l’effort du personnage pour donner un sens à son expérience, comme s’il avait besoin de justifier ce besoin viscéral de recommencer ailleurs. Mathyas se bâtit un foyer bien à lui, à travers les liens qu’il tisse, les épreuves qu’il traverse, et l’amour qu’il donne à cet environnement sauvage.

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La mémoire d’un territoire https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/la-memoire-dun-territoire/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56722 Kukum au Théâtre du Nouveau Monde.

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L’adaptation théâtrale de Kukum, le roman acclamé de Michel Jean, fait une entrée remarquée sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), portée par la vision audacieuse d’Émilie Monnet. Ancrée dans la culture innue, la pièce se veut un hommage vibrant à la mémoire et à la résilience d’un peuple. Si l’intention est noble et l’exécution visuellement saisissante, le spectacle peine parfois à tenir la promesse de son ambition, avec une narration qui vacille et un rythme parfois déroutant.

Un hommage sonore et visuel

Dès le lever de rideau, l’univers innu se déploie avec éclat grâce à la scénographie immersive de Simon Guilbault. La mise en scène d’Émilie Monnet s’entoure d’une équipe où les voix autochtones brillent non seulement sur scène, mais aussi en coulisses. Les costumes riches en symbolisme conçus par Kim Picard, et les projections d’archives mêlées à l’art visuel de Caroline Monnet plongent le spectateur dans le monde innu, magnifiant les paysages et les traditions évoqués par le texte. Les chants et dialogues en innu-aimun, une première sur la scène du TNM, résonnent comme un puissant acte de réappropriation culturelle. Cependant, ces moments de grâce sont parfois interrompus par des failles techniques – micros défectueux, sous-titres mal synchronisés – qui viennent rompre la fluidité de l’expérience.

Une narration éclatée

L’histoire s’ouvre sur la rencontre entre Almanda et Thomas Siméon, un chasseur innu qui devient son époux. Ce point de départ, d’apparence classique, laisse entrevoir une intrigue centrée sur l’évolution de leur relation. Pourtant, la pièce prend une direction plus fragmentée, où les souvenirs d’Almanda s’entrelacent aux récits ancestraux, tissant une trame davantage poétique que narrative. Loin d’une progression linéaire, le récit évolue au rythme des saisons et des légendes, reflétant une conception du temps propre à la culture innue, où mémoire collective et récits oraux l’emportent sur une structure dramatique conventionnelle.

La poésie comme souffle identitaire

La poésie de Joséphine Bacon, omniprésente dans cette adaptation, transcende la scène. En collaborant avec Laure Morali, Bacon insuffle une force lyrique au texte, conférant à l’innu-aimun une gravité et une beauté rarement entendues sur une scène québécoise. Ce faisant, la langue devient un outil de résistance et de réaffirmation de l’identité innue, un geste qui défie l’hégémonie culturelle et revendique la légitimité de cette culture sur la scène nationale.

C’est dans cette relation, portée par une chimie palpable, que le concept du « chez-nous » prend vie : un espace d’appartenance, et non de propriété.

Le territoire comme chez nous

Au cœur de la pièce, une opposition fondamentale se dessine entre la vision innue du territoire – espace partagé et respecté – et celle imposée par le colonialisme, réduisant la terre à un objet de possession et d’exploitation. Avec délicatesse, la pièce illustre la vie nomade des Innus, un « chez- nous » immatériel façonné par une relation harmonieuse avec la nature et une langue vivante, en contraste brutal avec la violence de la sédentarisation.

L’histoire d’amour entre Almanda et Thomas Siméon – interprétée avec justesse par Étienne Thibeault et Léane Labrèche-Dor – sert de point d’ancrage pour explorer ces thèmes. Si Labrèche-Dor livre une performance sincère, elle peine parfois à transcender les contraintes du texte pour en extraire une intensité dramatique plus viscérale. Leur union, bien que teintée d’idéalisme, incarne une alliance symbolique entre deux mondes tout en interrogeant ce que signifie réellement habiter un territoire. C’est dans cette relation, portée par une chimie palpable, que le concept du « chez-nous » prend vie : un espace d’appartenance, et non de propriété.

Avec Kukum, le Théâtre du Nouveau Monde marque un jalon important pour le théâtre québécois, une ode à la mémoire, à la langue et à l’amour, un rappel puissant que le passé colonial continue d’imprégner notre présent. Une invitation à réimaginer notre propre rapport au territoire, et à reconnaître la sagesse des voix autochtones qui, aujourd’hui plus que jamais, éclairent notre avenir collectif.

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Kwizinn : culture haïtienne et saveurs du monde https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/kwizinn-culture-haitienne-et-saveurs-du-monde/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56721 En images: recréer l’essence du foyer dans ce restaurant vibrant.

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Casseroles qui claquent, arômes qui dansent, vapeur qui s’élève et épices qui envoûtent — la minuterie sonne : les plats sont prêts. C’est ce que le thème du « chez-soi » évoque à mon esprit. De par mes origines haïtiennes, l’art culinaire de ma mère est au cœur de ce qui transforme notre maison en foyer et où la cuisine prend vie. C’est avec cette même authenticité que le restaurant Kwizinn nous a fait comprendre que le chez-soi est amovible ; un état d’esprit que l’on emporte avec autrui, porté par les odeurs et les souvenirs. Chez Kwizinn, chaque plat raconte une histoire capable de recréer l’essence du foyer, et ce, même au Vieux-Port de Montréal.

Chef Mike Lafaille par Two Food Photographers

Découvrir Kwizinn

Le mot « kwizin », signifiant « cuisine » en créole haïtien, reflète cette volonté de célébrer les saveurs antillaises tout en les réinterprétant avec des influences d’ici et d’ailleurs. Fondé par le copropriétaire et chef Michael Lafaille, d’origine haïtienne, et sa partenaire Claudia Fiorilli, d’origine italienne, Kwizinn incarne l’âme d’une gastronomie sans frontières, qui ne se limite pas à un emplacement. En effet, c’est après avoir conquis le quartier de Verdun que les restaurateurs ont entamé une nouvelle ère cette année, en déménageant dans le cœur du Vieux-Montréal, face au Marché Bonsecours.

Le restaurant Kwizinn nous a fait comprendre que le chez-soi est amovible ; un état d’esprit que l’on emporte avec autrui, porté par les odeurs et les souvenirs.

Les passants n’ont qu’à se faire attirer par l’arôme enivrant du griot (porc grillé) pour se sentir chez soi dans ce restaurant doté de 80 places à l’intérieur et d’une terrasse pouvant accueillir une quarantaine de clients pendant le printemps et l’été. Le menu, à la fois ancré dans la tradition et ouvert sur le monde, est conçu pour séduire à la fois les touristes et les habitués de la métropole. Des accras traditionnels haïtiens (beignets salés farcis) parsemés de pikliz (condiment haitien épicé), au goût des créations uniques comme la poutine au homard, les empanadas colombiennes au griot, ou encore le carpaccio de pieuvre italien, chaque plat est une invitation à voyager et à célébrer la diversité culinaire. Mais ce n’est pas tout : Kwizinn est aussi un lieu où la culture prend vie à travers la musique.

Des soirées musicales

Chaque jeudi soir, dès 18h, les « Soirées Jazz » résonnent sous les notes du groupe BlackBird, tandis que le dimanche, à la même heure, ce sont les mélodies du groupe Havana Mambo qui transforment le restaurant en une « Soirée Cubaine ». Kwizinn est donc une destination de choix pour les amateurs d’ambiance festive, offrant un rendez-vous incontournable pour ceux qui aiment allier gastronomie et culture caribéenne. Ma mère et moi avons d’ailleurs eu le plaisir de découvrir les créations uniques de Kwizinn, et chaque plat nous a conquises.

Dégustons!

Parmi la panoplie de plats que nous avons pu gouter, les « Crevettes giardiniera », grillées à la perfection, accompagnées d’une salade du chef et d’aubergines marinées, ont ouvert le bal avec fraîcheur et saveur. Ensuite, le « Plantain burger gourmand » nous a surprises et séduites : une galette de bœuf juteuse nichée entre deux bananes pesées (bananes plantain frites), relevée par une mayonnaise épicée, du pikliz et des croustilles maison. Enfin, impossible de ne pas goûter au « Griot du Chef Lafaille », ce classique haïtien à base de porc frit, accompagné de bananes pesées et de pikliz. Côté desserts, le « Tiramisu avec Kremas » (boisson haïtienne alcoolisée crémeuse à base de lait), fusion parfaite entre l’Italie et Haïti, et le « Chocolate mamba marble », un gâteau haïtien au beurre d’arachides et au chocolat épicé, ont su clôturer ce repas en beauté.

Pour vivre l’expérience Kwizinn, rendez-vous au 311, rue Saint-Paul Est à Montréal.

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Notre chez-nous terrien https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/notre-chez-nous-terrien/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56713 Voyage sur la Terre avec Julie Payette, astronaute canadienne.

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Le « chez-nous », peut prendre plusieurs échelles : sa maison, sa ville, sa province, son pays, sa culture ou même sa langue. Toutes ces échelles se confondent lorsqu’on considère un sentiment d’appartenance commun à tous : celui d’être humain, sur une même planète. Nous faut-il voyager dans l’espace pour nous sentir homo sapiens? Dans son livre publié en 1987, le philosophe Frank White met des mots sur l’expérience de voir notre planète de l’extérieur : « l’effet de surplomb. » Celui-ci, défini par le blog de l’Agence spatiale canadienne comme « une expérience intense qui mène à avoir une meilleure appréciation de la Terre et de son apparente fragilité » a été repris dans de nombreuses recherches. Le sentiment d’humilité et d’émerveillement qui en découle pourrait être un moyen de promouvoir des comportements pro-environnementaux. Le Délit s’est donc entretenu avec l’astronaute canadienne Julie Payette, qui a réalisé deux voyages en orbite autour de la Terre à bord de la Station spatiale internationale en 1999 et 2009.

Le Délit (LD) : Quelles sont les premières sensations que vous avez ressenties lors de vos premiers instants dans l’espace?

Julie Payette (JP) : Pendant le lancement, on est très occupé parce qu’on doit se rendre dans l’espace à bord d’une fusée, alors on ne regarde pas forcément la Terre défiler sous nos pieds. Mais lorsqu’on arrive là-haut, on porte son premier coup d’œil sur la surface de la Terre, à seulement 400 km de nous. C’est comme une bille de marbre sur fond d’infini. Une myriade de bleus, de blancs, de bruns, de verts. Depuis la Station spatiale internationale, on perçoit la Terre comme une courbe couverte d’une mince couche, comme une pelure d’oignon bleu qui représente son atmosphère. Depuis la Terre, le ciel nous paraît bleu lorsqu’il fait beau parce qu’on est à l’intérieur de cette petite bande bleue. Dès qu’on en sort avec un véhicule spatial, la vraie couleur du ciel dans tout l’Univers est le noir. Les étoiles ne scintillent pas, elles sont très claires, car leur lumière n’est pas brouillée par la couche de l’atmosphère. Puisqu’un tour de la Terre dure 90 minutes, on passe une partie en orbite de jour et une partie en orbite de nuit. C’est extraordinaire. On a déjà un attachement à la planète avant de partir mais il devient plus clair lorsqu’on revient sur Terre parce que c’est la seule planète que l’on connaît pour l’instant et le seul endroit où on peut vraiment vivre.

LD : Est-ce qu’il y a un sentiment d’irréalité quand on regarde la Terre depuis l’espace?

JP : La lumière qui émane de la Terre est fantastique. Dans les périodes d’orbite de nuit, on voit où est la vie, autant avec les volcans et les éclairs qu’avec les lumières des villes. J’ai eu la chance de voir les villes d’Europe s’illuminer lors de mon deuxième vol, alors que le crépuscule devenait nuit. La péninsule italienne est particulièrement repérable, grâce à sa forme de botte. On voyait les villes s’illuminer, d’abord Gênes, puis Rome, Naples, le sud de l’Italie, les côtes de la Méditerranée. Les villes se trouvent principalement sur les côtes, alors leurs lumières en dessinent les contours. On voit aussi les contrastes depuis l’espace. Par exemple, on peut voir le rouge de l’Etna, volcan reconnaissable grâce à la forme de botte de l’Italie. Cet immense spectacle à nos pieds qui change constamment et qui n’est jamais le même à chaque orbite témoigne que notre planète est vivante, et c’est très rassurant.

LD: À la suite de vos deux expéditions, qu’est-ce qui a changé dans votre rapport à la Terre?

JP : Les gens pensent que l’on en revient bouleversé, chamboulé, complètement changé. Moi, je vous dirais que ce n’est ni mon expérience, ni celle que j’ai pu entendre de mes collègues. On revient très fiers d’avoir participé à ces missions, d’avoir eu la chance d’explorer, d’aller dans l’espace, de travailler là-haut. On était déjà convaincu que la Terre était importante, car sa faune et sa flore en font le seul endroit où l’on peut vivre pour l’instant. On doit donc bien s’en occuper en prenant des décisions collectives parce que ni la Terre ni le climat et la biodiversité ne connaissent de frontières. On doit travailler ensemble pour maintenir les joyaux qu’elle nous procure et la chance qu’elle nous donne de vivre ici. Mais c’est une conviction qui était déjà là avant notre voyage dans l’espace.

C’est comme une bille de marbre sur fond d’infini. Une myriade de bleus, de blancs, de bruns, de verts.

LD : Est-ce que vous retrouvez ces sentiments d’émerveillement sur Terre?

JP : Tout à fait. C’est personnel, mais je m’extasie régulièrement devant la beauté de la nature. On vient de passer un automne formidable au Canada. C’est une féerie chaque année, surtout lorsqu’on monte dans le Nord, et qu’on voit cette forêt multicolore se dérouler sous nos yeux. Ce sont des sentiments que je retrouve quand je plonge le long de murs marins ou quand je me rends au sommet d’un pic de montagne. Il est facile, je crois, de s’émerveiller et d’avoir conscience que nous habitons un joyau.

LD : Vous avez photographié l’Est canadien depuis l’espace. Y avez-vous reconnu votre chez vous?

JP : Je me rappellerai toujours lorsque j’ai vu Montréal pour la première fois, il y a 25 ans, lors de mon premier vol. Ça m’a fait chaud au cœur parce que j’avais une deuxième montre sur mon bras qui était à l’heure de l’Est sur laquelle j’ai pu lire « 5h du matin ». Je savais que chacun était dans son lit en train de dormir. J’ai senti l’appartenance à ma communauté. En tant qu’astronautes, nous étions émerveillés de voir les sites de lancements de fusée depuis l’espace. Je me rappelle survoler celui des fusées russes, qui est au Kazakhstan. On a la même excitation lorsqu’on voit celui de Kennedy Space Center à Cap Canaveral, parce que c’est de là qu’on a été lancé et c’est là où l’on va revenir. C’est fou à dire, mais c’est comme une connexion personnelle. J’espère que de plus en plus de gens iront dans l’espace et qu’il y aura des poètes, des chanteurs, des artistes, des écrivains et des gens qui savent mettre des mots sur cette magnifique planète qu’on habite. de plus en plus de gens iront dans l’espace et qu’il y aura des poètes, des chanteurs, des artistes, des écrivains et des gens qui savent mettre des mots sur cette magnifique planète qu’on habite.

LD : Quelle est la chose la plus intéressante ou la plus surprenante que vous ayez apprise sur l’espace depuis que vous êtes devenue astronaute?

JP : Lors des deux dernières décennies, on a complètement réécrit les livres d’astronomie parce qu’on a découvert des choses incroyables. Lorsque Pluton a été découverte, on pensait que ce morceau là-bas, loin de l’orbite de Neptune, était la neuvième planète de notre système solaire. Plus nos instruments nous ont donné la capacité de voir plus loin et mieux, plus on s’est aperçu que Pluton n’était qu’un objet parmi des milliers d’autres similaires dans une ceinture d’astéroïdes, appelée Kuiper. On a dû enlever son étiquette de planète, car des milliers d’objets là-haut sont solides, terrestres, et il aurait alors fallu déclarer 1 500 planètes dans notre système solaire. Les découvertes en astronomie sont récentes, et révolutionnaires. On a découvert il y a seulement 30 ans qu’il y avait d’autres systèmes solaires, composés d’exoplanètes. On découvre de nouveaux systèmes solaires tous les jours. D’un autre côté, on peut photographier des galaxies autres que la nôtre mais on ne peut pas photographier la nôtre parce qu’on est dedans. Il y a beaucoup à apprendre sur qui nous sommes dans ce domaine.

Cet immense spectacle à nos pieds qui change constamment et qui n’est jamais le même à chaque orbite témoigne que notre planète est vivante, et c’est très rassurant.

LD : Est-ce que vous vous sentez minuscule parfois?

JP : Mais c’est ce que nous sommes. Nous sommes un grain de poussière dans cet immense Univers observable depuis nos télescopes, nos sondes et nos véhicules qu’on envoie. Mais on n’a rien vu, on n’est jamais allé sur une autre étoile, c’est beaucoup trop loin. L’espace est immense, on sait que l’Univers a environ 13,7 milliards d’années, donc on a du chemin à faire. Finalement, on est totalement minuscule, certains diraient « insignifiant ». J’utilise ce mot strictement lorsqu’on parle de comparer notre galaxie à tous les autres objets qui existent dans l’Univers. Si on compare notre système solaire à la quantité infinie d’autres systèmes solaires, on est en effet insignifiant. Mais lorsqu’on regarde toute la vie que permet un seul de ces soleils, le nôtre, sur Terre, en lui donnant de la lumière et donc de l’eau liquide, notre soleil n’est pas insignifiant du tout. Ce système a permis notre existence. La petitesse de notre présence dans l’Univers est une perspective de regard, plutôt que quelque chose d’inquiétant.

LD : Auriez-vous un moment particulier de votre mission qui vous a paru inoubliable à partager?

JP : Je vous dirais que l’arrivée à la Station spatiale internationale est impressionnante. Lors de mon premier vol, j’y suis allée à ses tout débuts, lorsque la station était aussi petite qu’un satellite. Deux modules seulement, personne à bord. Mais la deuxième fois, 10 ans plus tard, la station spatiale était presque en fin de construction et elle était de la grosseur d’un terrain de football avec tous ses panneaux solaires, six personnes à bord et différents modules. Un des moments forts de mon expédition a été notre arrimage, parce qu’on est une petite navette spatiale, avec sept personnes à bord, qui s’accroche à cette énorme infrastructure.

LD : Est-ce que vous avez participé à la construction du centre?

JP : Mes deux missions étaient des missions de construction. Lorsque je vais dans des écoles parler aux jeunes, je leur dis toujours que je suis un travailleur de la construction spatiale. J’étais opératrice de grues et de vaisseaux spatiaux. Je suis très fière de cette Station spatiale internationale. Là- haut dans l’espace, depuis bientôt 25 ans, des gens de différentes cultures travaillent ensemble tous les jours, sept jours par semaine, 24 heures par jour. On a des centres de contrôle aux États-Unis, à Moscou, en Europe, au Japon, et un petit centre de contrôle ici à Montréal pour le bras canadien. On entend rarement dire que ça va mal : les gens collaborent et travaillent ensemble pour faire avancer la connaissance.

LD : Si vous pouviez concevoir votre propre mission ou destination spatiale, où iriez-vous et que feriez-vous?

JP : Je serais très heureuse d’embarquer dans la prochaine mission Artemis II, qui l’année prochaine devrait décoller de la Terre pour faire le tour de la Lune en orbite. Ça va faire plus de 50 ans que nous ne sommes pas retournés si proches de la Lune avec des gens à bord. On a envoyé des sondes, mais personne n’y est retourné depuis 1972. Il y aura un Canadien à bord, Jeremy Hansen. La mission Artemis II a pour but de tester la capsule et les manœuvres pour se rendre aussi loin, et elle est un préalable à la mission Artemis III qui prévoit envoyer des astronautes marcher sur la Lune.

LD : Est-ce qu’on a des choses à chercher sur la Lune?

JP : La Lune est l’endroit où les humains ont été le plus loin. Lorsque vous voyez une photo où on voit la surface de la Lune et la Terre comme un petit point au loin, je dis que c’est la photo de tourisme la plus éloignée qu’on n’ait jamais prise. On a définitivement un intérêt à retourner sur le sol lunaire, entre autres près du pôle Sud de la Lune parce qu’on sait grâce à nos sondes qu’il y a possiblement de la glace dans les cratères au pôle Sud qui ne sont jamais exposés à la lumière du Soleil. Si cette glace est faite d’eau, elle pourrait nous fournir en H2O et en oxygène. On aimerait bien un jour, plusieurs pays ensemble, installer une base sur la Lune pour apprendre à vivre sur un astre inhospitalier, sans atmosphère, pour nous préparer un jour à faire la prochaine étape dans l’exploration humaine qui serait d’aller sur une autre planète. Mars est la prochaine destination. C’est compliqué parce que Mars n’est pas sur la même orbite que la Terre, ce qui fait que les deux planètes ne sont pas toujours alignées. Ce sera donc un long voyage de plusieurs années, qui serait rendu possible en se préparant d’abord avec une base lunaire. Artemis II va faire le tour de la Lune et revenir sur Terre, ce qui est une étape importante pour se rendre à l’objectif de créer cette base.

LD : Quelle serait la première chose que vous feriez si vous posiez le pied sur la Lune?

JP : Regarder si je peux apercevoir la Terre. J’imagine. Mais on ne la voit pas tout le temps. C’est comme nous, ici sur Terre, on ne voit pas toujours la Lune.

LD : C’est quoi, votre chez-vous?

JP : Je pense que j’ai beaucoup d’appartenances. J’ai des appartenances à ma ville, à mon pays, à mon continent, au fait que je fais partie des homo sapiens. Je dis souvent en rigolant que je suis une extraterrestre parce que j’ai eu la chance d’être à l’extérieur de la Terre pendant quelques jours, pendant mes deux missions. Mais je reste une habitante de la planète Terre. Je la partage avec des milliards de personnes.

L’astronaute n’omet pas qu’en 50 ans d’observation depuis l’espace, les effets de la pollution sont
rendus de plus en plus visibles. La grande majorité de ceux qui reviennent de leur un voyage à bord de la Station spatiale internationale deviennent porte-parole des effets dont ils ont témoigné : les déversements pétroliers, la fonte des glaciers, et l’érosion des berges. Bien que l’on puisse prendre des photos de l’espace depuis des satellites, « quand c’est un humain qui regarde et raconte, l’impact est souvent plus grand », conclut l’astronaute canadienne.

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Entre appartenance et culpabilité https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/entre-appartenance-et-culpabilite/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56703 Exister sur des terres volées.

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L’ « indigénéité » – traduction littérale du mot indigeneity (l’état d’être indigène, ou d’être relié à ce qui est indigène, tdlr) – occupe une place grandissante dans la sphère publique québécoise, où l’on discute de plus en plus d’enjeux liés au passé colonial de la province. Ce concept représente bien plus qu’une simple appartenance à un territoire, ou une simple occupation des terres. C’est un lien profond, ancestral, tissé entre un peuple et une terre, marqué dans ce cas- ci par une histoire de résistance face à la colonisation. Pourtant, au Québec, et plus précisément à Montréal (Tiohtiá:ke), ce n’est que très peu d’entre nous qui peuvent se considérer indigènes au territoire. Je ne le suis pas.

Franco-descendante, née ici, j’ai grandi avec l’amour du Québec et l’appréciation du multiculturalisme montréalais. J’attribue une grande part de l’adulte que je suis devenue à la chance que j’ai eue, enfant, de grandir ici. Cette terre a fondé mon identité, a bercé mes années et m’a offert une maison. Pourtant, elle ne m’appartient pas.

Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Il existe en moi un conflit constant, presque viscéral : d’un côté, un attachement à cette terre, ma terre de naissance, empreinte de cet esprit de « chez-soi » ; de l’autre, une culpabilité indéniable et grandissante, à l’idée que cette maison repose sur des terres qui n’appartiennent ni à moi, ni à mes ancêtres. Comme plusieurs Montréalais·e·s, je me heurte à ces sentiments, qui peuvent aux premiers abords sembler inconciliables : aimer l’endroit où l’on a grandi, avec tout ce qu’il représente de souvenirs et d’identité, tout en étant pleinement conscient·e de l’injustice historique qui a permis cet enracinement – une injustice qui continue d’avoir des répercussions sur les peuples autochtones aujourd’hui. Malgré tout, je vous l’assure, ces contradictions me tiraillent l’esprit au quotidien, et ce, encore plus depuis que j’étudie à McGill.

Faire la part des choses

Le Québec est pour moi bien plus qu’un simple lieu géographique, bien plus que là où j’ai grandi. Ce sont ses paysages, ses lacs et ses montagnes qui inspirent la sérénité et qui ont ponctué mes étés, une culture où la musique, la langue et les récits façonnent nos identités. J’ai grandi dans une ville où les bruits du métro, le froid qui pince les joues l’hiver et la renaissance que nous connaissons tous les printemps ont fait de cette province mon chez-moi… Mais à quel prix?

Cet amour pour le Québec est marqué par des paradoxes. La culture québécoise, à laquelle je tiens tant, est un produit de la colonisation, un résultat d’un long processus historique qui a graduellement effacé les voix des Premières Nations, faisant d’elles un simple murmure dont les politicien·ne·s d’aujourd’hui ne se soucient pratiquement pas. Notre langue, symbole de résistance à l’assimilation anglaise, a elle-même été imposée aux peuples autochtones à un coût dévastateur – celui de la perte quasi-totale de leurs propres langues. Comment être fière d’une identité qui, contre mon gré, est ancrée dans une histoire de domination et de marginalisation?

Plus j’en apprends sur l’histoire des Premières Nations – à noter que le curriculum enseigné dans les écoles primaires et secondaires québécoises serait à revoir, puisqu’il continue de peindre les peuples autochtones dans une représentation figée dans un passé lointain – plus je ressens le poids de mon rôle inconscient dans la marginalisation des communautés autochtones. Nos ancêtres ont arraché ces terres, décimé des communautés, abusé de l’autorité qu’ils·elles s’étaient eux·elles-mêmes attribué·e·s, et aujourd’hui encore, les séquelles du colonialisme persistent, omniprésentes : pauvreté, marginalisation, et oppression demeurent des réalités marquant le quotidien de nos Premières Nations. Nous, les Québécois·e·s aimons parler de notre propre oppression sous l’Empire britannique, mais nous oublions souvent que nous avons été, et sommes toujours, des colonisateur·rice·s sur ces terres.

Ce qui semble « impossible » est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Reconnaître sa responsabilité pour réconcilier

Ce poids historique ne doit pas nous paralyser, mais doit plutôt agir comme un agent de transformation. Reconnaître que notre présence ici repose sur des injustices passées est un premier pas, mais ce constat doit être accompagné par des actions concrètes. La décolonisation, bien qu’idéaliste pour certain·e·s, est pourtant une obligation morale. Redistribuer les terres justement, offrir des rétributions financières aux peuples touchés, et soutenir les initiatives menées par les communautés autochtones ne sont pas des gestes hors de l’ordinaire, mais des réparations nécessaires. Bien qu’il est ici question du Québec, c’est à travers le Canada tout entier que l’on doit continuer d’exercer une pression pour que les communautés autochtones cessent d’être traitées comme inférieures.

Dans d’autres contextes, comme celui de la Palestine, des figures comme Francesca Albanese, qui ont su capter l’attention sur les réseaux sociaux dans les dernières semaines, soutiennent que la restitution n’est pas une utopie, mais bien un impératif de justice. Pourquoi serait-ce différent ici? Les obstacles logistiques et politiques ne devraient pas excuser notre inaction. Ce qui semble impossible est souvent une construction sociale destinée à préserver le statu quo, et perpétuer la subjugation des communautés marginalisées au profit des communautés dominantes.

Au quotidien, des gestes simples peuvent aussi soutenir la réconciliation : s’éduquer sur l’histoire autochtone, remettre en question les récits dominants, privilégier les entreprises autochtones, et surtout, écouter. Dialoguer avec humilité et reconnaître que la décolonisation commence par nos choix, autant individuels que collectifs, est essentiel si on espère un jour bâtir une société québécoise réellement inclusive où tous·tes peuvent s’épanouir.

Partager son chez-soi?

Au fil du temps, j’ai appris que l’amour de son chez-soi ne devrait pas être aveugle. On peut chérir sa maison tout en reconnaissant les torts historiques qui la caractérisent. C’est une dualité difficile, mais nécessaire. Le vrai amour, après tout, implique d’affronter les vérités inconfortables, desquelles on aimerait détourner le regard, afin de chercher à réparer ce qui a été brisé.

Pour moi, réconcilier appartenance et culpabilité, c’est reconnaître que mon lien à cette terre n’effacera jamais celui des Premières Nations, et que ce dernier primera toujours sur les sentiments que je peux avoir à l’égard de ma terre de naissance, quels qu’ils soient. Cela implique non seulement de questionner mes privilèges, mais aussi de transformer ma gratitude pour ce territoire en un engagement actif pour un avenir plus juste.

Un « chez-soi » authentique ne peut exister que lorsque tout le monde y trouve sa place. Ce n’est qu’en bâtissant une société où chacun·e – et ce incluant les peuples autochtones – peut vivre avec dignité que nous pourrons aimer notre chez-nous sans honte. Un pas dans la bonne direction serait de commencer par arrêter de détourner les yeux de notre histoire, et au contraire, de la confronter. En tant que Québécoise, j’espère un jour voir un Québec réconcilié avec son passé, où la solidarité n’est pas une aspiration lointaine, mais une réalité. C’est un rêve, oui, mais un rêve qui peut devenir réalité si nous le portons ensemble, main dans la main.

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Rendez-vous en planète inconnue https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/rendez-vous-en-planete-inconnue/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56701 Peut-on envisager un futur « chez nous » dans l’espace?

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Ce lundi 18 novembre, The Exploration Company (TEC), société spatiale franco-allemande, a annoncé le montant du financement accordé au développement du service de transport cargo européen à destination de la Station Spatiale Internationale (SSI). La levée de fond de 150 millions d’euros est avant tout stratégique pour l’Europe, qui n’a pas de module lui permettant d’accéder à l’ISS en toute autonomie, contrairement à ses homologues américains, russes et chinois, qui disposent respectivement des capsules Dragon, Soyouz et Shenzhou. Le vaisseau spatial financé, nommé Nyx Earth, est supposé être opérationnel en 2028.

Une compétition spatiale modérément impactée

Avec ce projet, les Européens ont pour but de s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis des Américains, ce qui implique une certaine hausse de la compétition spatiale, notamment sur le marché des vaisseaux spatiaux. Cependant, cette menace pour les acteurs spatiaux est limitée, puisque comme l’affirme Upasana Dasgupta, professeure spécialisée dans le droit de l’espace et membre de l’Institut de droit aérien et spatial de McGill, l’Europe est moins efficace en ce qui concerne lesprisesdedécision:« Il y a un certain push and pull (pousser-tirer) qui se déroule entre les pays Européens, et certains disent que le marché Européen est très fragmenté. À moins que cette fragmentation disparaisse, ils ne peuvent pas concurrencer au même niveau que les Américains, (tdlr). »

De plus, les objectifs poursuivis par les puissances spatiales sont différents : « Le marché spatial Européen se concentre sur des activités très niches, notamment la durabilité spatiale », souligne Prof. Dasgupta. Les acteurs du projet Nyx Earth ont en effet pour but de concevoir un vaisseau spatial entièrement réutilisable, une mission en accord avec leurs activités tournées vers la protection environnementale spatiale. L’engin disposerait d’un bras articulé dont le but serait de nettoyer l’espace des débris qui l’encombrent actuellement.

Pour ces raisons, la « menace » européenne sur le marché spatial est faible : « les Européens ne peuvent pas grandir de manière exponentielle comme les États-Unis », affirme Prof. Dasgupta. « Ils en ont les capacités et le talent, mais ils n’ont pas l’argent ni l’efficacité. »

Une exploration critiquée et risquée

Encourager la compétition spatiale reste sujet aux débats, notamment en ce qui concerne la question des débris spatiaux : « Depuis que Spoutnik est allé dans l’espace, les pays ont négligemment laissé les parties des fusées dans la “litière” spatiale », explique Prof. Dasgupta. « Si on laisse de tels débris, ils vont entrer en collision et créer davantage de débris qui ont plus de chances de toucher des objets spatiaux opérationnels et les rendre inutilisables. »

L’absence de précisions dans les traités internationaux, qui sont les principaux régulateurs des activités spatiales, s’ajoute au problème. Le Traité de l’Espace, qui réunit plus de 112 signataires, définit la plupart des lois concernant la gouvernance spatiale sur les corps célestes, comme la Lune, mais reste vague en ce qui concerne le reste de l’espace. Prof. Dasgupta souligne notamment l’ambiguïté de l’Article 4 : « Il explique que l’on ne peut pas placer des armes conventionnelles sur la Lune et tous les autres corps célestes. Mais l’article ne dit rien à propos du reste de l’espace, et certains pays ont donc testé leurs armes pour détruire les satellites défaillants, ce qui crée des débris. »

Il y a des guerres en 2024, on se bat encore pour des territoires, donc comment peut-on être prêt pour réunir l’humanité dans cette aventure unificatrice?

En ce qui concerne l’exploration sur Mars, Dr Richard Léveillé, professeur associé au Département des sciences de la Terre et des planètes de McGill, explique que l’exploration d’une potentielle zone habitable par un engin terrestre entraînerait des risques de contamination : « Certaines régions sont considérées spéciales parce que ce sont des endroits qui pourraient contenir de la glace ou de l’eau souterraine, donc qui pourraient peut-être aujourd’hui supporter la vie. On sait que c’est presque impossible de stériliser une fusée, donc la réglementation dit que pour le moment, on ne va pas dans ces régions-là, tant qu’on ne peut pas être plus certain qu’on ne va pas contaminer les potentielles traces de vie. »

De plus, Prof. Dasgupta affirme qu’il y a un certain devoir de l’humanité à apprendre de ses erreurs passées, notamment la colonisation des territoires, qu’il y ait présence de vie ou non : « la colonisation en ce sens est différente de celle perpétrée par les Européens sur Terre, puisqu’il y a des chances que nous ne trouvions aucun être-vivant dans l’espace. Mais cela veut-il dire que nous avons le droit de changer cet environnement et d’estimer que tout est à notre disposition pour le coloniser? »

Coopérer dans un contexte incertain et instable

Sur le plan scientifique, les explorations récentes sur Mars donnent des résultats peu conclusifs quant à la probabilité que la vie ait déjà été présente : « Il faut faire la différence entre possibilité de vie existante ou de vie ancienne, ce sont deux questions assez différentes », explique Dr Léveillé. « On sait que Mars aujourd’hui est très peu propice à la vie ; au niveau des conditions qui existent en ce moment, il n’y a pas vraiment d’eau liquide à la surface, il fait très froid et sec, mais on sait que dans le passé il y avait des lacs. C’était une planète différente qui aurait pu abriter la vie, mais le fait de trouver des traces d’eau ne démontre pas forcément qu’il y ait pu avoir de la vie ». Quant aux missions destinées à explorer des corps célestes probablement capables d’accueillir la vie existante, elles restent confrontées à des limites technologiques : « Pour ce qui est de la vie actuelle, peut-être qu’il y a d’autres endroits comme Europe ou Encelade, des lunes avec des océans sous la glace, qui pourraient être peut-être plus propices à la vie », affirme Dr Léveillé. « Sauf qu’on en connaît encore moins sur ces endroits parce qu’ils sont plus loin. »

De plus, la situation géopolitique actuelle crée des doutes concernant la possibilité future de parvenir à une collaboration internationale : « Nous vivons dans une période très conflictuelle avec beaucoup de polarisation », déplore Dr Léveillé. « Il y a des guerres en 2024, on se bat encore pour des territoires, donc comment peut-on être prêt pour réunir l’humanité dans cette aventure unificatrice? Je garde espoir, mais nous ne sommes peut-être pas prêts. »

Cependant, l’existence de la station spatiale internationale rappelle, selon Prof. Dasgupta, que la coopération scientifique et les tensions diplomatiques ne sont pas incompatibles : « Il existe évidemment des différences idéologiques entre les pays, mais même avec cela, la SSI existe. Elle existe au moment où nous parlons, alors qu’il y a la guerre en Ukraine, et pourtant, la Russie et les États-Unis collaborent ensemble dans la station. »

Bien que L’ISS représente un espoir de coopération spatiale, son arrêt définitif est prévu par la NASA d’ici 2031, notamment en raison de son obsolescence et des coûts élevés liés à sa maintenance. Il reste donc à déterminer si un régime de gouvernance internationale peut réellement être défini et accepté par tous, puisque la collaboration semble inévitable, si l’Humanité veut accomplir une nouvelle fois un projet d’une telle envergure.

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Pourquoi : Chez nous https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/pourquoi-chez-nous/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56690 Le semestre touche à sa fin et pour nombreux d’entre nous à McGill, il est enfin temps de retrouver nos amis proches, notre famille et notre foyer. En tant qu’étudiants qui se sentent parfois coincés entre deux villes, deux provinces ou même deux continents, nous nous demandons souvent : qu’est-ce qu’être à la maison? Où… Lire la suite »Pourquoi : Chez nous

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Le semestre touche à sa fin et pour nombreux d’entre nous à McGill, il est enfin temps de retrouver nos amis proches, notre famille et notre foyer. En tant qu’étudiants qui se sentent parfois coincés entre deux villes, deux provinces ou même deux continents, nous nous demandons souvent : qu’est-ce qu’être à la maison? Où nous sentons-nous chez nous? S’agit-il de souvenirs de famille ou d’enfance? Est-ce un lieu ou une communauté? Pour notre dernière édition de l’année, The Daily et Le Délit vous proposent donc une édition commune sur le thème Chez nous, ou Home en anglais.

Traduire le mot « Home » en français sans perdre son caractère réconfortant et chaleureux n’a pas été une mince affaire. « Home » est un terme complexe qui a de multiples significations et qualités aux yeux de chaque individu ; cela en fait un thème riche à explorer dans le cadre de ce numéro spécial.

En français, nous avons pris la décision de traduire « Home » en « Chez nous » plutôt que « Chez soi ». Afin de rejeter une connotation d’individualité, nous avons volontairement remplacé le pronom « soi » par « nous », car nous pensons qu’un « chez-nous », aussi personnel soit-il, est quelque chose de partagé, qui se construit en communauté. Le « chez nous », souvent considéré comme un lieu physique, peut également être une communauté à laquelle on s’identifie, un groupe de personnes dont les valeurs nous correspondent, ou même un passe-temps qui nous rend profondément heureux. Peu importe ce que l’on considère comme un « chez-nous » ; tangible ou non, il s’agit d’un espace de confort, où chacun peut se retrouver. Ce « safe place » (espace sûr, tdlr), dans lequel vous pouvez être pleinement qui vous êtes, peut également être considéré à une échelle plus large. La société à laquelle nous appartenons, aussi imparfaite soit-elle, est, d’une certaine manière, notre « maison », notre « chez nous ». À travers ces 24 pages, nous nous interrogeons donc sur la signification du mot « home » et tentons de répondre à la question « qu’est ce que le chez-nous? »

Bien que tout le monde mérite un chez-soi sûr, nous reconnaissons que c’est aujourd’hui loin d’être le cas. Dans le monde, 120 millions de personnes sont forcées de quitter leur foyer en raison de conflits, de violences, de génocides et de catastrophes climatiques. Parallèlement, le sentiment anti-immigration grandit partout en Europe et en Amérique du Nord. Avec l’élection récente de Donald Trump, de nombreuses personnes qui se considèrent chez eux aux États-Unis depuis des années sont désormais confrontées à une menace accrue d’être expulsées vers un endroit totalement inconnu. Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a récemment annoncé une réduction du nombre d’immigrants entrant au pays. Le Québec a également suspendu deux voies majeures vers la résidence permanente. Ces mesures empêcheront d’innombrables personnes de trouver un logement et de poursuivre une vie meilleure au Canada.

Il est essentiel de reconnaître que le Canada, où beaucoup d’entre nous ont trouvé un foyer, est construit sur le génocide et le déplacement des peuples autochtones par les colonisateurs européens et l’État canadien. L’Université McGill est également complice. Pas plus tard que la semaine dernière, un groupe de femmes Kanien’kehà:ka se sont rassemblées pour planter un pin blanc, symbole de paix pour le peuple Haudenosaunee, sur le lower field de McGill, situé sur des terres Kanien’kehà:ka non cédées. Les organisateurs voulaient partager les enseignements Kanien’kehà:ka sur la paix avec les peuples autochtones et non-autochtones vivant sur cette terre. La plaque de bois à côté du jeune arbre indiquait que « cet arbre de la paix est un symbole de la solidarité du peuple Kanien’kehá:ka entre les étudiants de McGill et de Concordia qui ont établi un campement pacifique ici en 2024 au nom de la justice pour la Palestine et tous les peuples de notre planète (tldr) ». Le lendemain matin, McGill a confirmé au Daily que l’Université avait retiré l’arbre.

Du Petit Portugal au Quartier chinois en passant par le Village, Montréal est une plaque tournante pour diverses communautés, diasporas et cultures. À notre époque, se retrouver en communauté est plus important que jamais. En tant qu’étudiants, nous impliquer ainsi nous permet de jouer un rôle majeur dans l’évolution de notre chez-nous vers le monde dans lequel nous voulons vivre. En même temps, nous devons faire preuve de solidarité avec les personnes du monde entier qui se voient refuser leurs droits et lutter pour l’avenir de nos semblables et de notre planète. C’est notre « home », notre « chez-nous », et nous n’en aurons pas d’autre.

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Solidarité sans logement https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/solidarite-sans-logement/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56685 Un point sur l’itinérance à Montréal avant l’arrivée de l’hiver.

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Le 18 novembre, un avis d’éviction a été envoyé à quelques individus logeant dans un campement de sans-abris de la rue Notre-Dame, dans le quartier d’Hochelaga. Le jeudi suivant, le ministère des Transports devait procéder au démantèlement d’une partie du campement, une décision déplorée par certains, compte tenu du manque de place dans les refuges de la ville, particulièrement en hiver.

À la suite de l’appel de la mairesse, Valérie Plante, la ville de Montréal a mis à jour son plan hivernal pour les personnes itinérantes. Ce plan inclut la création de comités d’aide et l’établissement de centres d’hébergement temporaires, ainsi que la distribution de 500 000$ aux organismes de la ville offrant du soutien et des services aux personnes en situation d’itinérance. Malgré ces mesures, les défis auxquels se heurtent les itinérants de la ville restent importants. Un recensement datant de 2022 révèle que Montréal compte plus de 4 500 sans-abris, mais malgré les infrastructures d’hébergement de la ville, près de 1 000 personnes dorment dans l’espace public chaque nuit. Avec des risques particulièrement élevés durant les mois d’hiver et des ressources insuffisantes, comprendre et réparer les failles du système de bien-être social est essentiel.

Ce sont des gens très seuls qui ont besoin d’accompagnement. Cette solidarité ne remplace pas le sentiment d’un vrai chez- soi.

Communauté et logement

Le Délit a discuté avec Matthieu*, qui est en situation d’itinérance à Montréal depuis près de quatre ans. Après s’être fait licencié et avoir quitté Chicoutimi pour trouver un emploi à Montréal, il s’est retrouvé à la rue. « J’ai pas trouvé [d’emploi, ndlr] à temps. Au début, je dormais chez des gens que je connaissais, mais ça n’a pas duré. Je ne parle plus à ma famille, donc je ne peux pas rentrer, mais je suis mieux dans une grande ville comme Montréal qu’ailleurs. » Plusieurs se rendent vers les centres urbains de la province en espérant trouver un emploi, ou encore pour avoir accès à des services sociaux plus développés.

En parallèle, un processus d’aliénation et d’isolement s’installe progressivement, affirme Emma Cyr, étudiante à la maîtrise en travail social et intervenante dans une clinique pour les personnes ayant des problèmes de dépendance – une population dont la majorité se trouve en situation d’itinérance. Selon elle, « certains se retrouvent dans la rue par concours de circonstances, ils commencent à consommer [de la drogue, ndlr], et sans téléphone, ils perdent la connexion avec leurs proches. Ils finissent par vouloir avoir assez d’argent pour continuer à consommer, ce qui fait souvent en sorte qu’ils se retournent contre leur propre famille, et deviennent très isolés ».

Emma constate la présence d’une communauté solidaire entre les personnes en situation d’itinérance, mais clarifie que « ce sont des gens très seuls qui ont besoin d’accompagnement. Cette solidarité ne remplace pas le sentiment d’un vrai chez-soi. Ils veulent une communauté qui n’est pas juste entre personnes itinérantes, cette communauté là n’est pas suffisante. Elle ne comble pas les besoins fondamentaux ».

Malheureusement, ces besoins restent inaccessibles pour beaucoup. Les temps d’attente pour l’obtention de logements à loyer modique à Montréal varient, mais en fonction des circonstances individuelles, ils peuvent aller jusqu’à plusieurs années. La crise du logement dans les grandes villes a exacerbé cette pénurie de logements accessibles, et Emma explique avoir dû annoncer à plusieurs personnes qu’ils auraient à attendre près de 10 ans pour y accéder : « Quand j’ajoute des gens à la liste pour accéder à ces logements [subventionnés, ndlr] je suis dans l’obligation de leur déclarer le temps d’attente. Ces gens survivent au jour le jour, ils sont découragés d’entendre qu’ils devront attendre aussi longtemps. »

L’hiver à l’approche

L’arrivée de l’hiver est redoutée par beaucoup, et la pression sur les services de logement et d’aides aux personnes sans-abri augmente. Matthieu explique certains des problèmes présentés par les refuges : « Il y a pas mal d’endroits qui ne te permettent pas de rentrer avec tes affaires, mais pour moi, au début, mes affaires c’est tout ce que j’avais. C’était mes vêtements, mes chaussures, les choses que j’avais amenées avec moi. J’avais rien d’autre, je pouvais pas m’en débarrasser, alors je dormais dans la rue. Mais quand l’hiver s’en est arrivé, je n’avais plus vraiment le choix, il faisait trop froid pour rester dehors. » En effet, certains refuges interdisent à ceux qui les fréquentent d’y rentrer avec des biens personnels, généralement pour des questions sanitaires. Cependant, ces critères d’admissibilité empêchent plusieurs personnes d’avoir accès aux logements d’urgence de la ville, d’autant plus que posséder des biens matériaux est un défi en soi. Matthieu raconte s’être fait voler certains de ses biens, et conclut que « le moins de choses t’as, le moins t’es ciblé ».

Le manque de ressources et de financement peut être tenu responsable de l’insuffisance des services, surtout l’hiver. Matthieu raconte lui-même avoir des difficultés d’accès à ces services : « des fois, il y a des refuges qui ont de la place et des fois ils n’en ont pas. Quand j’ai assez de sous, je fais la file pendant longtemps pour m’assurer d’avoir une place, mais j’arrive pas tout le temps. Il n’y a pas la place pour tout le monde, donc il y a des périodes où je dors dehors. »

Il n’y a pas d’argent pour la création de logements à loyer modique, et quand les personnes en situation d’itinérance finissent par avoir un logement, il faut qu’elles continuent d’être accompagnées.

« Quand il commence à faire froid, ça se sent dans les organismes », explique Emma. « Autour du mois de novembre, des centres de répit ouvrent dans des églises, des centres communautaires, et des arénas, mais ce n’est pas tout le temps des endroits pour dormir, » poursuit-elle. Beaucoup de ces refuges sont des logements à court-terme, et n’offrent finalement pas de solution permanente.

Un secteur sous-financé

Plus tôt cet automne, Québec a alloué 4,2 millions de dollars pour lutter contre l’itinérance à Montréal, une somme visant spécifiquement à gérer des profils plus complexes. Malgré cela, plusieurs acteurs dans le secteur communautaire déplorent les subventions insuffisantes de la part du gouvernement. Selon Emma, le financement manque à tous les niveaux : « Il n’y a pas d’argent pour la création de logements à loyer modique, et quand les personnes en situation d’itinérance finissent par avoir un logement, il faut qu’elles continuent d’être accompagnées. Ce n’est pas juste avoir un logement, c’est être capable de le garder. C’est facile d’oublier de payer son loyer, ou de laisser d’autres gens rentrer. »

Cet accompagnement social, explique-t-elle, est sous-financé. Les salaires bas et les conditions de travail difficiles des intervenants et des travailleurs sociaux y sont pour beaucoup. « Il y a tellement de retournement d’employés, c’est difficile de garder des gens dans ce milieu-là. C’est un secteur qui ne reçoit pas beaucoup d’attention dans le domaine politique, » conclut-elle.

*Nom fictif

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Le Forum LAB7 des 7 Doigts https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/le-forum-lab7-des-7-doigts/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56677 La technologie a-t-elle sa place chez les arts vivants?

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Le 7 novembre dernier, le collectif de créateur·ice·s de cirque contemporain Les 7 Doigts, originaire de Montréal, a présenté sa deuxième édition du Forum LAB7. Cette journée était consacrée aux échanges professionnels sur le sujet de l’interdisciplinarité entre art vivant et technologie. A‑t-on de la difficulté à percevoir la technologie comme de l’art? Quels sont les défis d’une telle interdisciplinarité? C’est entre autres à ces questions que les discussions se sont attardées, à travers une série de cinq présentations et panels entrecoupés de périodes de réseautage et de démonstrations artistiques.

Obsolescence programmée

L’intérêt de l’utilisation des technologies dans les arts vivants se limite-t-il à la nouveauté? Et une fois qu’elles sont remplacées, est-ce que l’œuvre perd son sens? En réponse à cette question, Laurence Dauphinais, créatrice multidisciplinaire, a décrit les difficultés que rencontrent ces types de projets à trouver leur place. D’une part, le milieu du théâtre ne cherche pas à tout prix l’innovation, et d’autre part, puisque les productions ne reposent pas sur des technologies de pointe, elles ne s’adressent pas non plus au public des arts numériques. Sandra Rodriguez, artiste, chercheuse, directrice de création, productrice et chargée de cours XR+AI au Massachusetts Institute of Technology, ajoute que ces enjeux sont une réalité des arts vivants, mais aussi de plusieurs autres milieux culturels. Pía Balthazar, directrice du développement arts-sciences de la Société des arts technologiques, poursuit en clarifiant que « ce qui compte, ce n’est pas tellement qu’elle [la technologie, ndlr] soit nouvelle, mais que son utilisation corresponde à ce qu’on a besoin d’exprimer ».

C’est dans la relation que le créateur bâtit entre l’utilisation de la technologie et le public que réside la valeur de celle-ci. Isabelle Van Grimde, chorégraphe, fondatrice et directrice artistique de Van Grimde Corps Secrets, conclut en répondant que « c’est important qu’en tant qu’artistes, nous ne devenions pas des vecteurs de démonstration des nouvelles technologies. Elles doivent être au service de notre art, et non l’inverse ». Les arts vivants tirent leur valeur de la performance humaine, en repoussant les limites du corps et de l’espace, devant un public qui s’y reconnaît autant qu’il s’y découvre.

Démonstrations artistiques

Pour conclure la journée, sept numéros ont dévoilé une partie du travail réalisé au LAB7, un laboratoire d’exploration, combinant innovation technologique et performance humaine. Samuel Tétreault, cofondateur et directeur artistique des 7 Doigts et du laboratoire, orchestrait le tout. Les numéros ont été réalisés à l’aide d’un stagiaire programmeur et de quatre artistes finissants de l’École nationale de cirque, qui participaient à la recherche.

Les numéros, courts et improvisés, sont une étape préliminaire d’un projet prévu pour 2025. Alors que les artistes bougent dans l’espace, une caméra de suivi du corps (body tracking) capte leur silhouette, à une vitesse de quatre à dix images par seconde. Une requête faite à une intelligence artificielle générative détermine le contenu des vidéos projetées et la manière dont la silhouette de l’artiste y est intégrée. Je n’avais pas anticipé d’être touchée comme je l’ai été par l’interaction presque symbiotique entre humain et technologie. La vision sensible des 7 Doigts a transformé une simple ébauche en un véritable récit, où la technologie trouvait sa juste place.

Grâce aux artistes qui interrogent tout et transforment ensuite ces réflexions en créations, des innovations émergent. Un logiciel développé dans le cadre d’un petit projet créatif ayant des contraintes spécifiques peut par la suite être réutilisé dans un grand projet d’entreprise technologique. Il y a beaucoup à gagner de cette interdisciplinarité, qui mérite d’être davantage encouragée.

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Comment représenter la crise climatique? https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/comment-representer-la-crise-climatique/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56673 Entrevue avec le bédéiste Martin Patenaude-Monette.

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Si les requins ont si mauvaise réputation dans la culture populaire, c’est en partie à cause de la représentation qu’en ont fait à l’écran des films comme Les Dents de la mer de Spielberg. L’image de monstres terrifiants qui leur a été attribuée a suscité un manque d’empathie et de protection pour cette espèce pourtant menacée. Que ce soit à travers le cinéma, la photographie, le dessin de presse ou de bande dessinée, les images façonnent notre manière de percevoir le monde qui nous entoure et orientent nos opinions. Ainsi, ceux qui véhiculent de l’information et des messages à travers les images, qu’elles soient sous forme artistique, médiatique ou de propagande politique, ont un pouvoir d’influence incommensurable. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, nous consommons des images en lien avec le changement climatique toujours plus effroyables : l’embrasement des forêts canadiennes, les ravages causés par les ouragans aux États-Unis, et plus récemment les inondations meurtrières en Espagne. Mais comment représenter la crise climatique sans provoquer le désarroi?

J’aime vraiment le fait de raconter des histoires en images.

Martin Patenaude-Monette

Le Délit s’est entretenu avec l’illustrateur québécois Martin Patenaude-Monette qui a publié cette année une nouvelle bande dessinée intitulée Un sacrifice tout naturel. Au cours de cette rencontre, l’illustrateur et biologiste nous a parlé des avantages de la bande dessinée et de ses choix dans la manière de représenter les questions environnementales par ce médium.

Pourquoi la bande dessinée?

La particularité de la bande dessinée, contrairement à d’autres médiums visuels ou textuels, est qu’elle s’immisce dans une sphère intime. Elle se lit en vacances sur la plage ou lors d’une pause, pour occuper son temps libre. Dans Un sacrifice tout naturel, Martin PM (son nom de plume) a cherché à être au plus proche de ses lecteurs, en suivant et documentant le combat administratif de citoyens à l’encontre des projets de chantiers dans le Sud du Québec. Parmi ceux-ci, on retrouve entre autres un projet d’écoquartier menaçant la forêt du Lac Jérôme et la construction d’un lotissement à Notre-Dame-de‑l’Île-Perrot, dans le secteur du boisé Saint-Alexis. Le bédéiste permet de rendre les questions environnementales plus concrètes à ses lecteurs, en s’intéressant à ces grands dossiers qui affectent directement leur quotidien.

« J’aime vraiment le fait de raconter des histoires en images », nous confie l’illustrateur. Dans son enfance, Martin PM aimait réaliser des montages vidéos et il retrouve le même plaisir de l’assemblage de scènes dans le dessin de vignettes de bande dessinée. Dans les deux cas, il explique qu’il s’agit de « prendre des segments qu’on met bout à bout, qui créent des enchaînements, tant dans la narration que dans le mouvement ». Cela permet de « plonger le lecteur et de le transporter facilement dans le lieu ». Toutefois, la bande dessinée a ses avantages propres. Contrairement au cinéma, l’équipement est très léger, il suffit d’un carnet et d’un crayon. « On peut reproduire visuellement beaucoup de scènes du passé ou des endroits où on n’a même pas été à partir d’informations », témoigne Martin PM, « mais avec des moyens hyper accessibles et de manière beaucoup plus facile ». D’ailleurs, un dessinateur est nettement moins intimidant qu’un réalisateur doté d’une armée de caméramans, ce qui lui permet d’approcher plus facilement les habitants des lieux dont il souhaite raconter l’histoire. Enfin, la principale différence avec un film ou un documentaire, dans lesquels les images deviennent parfois accessoires et servent de support à la narration, c’est « la complémentarité entre le texte et l’image » qui est fondamentale dans la bande dessinée. Elle permet « une danse entre le texte et l’image », car certaines choses sont plus faciles à représenter par l’image que par le texte.

Il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre la représentation d’une réalité préoccupante et les messages d’espoir.

Vulgariser pour mieux éduquer

Il est difficile de ranger l’œuvre de Martin PM dans une catégorie fixe. Est-ce une enquête citoyenne? Du journalisme militant? L’illustrateur lui-même est incapable de le dire : « je considère que mon travail est relativement rigoureux et repose sur des documents, des faits, et des entrevues que j’ai menées », déclaret-il. Son ouvrage est une bande dessinée documentaire qui a pour but principal « d’informer en critiquant et en alertant ». Son rôle est ainsi pédagogique. Dans chaque grand dossier qu’il a suivi, Martin a constaté le manque de connaissance du public quant au mode de délivrance des autorisations environnementales pour les projets de développement. C’est le ministère de l’environnement qui a le pouvoir d’approuver ou non les demandes de nouveaux chantiers, qu’il refuse rarement. Comprendre la procédure juridique est crucial pour pouvoir bloquer un projet qui met en danger un milieu naturel. De la même manière, il s’est rendu compte des lacunes gouvernementales en matière de compréhension des mécanismes de protection de la biodiversité et des écosystèmes. Un sacrifice tout naturel cherche à combler ce manque d’éducation et à faire le lien entre les différentes sphères citoyenne, scientifique et politique.

Bien souvent, il s’agit simplement d’un problème de communication, qui nous empêche de nous comprendre. Afin de devenir ce pont pour la connaissance, l’enjeu de la représentation devient crucial. Comment rendre l’information accessible et intéressante pour tous?

Traiter des questions environnementales dans une bande dessinée demande un travail important de vulgarisation. Parce que la crise climatique est un problème complexe mêlant enjeux politiques, économiques, sociaux, et scientifiques, il n’existe pas de solution unique, ce qui peut souvent sembler décourageant. Le rôle du vulgarisateur est de simplifier l’information pour que le plus grand nombre y soit réceptif. « Quand tu fais de la vulgarisation, tu ne veux pas perdre les gens dans tous les détails. Mais en même temps, je ne voulais pas rester trop en superficie », nous expliquet-il. Pour atteindre le public le plus large possible, il agrémente le récit de multiples anecdotes qui exposent des cas concrets et permettent « d’humaniser le sujet, et de rejoindre les gens ». L’usage de la satire apporte une « petite touche d’humour qui peut aider à canaliser un peu la frustration de l’auteur et peut-être des lecteurs et des lectrices [vis à vis du manque d’action gouvernementale dans la protection de l’environnement, ndlr] », précise Martin PM.

Trouver le juste équilibre

Dans la représentation artistique comme pour la communication médiatique, il n’est pas toujours facile de parler de l’environnement sans adopter un ton alarmiste et évoquer les nouvelles négatives liées aux ravages causés par le changement climatique. Toutefois, il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre la représentation d’une réalité préoccupante et les messages d’espoir. Si les deux approches sont primordiales pour susciter une prise de conscience et le partage de l’information, l’une ne doit pas déborder sur l’autre. L’espoir motive à agir contrairement à l’absence de perspective future et le sentiment de fatalité inspiré par trop de pessimisme. De même, l’excès de positivité et la certitude d’une issue heureuse peuvent aussi conduire à la passivité et faire oublier la notion d’urgence. Trouver la juste nuance a été la mission que s’est donnée la section Environnement au cours de cette dernière année en intégrant pistes de solutions à mettre en place au quotidien, bonnes nouvelles environnementales et réflexions sur des sujets complexes nécessitant plus de détails et de profondeur.

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Ententes pour la francophonie https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/ententes-pour-la-francophonie/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56667 Les frais réduits au Québec trahissent-ils un désir de ne sélectionner que les « bons » francophones?

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Peuplé de huit millions de francophones, le Québec se présente aujourd’hui comme le bastion de la francophonie en Amérique du Nord, notamment à travers ses politiques de promotion du patrimoine linguistique. Cultivant son image de province accueillante, le Québec offre une tarification préférentielle pour les études supérieures aux francophones, mais seulement aux étudiants originaires de France et de la communauté francophone de Belgique.

Au cours des cinq dernières années, 865 millions de dollars (soit en moyenne 173 millions de dollars par an) ont été alloués aux étudiants français inscrits dans les universités et cégeps du Québec sous forme de subventions. Ces fonds permettent aux étudiants de premier cycle de payer des frais de scolarité environ deux fois moins élevés que ceux imposés aux autres étudiants internationaux, et même inférieurs à ceux des Canadiens non-résidents du Québec, en raison des récentes augmentations tarifaires les visant. Pour les cycles supérieurs, l’écart est encore plus marqué : lorsqu’ils sont inscrits en maîtrise ou au doctorat, les étudiants français et belges paient les mêmes frais que les résidents québécois, un privilège qui n’est pas même accordé aux Canadiens nonrésidents du Québec.

Cet effort financier a indéniablement fait croître la présence d’étudiants français et belges — et par extension, celle de la francophonie — dans les institutions universitaires québécoises, les intégrant comme des partenaires clés du projet linguistique de la province. Cependant, il soulève des questions sur l’inclusion, l’équité ou encore le sentiment d’appartenance qu’il induit. Qui peut vraiment se sentir chez soi au Québec? Et que révèle cette générosité sélective sur la vision québécoise de la francophonie?

Vers une francophonie à tout prix

Au Québec, les frais de scolarité dépassent la question financière : ils dessinent une frontière nette entre ceux auxquels on permet de s’intégrer et ceux qui sont forcés à rester en marge. Les résidents du Québec, qui bénéficient des tarifs les plus bas, incarnent le cœur battant de la province. Les Canadiens non résidents deviennent quant à eux déjà des « presque-étrangers » en étant sommés de payer des frais deux fois plus élevés que les résidents de la province. L’addition reste considérablement inférieure à celle imposée aux étudiants internationaux, qui se voient ainsi relégués au statut d’appartenance le plus limité.

Cette instrumentalisation de la francophonie comme outil de sélection compromet néanmoins la possibilité pour le Québec de porter le projet d’une francophonie universelle, éclipsant la solidarité linguistique qui la caractérise au profit d’un pragmatisme économique.

La préférence tarifaire accordée aux étudiants français et belges, au-delà de constituer une anomalie chez les étudiants internationaux, agit comme un rapprochement symbolique avec les résidents québécois. Elle les invite à se sentir chez eux, à la différence des autres étudiants francophones et des Canadiens originaires d’autres provinces. En favorisant des étrangers plutôt que leurs concitoyens anglophones ou francophones d’ailleurs au Canada, le projet de la francophonie du Québec réaffirme une distinction identitaire qui transcende alors le cadre national et valorise davantage le partage de la langue que celui de la nationalité.

Ce projet de retrouvailles et d’accueil par l’idiome répond toutefois à une logique sélective qui privilégie certaines nations, plutôt que de faire du Québec un espace universel de connexion pour les francophones des quatre coins du monde. Ainsi, les étudiants français et belges, issus de pays plus riches et dotés d’institutions académiques prestigieuses, bénéficient d’un accueil chaleureux dans les établissements universitaires, qui deviennent le lieu tangible de leurs privilèges et de leur appartenance. Les étudiants francophones d’Afrique et du Moyen-Orient, malgré leur contribution à la vitalité de la langue française, se heurtent quant à eux à des barrières économiques et symboliques qui les marginalisent dans ce projet de francophonie à deux vitesses.

Une francophonie conditionnelle : entre privilège et exclusion

Ces politiques soulèvent des interrogations légitimes quant à la hiérarchie culturelle implicite qu’elles révèlent. Les nations perçues comme « compatibles » — riches, blanches et européennes — sont favorisées au détriment des pays du Sud. Bien qu’il existe des accords avec des États comme la Tunisie, Djibouti et la République démocratique du Congo, où le français est parlé respectivement par 52,47%, 50% et 51,37% de la population, ces partenariats restent largement symboliques. Ils profitent seulement à une poignée d’étudiants — souvent moins d’une douzaine par pays chaque année. En comparaison, des milliers d’étudiants français et belges bénéficient de ces ententes à la seule échelle de McGill.

Ce déséquilibre entre les nations du Nord et du Sud n’est pas anodin. Il reflète une logique utilitariste dont les accords sont conclus exclusivement avec des nations présentant des intérêts économiques stratégiques pour le Québec. En faisant de la maîtrise du français un critère d’immigration, ces politiques sélectionnent une population étudiante alignée avec ces mêmes intérêts. Cette instrumentalisation de la francophonie comme outil de sélection compromet néanmoins la possibilité pour le Québec de porter le projet d’une francophonie universelle, éclipsant la solidarité linguistique qui la caractérise au profit d’un pragmatisme économique.

L’exemple de l’entente avec la Belgique, qui ne repose pas sur un lien historique particulier avec le Québec, illustre bien ce privilège accordé aux pays du Nord et la dissonance du projet québécois. Paradoxalement, des pays culturellement proches comme la Suisse et le Luxembourg, où le français est parlé par 67,13% et 91,99% de la population, sont exclus de ces tarifs préférentiels. Si cette situation diffère des logiques néocoloniales qui excluent les nations africaines, elle met néanmoins en lumière une politique de « minimum convenable », où certains pays francophones sont négligés faute d’intérêts économiques immédiats.

Ces tendances révèlent une absence de vision idéologique forte autour de la langue française dans les politiques québécoises. Au lieu de devenir une force unificatrice, la francophonie au Québec semble s’enfermer dans un projet utilitariste dicté par des alliances à court terme, et éloigné des idéaux d’universalité et de fraternité historiquement liés à la langue française.

Étendre le sentiment de chez-soi

Si le Québec aspire véritablement à protéger et promouvoir son patrimoine francophone, il devra repenser son approche qui, dans sa forme actuelle, perpétue des exclusions. L’élargissement de la tarification préférentielle à l’ensemble des nations francophones renforcerait un sentiment d’appartenance universel, tout en répondant aux idéaux de solidarité linguistique. Cela offrirait également de nouvelles perspectives académiques et culturelles pour la francophonie, au moyen de mesures alignées sur les objectifs économiques et diplomatiques de la province.

Une politique véritablement inclusive permettrait au Québec de s’affirmer comme un acteur clé de la justice culturelle et linguistique. En s’inspirant de l’homoglosson d’Hérodote, qui définit l’appartenance par la langue partagée plutôt que par l’origine, le Québec pourrait repenser la francophonie comme un espace véritablement ouvert et inclusif. Elle cesserait d’être un cercle exclusif pour devenir un lieu d’échanges, où chaque francophone pourrait se sentir pleinement « chez lui ».

Pour concrétiser cette vision, le Québec doit élargir ses politiques préférentielles afin d’inclure tous les francophones, transformant ainsi la langue française en une véritable force unificatrice. Il renforcerait alors son rôle de foyer pour une francophonie mondiale, où chaque individu, quelle que soit son origine, serait reconnu et valorisé comme membre d’une communauté vraiment inclusive.

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Cinemania : la francophonie à l’écran https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/cinemania-la-francophonie-a-lecran/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56624 Gros plan sur quatre films en tête d’affiche du festival de cinéma.

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En célébrant ses 30 ans, le Festival Cinemania nous offre une sélection de films aussi diversifiée que captivante, reflétant la richesse du cinéma contemporain. C’est précisément cette variété qui fait de ce festival de films francophone, ayant la plus grande envergure en Amérique du Nord, un événement unique. Faisons un gros plan sur quatre de leurs pépites.

Monsieur Aznavour : petit de taille, mais plus grand que nature

Présenté en première internationale lors de la soirée de gala marquant le 30e anniversaire du Festival Cinemania, Monsieur Aznavour, réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, met en vedette Tahar Rahim dans le rôle du chanteur mythique. Dès les premières images, nous sommes immergés dans les souvenirs d’enfance de Charles Aznavour, fils de réfugiés arméniens installés à Paris, qui grandit au cœur de la Seconde Guerre mondiale et de la pauvreté. Ses débuts modestes sont filmés avec une justesse qui révèle l’essence de l’homme avant la légende, et pose les bases d’un parcours d’opportuniste obstiné. Autodidacte, il écrit, compose et interprète ses chansons ; sa polyvalence témoigne de son désir de réussir et, épaulé par son premier complice de scène Pierre Roche (interprété par Bastien Bouillon), Aznavour arpente les cabarets parisiens pour atteindre ce but.

Ensemble, ils tombent sous le mentorat d’Édith Piaf (interprétée par Marie-Julie Baup), qui les inspire à poursuivre leur carrière à Montréal. La complicité entre Piaf et Aznavour est abordée avec finesse : le film présente l’interprète de L’hymne à l’amour comme une seconde mère qui, par ses gestes tant bienveillants que brusques, contribue à façonner l’Aznavour iconique que l’on connaît. Le film est marqué par des apparitions d’autres figures emblématiques de l’époque qui surprennent, telles que Frank Sinatra, Gilbert Bécaud ou Johnny Hallyday, renforçant l’image d’Aznavour comme un artiste évoluant parmi les grands de son époque. Cependant, les réalisateurs ne cherchent pas à adoucir les difficultés de son parcours. Que ce soit par le racisme auquel il a été confronté, la pression de correspondre à une certaine image, ou ses échecs répétés dans sa quête d’une vie de famille stable, les moments sombres de la vie du chanteur sont révélés.

« C’était un père très présent, je l’ai accompagné dans ses tournées, et j’en garde des beaux souvenirs », témoigne la fille de l’artiste, Katia Aznavour, présente à l’avant-première. Ce témoignage, bien qu’émouvant par son intimité, contraste avec l’image tourmentée de l’artiste que le film expose, notamment avec son rôle de père parfois absent. Vers la fin, le film revêt un ton mélancolique, nous laissant face à un homme vulnérable, contemplant le chemin parcouru. Une interprétation de Hier encore conclut le film, et offre au public un dernier au revoir à l’homme qui, jusqu’à son dernier souffle, a incarné l’intemporalité et la beauté de la chanson française.

Monsieur Aznavour prendra l’affiche au Québec le 29 novembre 2024.

L’Amour ouf : quand la jeunesse réinvente le cinéma

Dans L’Amour ouf, Clotaire et Jackie, deux âmes écorchées, se rencontrent et s’apprivoisent au fil d’une romance douce-amère. Dès les premières notes de la bande sonore, le film nous plonge dans un univers musical à la fois riche et nostalgique, composé de tubes des années 80 et 90 qui évoquent une ambiance rétro.

L’Amour ouf est avant tout une déclaration d’amour au cinéma. Le réalisateur Gilles Lellouche nous livre un film vibrant, plein d’audace, de vitalité et d’une ambition créative intense. Certes, le film tombe parfois dans la surenchère d’effets, mais cette exubérance contribue à l’authenticité et à l’émotion brute qui en émanent.

Même si le scénario est classique et reconnaissable — le bad boy au cœur tendre et la manic pixie girl un peu désabusée — L’Amour ouf parvient à captiver et émouvoir, porté par des personnages incroyablement attachants. La véritable force du film réside dans la chimie entre les jeunes interprètes (Mallory Wanecque et Malik Frikah) qui éclipsent leurs homologues plus âgés (Adèle Exarchopoulos et François Civil). Leurs échanges sont si naturels qu’on se sent presque intrus dans les scènes les plus intimes.

L’Amour ouf n’est certes pas exempt de défauts : les dialogues manquent parfois de finesse, et le montage évoque par moments des transitions Vidéo Star, mais ces éléments ajoutent une touche kitsch qui s’intègre bien au charme du film.

Loin de proposer quelque chose de révolutionnaire, L’Amour ouf réussit cependant un recyclage brillant des clichés, avec un mariage entre modernité et nostalgie qui fait écho aux souvenirs romancés de l’adolescence, dans un film profondément touchant sur la jeunesse.

L’Amour ouf prendra l’affiche au Québec le 1er janvier 2025.

L’Athlète : Stevens Dorcelus sous un nouvel angle

L’Athlète, réalisé par Marie Claude Fournier, offre un regard intime sur la vie de Stevens Dorcelus, une personnalité marquante de la télévision québécoise. Bien que principalement connu pour sa victoire à Occupation Double Dans l’Ouest (2021), Dorcelus est présenté dans ce documentaire comme un jeune homme animé par le désir de concrétiser ses rêves à travers la discipline du saut en longueur. Ses performances font de lui une figure respectée dans le domaine ; mais son histoire ne s’arrête pas à ses médailles. C’est ce que la caméra de Fournier, qui le suit depuis 2013, cherche à révéler.

Dès les premières scènes, l’authenticité se fait ressentir. Les échanges en créole haïtien avec ses proches nous immiscent dans un quotidien sans artifice, où chaque dialogue fait ressortir la chaleur de la famille « tissée serrée » que le jeune Stevens rêve de rendre fière. Issu d’un foyer monoparental, Dorcelus est marqué par un devoir de redonner à sa communauté, sa passion allant au-delà d’une quête personnelle. Ladite passion incarne celle de toute une communauté, celle de la diaspora haïtienne au Québec. À travers ses exploits, il montre aux jeunes, notamment ceux issus de milieux modestes, qu’il est possible de s’élever, de « sortir » des contraintes imposées par leur environnement, et d’accomplir de grandes choses.

En salle dès le 13 décembre 2024.

Les Femmes au Balcon : une ode à la sororité… ratée

Les Femmes au Balcon de Noémie Merlant, écrit en collaboration avec Céline Sciamma, tente de dénoncer le patriarcat à travers une intrigue mêlant surnaturel et satire. Malgré quelques moments de comédie noire réussis, le film échoue à maintenir un ton cohérent, et sa conclusion maladroite affaiblit son propos féministe.

Si l’on espérait une satire piquante ou une comédie d’horreur, seuls certains moments réussissent à éveiller cet esprit irrévérencieux. Ces touches d’humour noir ne sont pas suffisantes pour équilibrer la violence brute qui domine certaines scènes et brime l’intention humoristique initiale. Le film tente également d’introduire des éléments surnaturels de manière inattendue, mais ceux-ci sont finalement sous-exploités, et semblent être aléatoires.

La comédie, bien que souvent volontairement outrancière, passe par des ressorts puérils, et amène même certaines scènes à des registres involontairement sordides, notamment lorsqu’un viol conjugal est présenté comme une plaisanterie de mauvais goût. L’humour grossier se révèle ici totalement dissonant, et manque cruellement de discernement.

La conclusion, une scène qui revendique le mouvement Free the Nipple, manque de nuance et semble presque hors de propos dans le cadre d’un récit du genre cinématographique Rape and Revenge (Viol et vengance). En tentant de toucher à plusieurs thématiques sans les explorer pleinement, le film finit par diluer son message, et amoindrit la portée de sa dénonciation féministe.

Malgré la générosité et l’esprit risqué de Merlant, cette comédie déjantée demeure un film raté. On ressent ici une vision assez limitée : le propos se veut un pamphlet contre le patriarcat, une ode à la sororité, mais l’exécution est en réalité étroite et trop marquée par un féminisme qui se révèle superficiel.

Une représentation de Femmes au Balcon aura lieu le 13 novembre à 21h00 au Cinéma Quartier Latin, dans le cadre de la programmation Cinemania. Le Festival prend fin le 17 novembre 2024.

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Nous, le Nord https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nous-le-nord/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56620 Ce qui restera au Canada après l’élection de Trump.

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C’est aux alentours de 22 heures lundi dernier que j’ai eu l’impression de revivre 2016 pour la première fois, et que les souvenirs de la dernière défaite démocrate ont commencé à me revenir à l’esprit. C’est à ce moment que je me suis revu âgé de tout juste 13 ans, regardant seul les résultats de l’élection présidentielle être annoncés, et comprendre que non, Hillary Clinton ne deviendrait pas la première femme présidente des États-Unis d’Amérique – et ne briserait ainsi pas le dernier plafond de verre en politique. Cette fois, Elliott, 21 ans, comprenait que non, Kamala Harris ne deviendra pas non plus la première femme présidente des États-Unis et que ce plafond de verre allait une fois de plus résister. Pourtant, malgré ses airs de famille avec la victoire républicaine de 2016, celle de 2024 est totalement différente.

Pour commencer, les femmes ont aujourd’hui moins de droits qu’elles en avaient il y a de cela huit ans déjà, lors de la première victoire du MAGA (Make America Great Again). En effet, si en 2016 une loi fédérale prévoyait et garantissait l’accès à l’avortement pour les femmes à l’échelle des États-Unis, aujourd’hui, ce sont les États qui décident s’ils vont offrir – ou non – ce service. Un service de santé que je juge essentiel et qui, je dois le rappeler, sauve la vie de femmes qui dans de nombreux cas doivent faire usage de la procédure à la suite de complications qui les mettent en danger. Maintenant que cette légalisation nationale de l’avortement est chose du passé, on n’a qu’une personne à remercier : Donald J. Trump. Il s’en est largement vanté d’ailleurs, disant à plusieurs reprises qu’il est le seul président à avoir réussi à renverser Roe v. Wade, le jugement de 1973 qui avait rendu légal l’avortement dans tout le pays.

Sous cette nouvelle administration Trump, on doit s’attendre à encore plus de réglementation entourant la santé et le corps des femmes. Au-delà du fait qu’il aura la charge de l’appareil exécutif, Trump risque d’enraciner la majorité conservatrice à la Cour Suprême et de remplir l’administration américaine de certains de ses collaborateurs tels que Elon Musk et Robert F. Kennedy Jr., deux hommes qui se sont déjà prononcé contre l’avortement. Bref, l’entièreté du gouvernement fédéral américain étant sous le joug de Trump et de ses alliés anti-choix, les femmes devront faire preuve de courage et de résistance alors que les droits fondamentaux et sacrés de leur personne sont sous-pression et qu’ils seront assurément attaqués. Deuxièmement, alors que Trump avait été élu en 2016 avec une plateforme qui ne disait pas grand-chose sur les droits des membres de la communauté LGBTQ2+, en 2024, son agenda y est fermement opposé. Les dernières semaines de la campagne nous l’ont démontré alors qu’à coup de millions de dollars, Trump menait une campagne médiatique axée sur un discours anti-trans dans les États pivots pour remporter la MaisonBlanche. De plus, le fameux projet 2025, un manifeste écrit par certains de ses plus proches collaborateurs et qui fait office de plateforme de campagne, nous fait comprendre dans quelle direction cette nouvelle administration compte se diriger, au détriment des minorités de genres et sexuelles. Si le projet 2025 est mis en application, nous risquons de voir une interdiction nationale des chirurgies de réassignement de sexe avant la majorité, la remise en application d’une interdiction pour les personnes trans d’entrer dans l’armée ou encore limiter leur capacité à joindre des équipes professionnelles de sport. Pour les minorités sexuelles, comme l’a affirmé le juge controversé et ultra-conservateur de la Cour Suprême, Clarence Thomas, c’est aussi la légalisation nationale du mariage entre conjoints de même sexe qui risque d’être renversée, à l’instar de l’arrêt Roe v. Wade. Un tel recul en arrière serait tout autant un crève-cœur pour les défenseurs de la cause du mariage pour tous, sachant qu’il a fallu attendre des décennies pour que la plus haute instance judiciaire du pays reconnaisse sa légalité à l’échelle du pays. En somme, avec Trump de retour dans le rôle de président, on doit s’attendre à ce que les droits des communautés sexuelles et de genre soient remis en question ou simplement supprimés.

« Pourtant, malgré ses airs de famille avec la victoire républicaine de 2016, celle de 2024 est totalement différente »

Avec ce rapide comparatif entre la première élection de Trump et sa réélection, on comprend que non seulement le contexte qui a permis au candidat républicain de devenir le président des ÉtatsUnis a changé, mais aussi que le candidat et la nature de ses politiques ont changé. Ceux et celles qui pensent que 2024–2028 sera une continuité avec le premier mandat de Trump se leurrent. Le septagénaire s’est radicalisé et il risque de faire encore plus de ravages pour les plus faibles. Cette fois-ci, Trump menace d’aller encore plus loin et de s’attaquer à des tranches de la population qui avaient jusqu’ici été épargnées.

En terminant, permettez-moi de m’adresser directement à vous, chers lecteurs du Délit. Les États-Unis ont fait leur choix la semaine dernière. Ils ont élu Trump. D’une incroyable manière, des États pourtant traditionnellement démocrates sont tombés dans le giron républicain et d’autres, comme la Virginie, ont failli eux aussi succomber à la marée rouge. Pour la première fois en 20 ans, le candidat républicain à gagné le vote populaire. Maintenant, le Canada devra aussi faire un choix, et ce rapidement. On devra décider comment se positionner face aux États-Unis dirigés par un extremiste et comment on fera la politique chez nous. Je ne sais pas ce qu’on décidera de faire. Je ne sais pas non plus ce qui nous attend. Ce que je sais, cependant, c’est qu’on devra serrer les dents et se tenir droit devant la Maison-Blanche. Parfois, ce qu’on va voir au sud de notre frontière choquera, ça fera mal au cœur. Plus d’une fois, on sera témoin de terribles injustices, mais on ne peut pas se permettre de sombrer avec eux. Nous, le nord, nous devrons faire preuve de force et de résilience. Nous, le Canada, nous devrons nous serrer les coudes pour nous assurer que ce genre de dérives totalitaires ne se rendent pas jusqu’à chez nous. On devra aussi renforcer nos autres alliances, parce qu’avec Trump à Washington, le Canada n’aura pas besoin de se chercher d’ennemi. Nous, le nord, nous devons leur faire face, ensemble.

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La sélection d’actus du Délit https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-selection-dactus-du-delit-6/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56611 ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES: LE « RETOUR DE DONALD TRUMP » Ce mercredi 6 novembre, l’ex-président républicain Donald Trump a été élu 47e président des ÉtatsUnis, signant son retour à la Maison Blanche. Avec un total de 312 grands électeurs, Trump a dépassé le seuil des 270 nécessaires à la victoire, face à la candidate démocrate… Lire la suite »La sélection d’actus du Délit

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ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES AMÉRICAINES: LE « RETOUR DE DONALD TRUMP »

Ce mercredi 6 novembre, l’ex-président républicain Donald Trump a été élu 47e président des ÉtatsUnis, signant son retour à la Maison Blanche. Avec un total de 312 grands électeurs, Trump a dépassé le seuil des 270 nécessaires à la victoire, face à la candidate démocrate Kamala Harris qui a remporté 226 voix. Les acteurs clés de cette élection étaient les sept États pivots (swing states), caractérisés par leur tendance à basculer d’un camp à l’autre à chaque élection, et ce de manière imprévisible. Ensemble, ils comptabilisaient 88 des grands électeurs, et représentaient un enjeu crucial pour les deux candidats. Les résultats des votes en Arizona et au Nevada, attendus ce samedi, ont confirmé la victoire de Trump dans les sept États clés.

Donald Trump a été félicité par de nombreux dirigeants internationaux. Compte tenu du contexte géopolitique, la réaction de certains représentants était impatiemment attendue par la communauté internationale. Côté européen, le président ukrainien Zelensky espère obtenir l’aide des États-Unis pour aboutir à une « paix juste ». Côté russe, Poutine a félicité Trump pour sa victoire ce jeudi, se disant prêt à reprendre contact avec la Maison Blanche. Finalement, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a chaleureusement félicité Donald Trump pour sa victoire, la qualifiant du « plus grand retour de l’Histoire (tdlr) ».

Lors de son discours officiel, le futur président des États-Unis a affirmé vouloir « mettre fin aux guerres », déclaration dont les actions associées sont attendues par les autres pays dès le début du mandat de Trump, le 20 janvier 2025.

Eileen Davidson | Le Délit

CONGÉDIEMENT INATTENDU DU MINISTRE DE LA DÉFENSE EN ISRAËL

Le mardi 5 novembre, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a annoncé le limogeage de son ministre de la Défense Yoav Gallant. Cette déclaration survient dans un contexte géopolitique plus instable que jamais pour le pays toujours engagé dans plusieurs opérations militaires à Gaza et au Liban, nécessitant la mobilisation constante de l’armée.

Nétanyahou justifie cette décision par l’érosion de sa relation avec Gallant, dans une situation où « la confiance est plus que jamais requise entre le premier ministre et son ministre de la Défense ». Ces propos témoignent d’une augmentation des divergences entre les deux hommes sur plusieurs sujets. Concernant les otages détenus dans la bande de Gaza, notamment, M. Gallant avait plaidé pour une trêve avec le Hamas afin d’obtenir leur libération, tandis que le premier ministre priorise avant tout l’anéantissement du mouvement palestinien.

Ce vendredi 8 novembre, Gallant a officiellement laissé sa place à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Israel Katz. Nétanyahou justifie ce choix en expliquant que leurs positions sont alignées dans le domaine militaire, ce qui permettra de résoudre les conflits avec son prédécesseur.

L’annonce a déclenché des manifestations à Tel Aviv dès mardi soir, pour protester contre le limogeage de Gallant et pour prier son successeur de prioriser la libération des otages à Gaza. Le président israélien Isaac Herzog, quant à lui, qualifie ce renvoi comme « la dernière chose dont l’État d’Israël a besoin », compte tenu du manque d’unification au sein du pays.

L’OTAN FAIT PRESSION SUR OTTAWA AU NOM DE LA DÉFENSE COLLECTIVE

Eileen Davidson | Le Délit

Le gouvernement canadien a annoncé ce vendredi 8 novembre vouloir prendre des « mesures efficaces » concernant l’atteinte des 2% de dépenses militaires promis à l’OTAN, cible fixée en 2006. Le premier ministre Justin Trudeau, ainsi que les 32 autres pays membres, se sont engagés à atteindre l’objectif de dépense de 2% du PIB alloué à la défense collective, principe fondateur de l’alliance atlantique.

Cependant, jusqu’ici, le Canada fait partie des huit pays qui n’ont pas atteint la cible. Trudeau subit la pression des alliés pour contribuer de manière égale à cet effort économique, et la prise de mesures accélérée du gouvernement canadien pourrait être influencée par la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles, bien que cette hypothèse ait été niée par le ministre de la Défense canadien Bill Blair. En effet, Trump avait averti par le passé que les États-Unis ne viendraient pas en aide aux pays qui ne respectaient pas la cible de 2%.

Pour le moment, le Canada conserve un retard de 0,42% avec l’objectif final. Combler cet écart impliquerait une hausse des dépenses militaires canadiennes jusqu’ à 81,9 milliards de dollars d’ici 2032–2033, un montant deux fois plus élevé que celui fixé pour 2024–2025, mais atteignable selon le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est entretenu ce jeudi 7 novembre avec le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, afin de réaffirmer l’engagement du Canada pour atteindre les dépenses attendues pour la défense militaire. Malgré cette promesse, le gouvernement canadien est toujours appelé par Rutte et les autres pays membres à se présenter avec un plan clair concernant la manière d’atteindre cette cible, qui n’a pas été clarifié pour le moment.

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La résilience face aux flammes https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-resilience-face-aux-flammes/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56607 Les soeurs Talbi adoptent Incendies sur scène.

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Vingt ans après sa publication, la pièce Incendies de Wajdi Mouawad est revisitée sur scène par le duo des sœurs Talbi, dans un contexte à la fois universel et intime, qui dévoile les ravages de la guerre et la résilience de ceux qui en portent les cicatrices. Le récit empreint de souffrance dénonce l’absurdité de la violence, confrontant l’auditoire à une réalité terrible, que l’on ne peut détacher de son contexte géopolitique actuel.

Incendies raconte la quête déchirante de Jeanne et Simon, deux jumeaux qui, à la mort de leur mère Nawal, reçoivent une mission déconcertante : retrouver un père qu’ils croyaient mort et un frère dont ils ignoraient l’existence. La pièce frappe toujours avec la même intensité. Le cycle de la violence qu’elle dénonce, immuable, lui accorde une dimension intemporelle. En unissant des scènes du passé et du présent, le récit devient le témoignage d’une souffrance qui transcende les frontières et les générations.

Le rôle d’une vie

La tâche colossale d’interpréter les différentes étapes de la vie de Nawal incombe à Dominique Pétin, qui relève ce défi avec une aisance déconcertante. Elle incarne son personnage de l’adolescence jusqu’à la mort, transcendant ainsi notre perception du temps. Pétin offre une performance saisissante, rendant tangible la douleur de Nawal, sublimant d’autant plus sa résilience. Chaque épreuve endurée par le personnage est subtilement rendue, et son interprétation, habitée, lui confère une cohésion sensible. Cette fluidité accorde à l’histoire une force singulière, qui permet une exploration de la mémoire de Nawal. La pièce se déploie ainsi comme une rétrospection où la voix de cette femme se fait entendre sans rupture.

Pétin confère à ce personnage une profondeur qui rend justice aux mots de Mouawad, au-delà de la fiction. Les racines autochtones de la comédienne, d’origine huronne-wendate, ajoutent une dimension supplémentaire à la pièce, qui conjugue les horreurs de la guerre à la violence coloniale vécue par les peuples autochtones. Cette résonance intime confronte le public à l’héritage colonial du Canada, qui dissipe l’illusion d’une violence lointaine en l’inscrivant dans une réalité locale. Alors que dans la pièce originale, les origines de Nawal et des jumeaux sont explicites, l’adaptation des sœurs Talbi maintient un flou délibéré à cet égard, dans un rappel subtil de l’universalité de la souffrance, qui s’inscrit à la fois dans le corps, dans le territoire, et dans la mémoire.

Entre jeunesse et sagesse

Les jeunes acteurs de la pièce apportent une forte crédibilité dans l’incarnation des jumeaux, Simon et Jeanne. Sabrina Bégin Tejeda et Neil Elias incarnent à merveille la relève théâtrale, insufflant à l’œuvre une nouvelle vitalité. L’intensité de Simon, porté par une énergie brute et une intensité crue, contraste avec le pragmatisme calme de Jeanne. Cette complémentarité renforce l’opposition de leurs personnalités, tout en soulignant la complexité du lien fraternel, à la fois fragile et indestructible. On peut également saluer la performance impeccable de Denis Bernard, qui démontre l’étendue de son expérience dans le rôle du notaire, chargé de transmettre les dernières volontés de Nawal aux jumeaux. Sa présence apporte une touche de légèreté à cette histoire poignante, offrant des instants de répit à l’auditoire. La tension dramatique demeure suspendue dans un équilibre subtil, habilement dosé entre l’humour et le tragique.

« Il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble »

Une mise en scène symbolique

Enfin, l’ingénieux dispositif scénique, constitué de cubes mobiles qui se transforment et se décomposent au fil des souvenirs, illustre avec finesse l’éclatement de la mémoire et les blessures invisibles de Nawal. La scène en perpétuelle transformation agit comme une métaphore visuelle qui soutient parfaitement la quête des jumeaux, dans une reconstruction du passé douloureux de Nawal, qui s’intègre à l’espace scénique. La scène finale, qui reconstitue le tableau familial sous une chute de pétales rouge sang, est à couper le souffle : une traduction poétique du triomphe de l’amour et de la résilience sur la violence. Car « il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble ».

Incendies est présentée au Théâtre Duceppe jusqu’au 30 novembre 2024.

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Nos bibliothèques du futur https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/nos-bibliotheques-du-futur/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56598 Le Centre des collections de McGill débarrasse McLennan de ses livres.

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Depuis octobre 2023, les livres de la bibliothèque de McLennan disparaissent petit à petit. C’est un vide auquel il faudra s’habituer : ces ouvrages ont à présent trouvé refuge dans un entrepôt. Chacun a une place bien enregistrée, parmi les 95 092 bacs manipulés quotidiennement par des robots. Fini l’expérience du rayonnage, l’emprunt d’un livre se fait désormais sur la plateforme Sofia, un système interbibliothèquaire utilisé depuis des années par les bibliothèques de McGill. Afin d’en savoir plus, Le Délit a interrogé la doyenne des bibliothèques de McGill, Guylaine Beaudry, et visité le Centre des Collections situé à 45 minutes du centre-ville, guidé par le directeur associé du bâtiment.

« Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Le vestige McLennan

En revisitant l’histoire des bibliothèques universitaires, Guylaine Beaudry souligne l’importance des projets de rénovation pour adapter nos espaces à nos besoins actuels. « Le rayonnage dans les bibliothèques tel qu’on le connaît aujourd’hui ne date que depuis la fin de la seconde guerre mondiale » explique la doyenne. « Avant, les grandes bibliothèques universitaires avaient un “magasin”, comme dans les musées, où s’entreposaient les livres jusqu’à ce qu’on ait besoin de les sortir pour les prêter ou les exposer. Les architectes ont pensé ces espaces pour l’entreposage de livres, pas pour l’expérience du public. »

Aujourd’hui, seulement 8% des collections imprimées sont consultées à McGill, soit une baisse de 90% en 30 ans. La consultation numérique a quant à elle dépassé celle papier, et le budget s’est lui aussi adapté : selon la doyenne, 95% du budget des bibliothèques est alloué aux ressources numériques. « Ça finit par coûter cher, de conserver les ouvrages imprimés sur le campus, et on n’a plus assez de place pour les étudiants qui étudient dans ces espaces » revendique-t-elle. Ainsi, la préservation de la collection générale de 200 ans de travail académique à McGill tient de la responsabilité des bibliothèques. Elles doivent assurer des conditions optimales pour leur conservation : une luminosité réduite, une humidité à 40% et une température de 18 degrés. Cependant, l’évolution de l’utilisation des espaces laisse les étudiants dépourvus de lieux pour se rencontrer, étudier, et créer.

Bibliothèque du XXIe siècle

Le projet de rénovation de la bibliothèque McLennan, FiatLux, en cours de conception depuis 2014, réimagine l’espace pour les étudiants qui veulent y étudier dans le silence autant que pour ceux qui veulent débattre de leurs idées pour un projet d’équipe. « La bibliothèque est un des rares lieux à Montréal où les étudiants peuvent travailler en silence ; et où d’autres viennent pour discuter et travailler en collaboration, dans une ambiance qui ressemblerait à un bistrot », imagine Dr. Beaudry.

Celle-ci réimagine ce que pourrait être une bibliothèque dans la vie des étudiants : « Entre les espaces de silence et “bistrot”, il y a les salles de travail en collaboration, les salles pour pratiquer ses présentations, des espaces pour faire des balados, et expérimenter avec la visualisation des données, des espaces sans Wi-Fi pour minimiser les distractions. » Le but de la bibliothèque est de créer un espace social « fait pour les humains, pas pour les livres », ironise-t-elle.

Anouchka Debionne | Le Délit

Afin de résoudre la question du manque d’espace, McGill s’est inspiré de ce qui se fait dans les autres universités : des centres de collections, bâtiments extérieurs aux bibliothèques de l’université, où sont entreposées les collections et où les livres peuvent être commandés par les étudiants et les employés des institutions académiques. Ça ressemble étrangement aux « magasins » de l’époque, mais on exporte ces magasins pour adapter nos espaces du centre-ville pour les utilisateurs. Cinq universités en Ontario partagent un même centre de collections, dont celles de Toronto et d’Ottawa. Bien qu’elle ait tardivement ouvert son centre en juin 2024, l’Université McGill est la première à y avoir plus de robots que d’employés.

« Nos critères étaient de trouver un lieu à moins d’une heure du centre-ville qui entre dans notre budget », renseigne la doyenne. La construction du centre a ainsi commencé en mars 2022 à Salaberry-de-Valleyfield, à 50 minutes en voiture du centre-ville et à 25 minutes du campus MacDonald. « Les déplacements de livres se font quotidiennement par camions électriques », assure Dr. Beaudry.

Une « usine de connaissances »

Le Délit a visité le centre de collections à Salaberry-de-Valleyfield, accueilli par Carlo Della Motta, directeur associé du centre, et Mary, la superviseure de la bibliothèque du centre. Le bâtiment est divisé en deux grandes unités : l’une est un grand espace de cotravail pour les cinq employés à temps plein, où sont reçus les retours de livres. « Ici, » montre Carlo Della Motta en désignant une grande salle vide avec seulement deux, trois tables, « on entreprend des petites réparations si les matériaux du livre tombent, et ensuite ils peuvent retourner dans l’entrepôt ».

« Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois »

Guylaine Beaudry, doyenne des bibliothèques de McGill

Passé deux ensembles de portes, on entre dans un entrepôt où se dresse un mur rouge, derrière lequel s’échafaudent 95 092 bacs contenant 2,4 millions de livres. Les livres proviennent des collections de McLennan et Redpath, ainsi que du gymnase Currie où étaient entreposés les livres de la bibliothèque Schulich lors de ses rénovations de 2019 à 2023. Les robots sont disposés sur des rails juste au-dessus de caisses empilées qui forment un mur de plusieurs mètres de haut. Ils se déplacent pour soulever des bacs afin d’en atteindre d’autres, et faire descendre la caisse qui contient le livre commandé. Les robots sont programmés pour mener un travail d’équipe : chacun à son poste, deux peuvent bouger du nord au sud de la grille, et deux bougent d’est en ouest. Ainsi, les quatre robots orientés vers le sud sont ceux qui peuvent prendre un bac et le livrer au port. Quant aux deux robots orientés vers le nord, leur principale responsabilité est de pré-trier les bacs pour les quatre autres robots. Le personnel cherche ensuite le livre dans le bac, le sort et le traite pour l’envoyer au centre-ville. La fonction du robot se limite donc à récupérer le bac qui se trouve à l’intérieur de la grille. Le reste du travail est effectué par le personnel de la bibliothèque.

Anouchka Debionne | Le Délit

Les livraisons ont commencé en octobre 2023. « Nous avons reçu environ 20 000 livres par jour du centre-ville, dont le code-barre était numérisé dans les bacs, puis les bacs ont été insérés dans la grille. Ce processus a duré environ six à sept mois », souligne Carlo Della Motta. « On travaille avec trois systèmes indépendants : AutoStore, qui a créé le système automatisé de récupération des caisses et qui localise les caisses et contrôle les robots, le système Dematic, qui suit l’inventaire des livres dans les bacs, et enfin le système interbibliothèques Sofia, utilisé par les utilisateurs pour commander les livres » explique le directeur associé du centre. Ce genre d’entrepôt est d’habitude utilisé par les industries qui entreposent des marchandises. Il a séduit McGill comme une alternative aux autres centres de collections plus traditionnels, qui se font d’habitude avec des chariots élévateurs ou des assistants virtuels. Pour l’instant, les deux personnes interrogées ne connaissent que deux autres lieux au monde qui utilisent cette technologie pour entreposer des documents : le FBI, et un centre d’archives à Abu Dhabi. « Depuis notre mise en service en juin, notre moyenne est d’environ 850 livres commandés par semaine », renseigne Carlo Della Motta. « On s’occupe aussi d’envoyer des livres pour être scannés dans le centre, qui nous sont ensuite retournés. »

Certification faible impact

Le centre de collection a été certifié LEED GOLD (Leadership de conception en énergies et environnement, tdlr) pour ses efforts en termes d’utilisation des ressources énergétiques comme l’électricité et d’aménagement intérieur et extérieur pour les cinq employés qui viennent quotidiennement sur place. « Nous avons un bac à compost, nos meubles viennent du campus du centre-ville et nous avons gagné la certification Pelouse Fleurie pour notre engagement envers la biodiversité de la ville de Valleyfield. On n’utilise pas de pesticides, pas d’engrais, pas de dérogation. Il y a un certain nombre de plantes endémiques nécessaires pour obtenir la certification », raconte Carlo Della Motta. Le bâtiment est fourni d’une salle de conférence, d’une cuisine, et même d’une douche, pour ceux qui voudraient venir à vélo au travail. Les robots chargés avec des batteries de voiture électriques, eux, consomment en 24 heures ce que consomme un aspirateur branché durant 30 minutes.

« Le but de la bibliothèque est de créer un espace social fait pour les humains, pas pour les livres »

Projet de rénovations retardé

Le Centre des Collections a accueilli les premiers livres à Salaberry-de-Valleyfield en octobre 2023 afin de vider la bibliothèque McLennan pour le début des travaux en 2025. « C’est seulement après avoir déplacé les livres que le projet de rénovation a été mis en pause » informe Carlo Della Motta. Les travaux, retardés dû à « une augmentation des coûts dans la construction », ont été impactés par l’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants hors Québec. La doyenne Dr. Beaudry précise : « c’est certain que ça a contribué, parce que c’est la santé financière de McGill qui a été touchée, et la capacité d’emprunt de notre Université ». Les plans de rénovation sont actuellement retravaillés afin de rentrer dans le budget. La doyenne précise que les étagères de McLennan resteront vides et ne seront pas démantelées tout de suite : « Pour le moment, on a confiance que d’ici au printemps, on saura où on s’en va. Si l’on démantèle les rayons et qu’on crée des espaces avec les moyens qu’on a, on risque de devoir tout changer à nouveau au printemps, quand on aura plus de visibilité sur la poursuite des travaux. »

Anouchka Debionne | Le Délit

Le futur du centre

Le centre ne restera donc pas seulement un entrepôt durant les travaux, et compte d’ailleurs accueillir les collections d’autres universités. Selon Carlo Della Motta, « lorsque d’autres bibliothèques, comme la bibliothèque d’Études islamiques, le campus MacDonald ou celle de l’École de musique commenceront à manquer d’espace, nous devrons mettre en place des protocoles et des procédures pour qu’elles puissent déplacer des documents ici. Nous ne sommes pas encore au maximum de notre capacité ». Le centre de Collections accueille actuellement 2,4 millions de livres, et la doyenne mentionne qu’ils prévoient le retour de 400 à 500 000 livres dans la bibliothèque McLennan. « On se pose la question en discutant avec les étudiants mais aussi avec les professeurs : de quelles collections a‑t-on besoin au centre-ville? » S’y retrouveront sûrement les livres qui ont été empruntés récemment, les nouveaux livres achetés par l’Université et ceux qui figurent sur les syllabus des professeurs.

Ainsi, les bibliothèques sont des espaces dans lesquels les étudiants passent un grand pourcentage de leur temps : le centre de Collection est une première étape vers l’adaptation de nos bibliothèques pour nos besoins numériques du XXIe siècle.

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Cygnus : une pièce d’improvisation et d’émotions https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/cygnus-une-piece-dimprovisation-et-demotions/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56591 L’imprévu au service du théâtre.

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Improviser, c’est laisser l’imagination prendre le dessus. Laisser le théâtre ne faire qu’un avec votre corps, vos gestes, votre voix. Il s’agit d’un art à part entière, d’une prouesse des plus techniques, de sauter à pieds joints dans l’inconnu et d’entraîner avec nous acteurs et spectateurs. C’est ce qu’ont remarquablement réussi à faire les comédiens de Cygnus, en nous livrant une prestation inédite et émouvante.

« La seule limite est celle que l’on s’impose. Cette dynamique imprévisible, loin de fragiliser la pièce, en est
le moteur-même »

Assis autour d’un cercle lumineux à l’allure futuriste, affublés de costumes semblables, les comédiens ont pour tâche de créer chaque soir une nouvelle pièce. Une nouvelle trame, de nouveaux personnages, sans le moindre décor sur lequel s’appuyer. Tout passe par le langage corporel de deux comédiens, qui donnent chacun vie à un personnage qui leur est propre. Ils lui confèrent ainsi avec brio, des mimiques, des intonations, une identité sur l’instant, sans avoir le temps de réfléchir aux possibles développements. L’évolution de leur personnage est imprévisible. L’ensemble s’articule ensuite au fil des interactions entre les deux acteurs. Ces interactions sont d’abord dictées par un cercle, dont le changement de lumière désigne les comédiens devant entrer en scène. Nul ne sait à l’avance qui jouera avec qui, qui sera qui. L’incertitude règne. Si l’improvisation peut laisser place à des incohérences, des moments de flottements, des silences que l’on n’ose briser, le doute est bien vite remplacé par la force des dialogues qui en découlent. Certes, il arrive que les comédiens s’interrompent entre eux, ou que certains personnages ne soient pas parfaitement impliqués dans l’intrigue. Mais c’est aussi cela qui confère son charme à la pièce, et qui lui octroie des intrigues secondaires. Tout se joue dans la spontanéité et l’écoute de l’autre. Les acteurs réagissent du tac au tac, tissent une trame à la fois comique et poignante, créant des situations rocambolesques. Des moments de tension et de légèreté se succèdent, que ce soit le meurtre involontaire d’un chien par intoxication aux cacahuètes, en passant par des conflits familiaux, amoureux, jusqu’à la mise en scène de violences conjugales. La seule limite est celle que l’on s’impose. Cette dynamique imprévisible, loin de fragiliser la pièce, en est le moteur-même. On assiste à des scènes du quotidien, à des aventures surprenantes dont l’authenticité est marquante. Ce qui m’a d’autant plus frappée, c’est la détermination des comédiens à rester dans la peau de leurs personnages, même hors du cercle où se déroulait l’action. Chaque entrée en scène, chaque sortie, chaque séance détenait le même impact.

Après un temps où les comédiens entrent et sortent du cercle à leur guise, sans plus être appelés par les signaux lumineux du cercle, la pièce s’achève sur une brève conclusion. Celle-ci repose sur la parole d’un personnage, choisi au hasard. Cette fin des plus inattendues permet une résolution instinctive, et suscite une surprise totale chez le spectateur. En l’espace de quelques secondes, l’acteur doit réfléchir à la touche finale qu’il désire apporter à la pièce, une tâche capitale, d’autant plus que souvent, c’est la fin qui marque les esprits. En ce qui me concerne, je me souviendrai longtemps de la liste de conseils pour s’occuper d’un chien sur laquelle s’est clôturée la représentation.

Nul ne sait l’issue de la pièce avant qu’elle ne se joue. Quelle intrigue, quels personnages rencontrerez-vous? Personne ne le sait. Plongez dans le mystère de l’improvisation et laissez vous emporter par le jeu et l’intelligence de ces huit acteurs à l’imagination sans pareille. Restez suspendus aux lèvres des comédiens qui sauront, à coup sûr, vous surprendre.

Cygnus se tient du 7 au 16 novembre au Théâtre Rouge du conservatoire d’art dramatique de Montréal.

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Un lien rouge sang https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/un-lien-rouge-sang/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56587 Le théâtre Denise-Pelletier nous fait réfléchir aux tragédies familiales.

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Avec sa pièce Ma vie rouge Kubrick, le metteur en scène Éric Jean entreprend la tâche complexe d’adapter sur la scène du théâtre Denise-Pelletier le roman éponyme de Simon Roy. Œuvre entre l’autofiction et l’essai, elle relate l’obsession de son auteur pour le film d’horreur The Shining (1980) de Stanley Kubrick, inspiré du roman de Stephen King. Cette idée fixe, partiellement due au passé sinistre de Simon Roy lui-même, lui permet de s’interroger sur la capacité de l’être humain à transcender son héritage tragique familial. Telles des poupées russes, toutes ces œuvres se font écho dans une mise en abîme intertextuelle.

L’œuvre de Simon Roy prend vie sous les traits de Mickaël Gouin et Marc-Antoine Sinibaldi. À eux seuls, ces deux acteurs incarnent le dédoublement, thème récurrent dans toutes les œuvres à l’origine de cette adaptation. Tandis que Gouin, tout de bleu vêtu, incarne Simon Forest – personnage principal de cette auto-fiction – Sinibaldi, habillé en rouge Kubrick, personnifie ses maux générationnels ainsi que les nombreux autres personnages qui lui donnent la réplique. Le jeu de Sinibaldi se distingue par sa capacité à revêtir l’essence de ces multiples personnalités hétérogènes, tandis que Gouin fait preuve d’un jeu d’une versatilité singulière.

On retrouve également l’omniprésence du double à travers un jeu d’ombres astucieux projeté sur le mur qui longe le fond de l’espace scénique. Sur celui-ci défilent ainsi toutes sortes de projections multimédias (photographies, statistiques, définitions et paysages) qui accompagnent et illustrent judicieusement les paroles des acteurs. En effet, la série d’adaptations ayant mené à la création de la pièce ouvre la voie à une véritable transmutation des médias, avec une pièce située à la croisée du film, du livre, et de la scène. Ainsi, par la lecture à voix haute de longs monologues tirés du livre et les projections sur le cyclorama en arrière-plan, la pièce invite l’auditoire à découvrir un hybride entre l’imaginaire et le réel. De plus, l’alternance entre les répliques prononcées simultanément par les deux comédiens et les silences soudains qui envahissent la scène suscitent chez l’auditoire une anxiété qui persiste tout au long de la pièce. La moquette rouge au sol et les éclairages colorés contribuent également à l’ambiance lugubre qui plane dans la salle.

Si l’adaptation est réussie avec brio en ce qui a trait à l’incarnation de l’atmosphère d’angoisse suintante et inconfortable propre au genre de l’horreur, la pertinence de certains choix narratifs décevait par moments. Le livre de Simon Roy et le film de Kubrick abordent de nombreux thèmes qui ne pouvaient vraisemblablement pas tous être représentés dans une pièce de 70 minutes. Malheureusement, la clarté du fil conducteur a été sacrifiée au profit du traitement d’une panoplie d’enjeux hérités du livre. Alors que le livre de Roy tricote délicatement l’enchevêtrement entre l’histoire tragique de sa famille et la trame sanglante de The Shining, la pièce nous perd légèrement et ce n’est qu’à la toute fin que les fils narratifs auparavant disparates sont reliés.

C’est pourquoi il faudrait plutôt considérer la pièce comme la cerise sur le gâteau d’une trilogie dont les pierres angulaires demeurent les œuvres de Roy et Kubrick. Nous vous conseillons donc d’aller voir la pièce si les univers de Kubrick et Roy vous sont familiers ; elle incarne visuellement l’ambiance des deux œuvres précédentes, mais il serait difficile d’en saisir toute la profondeur hors de ce contexte. La pièce reprend effectivement de manière plus légère et moins explicite les interrogations sur la fatalité de la violence qui hantent le film et le livre. Elle nous procure toutefois une ébauche de la réponse esquissée par Simon Roy, en nous offrant une projection opportune et émouvante accompagnée des mots imagés de l’auteur défunt : « Au-dessus de ma tête, le soleil s’évertue à essayer de déjouer les nuages. »

Ma vie rouge Kubrick est présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 novembre 2024.

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Biologique ne rime pas toujours avec écologique https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/biologique-ne-rime-pas-toujours-avec-ecologique/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56582 Acheter bio est-il toujours le meilleur choix pour l’environnement?

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Au début de la session, ma co-éditrice Adèle et moi avons visité le campus Macdonald de l’Université, où nous avons eu la chance de rencontrer Janice Pierson, responsable de la ferme. Elle a piqué notre curiosité en mentionnant le rôle parfois néfaste de l’agriculture biologique pour l’environnement. Une perte d’informations entre les agriculteurs et les consommateurs entraîne souvent des comportements bien intentionnés mais infondés, comme la préférence pour les produits bio, basée sur des perceptions inexactes. Ces derniers ne sont pas aussi parfaits que ce qu’on pourrait croire.

En quoi consiste l’agriculture biologique

Afin d’approfondir mes connaissances à propos de l’agriculture biologique, je me suis entretenue avec David Wees, chargé de cours au Département de sciences végétales et directeur associé du Programme de gestion et technologies d’entreprise agricole. M. Wees explique que « biologique » ne signifie pas simplement l’absence de pesticides ou d’engrais : « C’est plus compliqué que ça. Le bio utilise des pesticides, mais ce sont des pesticides à moindre impact environnemental. On utilise aussi des engrais, mais la plupart sont des engrais d’origine naturelle, comme du compost ou du fumier. Si on utilise des minéraux [comme engrais ou pesticides, ndlr], ce sont des minéraux qui ont été minés et non pas synthétisés. » En comparaison, l’agriculture conventionnelle peut faire usage d‘organismes génétiquement modifiés (OGM), de pesticides chimiques et de fertilisants.

David Wees ajoute que l’agriculture biologique va au-delà de ces techniques : « Le bio s’inscrit dans une approche où on essaie de voir la ferme presque comme un organisme vivant, c’est-à-dire de regarder son ensemble et de se demander si on peut travailler de façon à minimiser l’impact environnemental, tout en maintenant la santé du sol, des travailleurs, des animaux, etc. »

Les avantages (et mirages) du bio

Les produits bios semblent à première vue toujours avoir un moindre impact environnemental, entre autres parce que plusieurs techniques sont priorisées avant l’utilisation de pesticides et d’engrais. David Wees détaille diverses méthodes alternatives utilisées pour lutter contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes : « Si on applique [l’agriculture biologique, ndlr] de façon théoriquement parfaite, lorsqu’on essaie de lutter contre les insectes, les maladies et les mauvaises herbes, on va toujours préconiser des méthodes non pas pour éliminer les problèmes, mais pour mieux les gérer. Autrement dit, on va tolérer un certain pourcentage de mauvaises herbes, d’insectes ou de maladies. » Ces méthodes incluent le labour du sol, le désherbage thermique, l’utilisation de paillis, l’introduction d’insectes bénéfiques (l’exemple le plus populaire étant les coccinelles pour éliminer les pucerons), et les pièges collants. L’utilisation de pesticides doux, comme des solutions savonneuses ou à base de soufre, arrive en dernier recours.

Pour ce qui est de la santé des consommateurs, il est vrai que les produits bios peuvent au premier abord sembler plus sains, puisqu’ils n’ont pas été traités avec des pesticides synthétiques. « Si on regarde les rapports de Santé Canada sur les cas de maladies ou d’intoxications dûes à des aliments contaminés, il y en a très peu concernant les fruits et légumes. La plupart du temps, ce n’est pas une intoxication dûe aux pesticides, mais à des bactéries qui se développent souvent lors de la manipulation des récoltes. Dans le cas de la viande, c’est lors de l’abattage, de l’emballage ou du transport [que peut survenir cette contamination, ndlr] », souligne David Wees. Les contaminations auraient lieu non pas pendant la production, mais le plus souvent après. « Lorsqu’il y a eu des cas d’intoxication dûs aux pesticides, c’était presque toujours lors de leur application ou de leur préparation. Donc, les plus à risque sont le producteur ou les employés, plutôt que le consommateur », précise M. Wees.

Les inconvénients du bio

Les techniques alternatives peuvent cependant parfois avoir un coût plus insidieux. David Wees donne l’exemple du cuivre : « Nous utilisons le cuivre depuis plusieurs siècles comme fongicide [pesticide servant à éliminer ou contrôler le développement de champignons parasites, ndlr]. Le problème, c’est qu’il ne se décompose jamais, contrairement aux pesticides organiques, qui se décomposent éventuellement. C’est un métal qui reste dans le sol. Pourtant, le cuivre est permis en agriculture biologique. »

David Wees explique que certaines techniques visant à éviter l’utilisation de produits chimiques nocifs proposent des alternatives qui ne sont pas forcément meilleures : « Souvent, en agriculture biologique, on doit utiliser beaucoup de labourage, soit de travail du sol, ce qui signifie que l’on passe encore plus de temps sur le tracteur, et donc qu’on consomme plus de diesel. On remplace finalement un problème par un autre : la consommation de carburant qui émet des gaz à effets de serre. » On a tendance à penser que le bio est idéal, mais il a tout de même un coût climatique considérable. L’agriculture biologique reste cependant une alternative préférable à l’agriculture conventionnelle. Selon la définition d’Équiterre, l’agriculture conventionnelle « comporte d’importantes limites notamment environnementales (contamination des eaux et des sols, désertification, salinisation des sols, disparition des pollinisateurs, destruction de la biodiversité, etc), et sur la santé humaine ».

Pour obtenir la certification biologique au Québec, « il ne suffit pas simplement de dire que nous sommes bios. » David Wees explique qu’il faut procéder à des vérifications exhaustives, et parfois à des inspections, qui vérifient la « trace écrite » (paper trail), comme les achats du producteur : « Pour prouver qu’on est une institution biologique, il faut conserver tous les reçus de tous nos intrants et être capable de décrire comment on s’en sert. » Certains producteurs décident de pratiquer l’agriculture biologique sans chercher à obtenir de certification, en raison des formalités écrasantes qui s’ajoutent au travail déjà très exigeant de la terre.

« Il serait donc préférable de s’interroger sur la provenance d’un produit avant de vérifier s’il est certifié biologique »

La paperasse administrative est souvent déjà insurmontable pour certains producteurs. Selon Janice Pierson, il y a une quantité démesurée de documents à compléter, et la raison derrière tous ces rapports qui se ressemblent n’est pas toujours évidente. « Je dois pratiquement embaucher quelqu’un rien que pour remplir les formalités administratives! », s’était-elle exclamée.

De son côté, la ferme du campus Macdonald a décidé de ne pas pratiquer l’agriculture bio, mais plutôt l’agriculture régénératrice, visant à préserver la qualité des sols, notamment en favorisant la biodiversité dans la terre pour augmenter sa teneur en matière organique. Selon Cultivons Biologique Canada, les pratiques de l’agriculture régénératrice comprennent « le compostage, les cultures de couverture, les engrais verts de légumineuses, la rotation des cultures, l’agriculture mixte et la culture peu profonde et réduite ».

Comment devenir un consommateur écoresponsable

« Malgré tout l’intérêt que les consommateurs ont pour le bio, si on regarde la production des fruits et des légumes au Canada, seulement à peu près 5% sont biologiques », signale David Wees. Pourtant, la demande est croissante au Québec et ailleurs dans le monde. Une grande partie des produits bios consommés au Canada sont donc importés, surtout des États-Unis : « La plupart du temps, les produits ne viennent pas de New York ou du Vermont, mais de la Californie. Donc, des carottes bios ont été récoltées en Californie, ont été mises sur un camion et y ont passé trois à quatre jours pour se rendre jusqu’à Montréal, alors que des carottes non biologiques cultivées au sud de Montréal ont peut-être passé seulement trois heures sur un camion. » Il serait donc préférable de s’interroger sur la provenance d’un produit avant de vérifier s’il est certifié biologique.

Au-delà de l’achat local, David Wees donne quelques conseils pour améliorer son comportement en tant que consommateur. Pour atténuer les impacts liés à la pollution par le transport des produits importés, il faut privilégier les fruits et légumes de saison. Il est également préférable de consommer ceux qui se conservent bien, comme les pommes ou les canneberges, plutôt que les fraises.

Même si l’agriculture biologique est en général une meilleure option pour l’environnement, il ne faut pas supposer que ce l’est dans tous les cas. Biologique ne rime pas toujours avec écologique : il est possible que certaines méthodes de l’agriculture conventionnelle ou régénératrice s’avèrent plus durables dans certains contextes. En s’informant sur les pratiques agricoles et leurs effets sur l’environnement, on peut éviter les pièges des idées reçues et faire des choix plus éclairés en tant que consommateurs, comme regarder d’où les produits proviennent avant de vérifier s’ils sont bios.

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Concours d’écriture de chroniques journalistiques https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/concours-decriture-de-chroniques-journalistiques-2/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56578 Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de la deuxième édition de son projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques… Lire la suite »Concours d’écriture de chroniques journalistiques

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Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de la deuxième édition de son projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques qui portent sur des faits marquants de l’actualité, culturelle ou politique, d’ici ou d’ailleurs. Ayant pour thème commun « Une image vaut mille mots », les chroniques développent les points de vue personnels des auteur·rice·s sur les enjeux sociaux illustrés dans des œuvres d’art ou des photos journalistiques qui ont attiré leur attention. Ces textes, préalablement révisés dans un contexte académique par la professeure Élisabeth Veilleux, ont par la suite été sélectionnés pour être publiés dans Le Délit. Nous vous présentons donc notre sélection des quatre meilleures chroniques.


Khudadadi : une réfugiée qui incarne l’esprit des Jeux
Jacob Shannon, Contributeur

Voilà bien une image qui illustre la joie immense d’un rêve enfin réalisé. C’est Zakia Khudadadi, la paralympienne qui a marqué l’histoire en remportant la première médaille de l’équipe des réfugiés à Paris, en taekwondo. À ses côtés, son entraîneuse Haby Niare, la porte triomphalement. Lorsque la nouvelle de sa médaille de bronze a été annoncée, Niare a soulevé la championne dans un geste de soutien qui a fait le tour des réseaux sociaux.

Pour l’équipe olympique des réfugiés, ce podium est un premier, mais pour Khudadadi, il représente une plateforme de visibilité qu’elle peut utiliser pour sensibiliser à la situation des femmes afghanes opprimées. Les Jeux ont fait de Khudadadi une icône paralympique, et à juste titre : elle incarne l’esprit de persévérance de ces femmes en luttant à la fois pour elle-même et pour leur droit à l’égalité.

Devenir paralympienne était un rêve pour Khudadadi, mais à l’origine, elle voulait représenter son pays natal, l’Afghanistan. Elle s’était préparée à Kaboul pour les Jeux de 2021, mais elle a dû fuir le pays lors de la prise de pouvoir des Talibans. Désormais en sécurité en France, elle concourt pour l’équipe des réfugiés tout en restant engagée dans la cause des femmes afghanes. Alvin Koualef, journaliste pour Ouest France, souligne que Khudadadi est une inspiration non seulement pour les personnes en situation de handicap, mais aussi pour les réfugiés. En effet, son accomplissement est déjà porteur d’une grande signification pour cette nouvelle équipe.

Eileen Davidson | Le Délit

Ceci étant dit, la vie n’est pas toujours idyllique pour une réfugiée. Sophie Hienard, journaliste pour Le Point, explique que Khudadadi a risqué non seulement sa vie, mais aussi sa participation aux Jeux de Tokyo en fuyant l’Afghanistan. Soutenue dans sa fuite par plusieurs pays, elle n’a pu rester en France que deux semaines avant de devoir repartir pour les Jeux de Tokyo. Même face à une situation nécessitant du repos, le choix de Khudadadi de participer souligne un dilemme pour les athlètes réfugiés qui doivent trouver l’équilibre entre leur bien-être et la reconnaissance du public.

Aujourd’hui, l’athlète profite de sa liberté pour vivre pleinement et pour s’exprimer sur la situation en Afghanistan. Dans une entrevue accordée à France 24, la paralympienne a déclaré croire que sa notoriété découlait de son histoire unique, dans laquelle ses sympathisants se reconnaissaient. En effet, son parcours atypique s’inscrit dans les valeurs des Jeux : elle est admirée pour avoir surmonté des difficultés considérables afin d’obtenir une vie meilleure. Ses supporteurs n’acclament pas qu’elle : ils soutiennent toutes les femmes afghanes qui ne connaîtront peut-être jamais une telle liberté.

Les Jeux paralympiques nous émeuvent parce qu’ils nous rappellent l’importance de persévérer. La réponse du public à la victoire de Khudadadi démontre la nécessité d’avoir une équipe de réfugiés et démontre que ses athlètes incarnent véritablement l’esprit des Jeux. Le handicap de Khudadadi la définit comme paralympienne, mais c’est sa capacité à devenir un phare d’espoir qui fait d’elle un symbole si puissant des Jeux paralympiques.


Votre cinquième tasse Stanley ne protège pas la planète
Claire Ambrozic, Contributrice

En décembre 2023, une vidéo publiée sur TikTok a récolté des millions de mentions « j’aime » et des centaines de milliers de partages, tout en attirant l’attention des journaux. La vidéo montrait l’agitation provoquée par la mise en vente des fameuses bouteilles d’eau réutilisables de la marque Stanley dans un magasin Target. La collection vendue exclusivement dans cette chaîne de grande surface a disparu en moins de quatre minutes. Selon Statista, les ventes annuelles de la compagnie Stanley ont atteint 750 millions de dollars américains en 2023. Ce succès s’explique par une véritable frénésie pour ces produits réutilisables, publicisés comme « écologiques ». Pourtant, il semble que les bouteilles Stanley font plus de mal que de bien : l’obsession qu’elles ont suscité chez les acheteurs illustre notre société de surconsommation.

La surconsommation

Selon Jessica Katz, journaliste d’Analyst News, l’engouement face aux bouteilles Stanley provient de l’incitation à collectionner plusieurs couleurs et styles différents. Les fanatiques de la marque accumulent des dizaines de bouteilles même s’ils n’en utilisent véritablement qu’une seule à la fois. Ceci démontre une tendance à choisir le plaisir immédiat d’avoir ce qui est à la mode et ce que l’on considère beau, plutôt que de considérer l’utilité du produit à long terme. De plus, bien que les bouteilles soient composées à 90% d’acier inoxydable recyclé, une entrevue publiée dans un article de Radio-Canada a révélé que Stanley n’a pas de programme de reprise ou d’options de recyclage en fin de vie pour ses propres produits. La production d’un si grand nombre de bouteilles réutilisables en acier inoxydable détruit la planète de sa propre manière, ce qui remet en question les véritables motifs de ceux qui achètent une cinquième Stanley « pour la planète ».

Eileen Davidson | Le Délit

Une bouteille en vogue

La bouteille réutilisable est devenue un accessoire de mode, ce qui indique que son usager la remplacera un jour par une bouteille considérée plus tendance. Une journaliste de Radio-Canada remarque que ce qu’on observe actuellement avec les Stanleys s’est déjà produit plusieurs fois avec d’autres marques, notamment Yeti, Hydro flask, S’well, Nalgene, et Owala. Ainsi, les Stanley accumuleront de la poussière au fond de nos placards, pour qu’on puisse les remplacer par la prochaine bouteille attrayante.

Un discours d’écoblanchiment

La vidéo virale contraste avec le discours d’écoblanchiment de la compagnie Stanley. Selon ses dirigeants, la compagnie se veut construire un monde plus durable, adoptant le slogan « Built for Life » (Conçu pour la vie, tdlr). Cependant, un article du Frontier Group révèle qu’en janvier dernier, la compagnie a sorti 17 nouvelles couleurs, encourageant les fans de la marque à acheter plus d’une bouteille. De plus, les bouteilles d’eau sont vendues en édition limitée, créant un sentiment de rareté qui incite les consommateurs à acheter une nouvelle couleur avant qu’elle ne soit plus disponible. « Stanley » est une entreprise et conséquemment, sa priorité est le profit et l’efficacité de production. Malgré son slogan, les produits de Stanley sont principalement fabriqués en Chine et au Brésil, ce qui entraîne un transport sur de longues distances, contribuant ainsi à une empreinte carbone importante avant d’atteindre leur principal marché en Amérique du Nord. Même si son produit est « écologique », le fonctionnement de l’entreprise ne l’est pas.

En somme, la vidéo nous oblige à réévaluer notre perception des bouteilles d’eau Stanley, ainsi que les produits « réutilisables » en général. Acheter une autre bouteille simplement parce qu’elle est à la mode perpétue un cycle de surconsommation. Enfin, en dépit des belles promesses écologiques de Stanley, l’entreprise est bien consciente du fait que son succès dépend de notre surconsommation. Aussi faudra-t-il se satisfaire des belles bouteilles d’eau qui se trouvent déjà chez nous.


Quand la liberté d’expression artistique suscite l’indignation de l’Église
Emilie Fry, Contributrice

Madonna, Lady Gaga, Lil Nas X, Sabrina Carpenter : chacun de ces artistes a choqué l’Église avec son choix de clip vidéo. Les démonstrations sexuelles dans les espaces sacrés et les représentations irrespectueuses des figures religieuses dans ces clips ont suscité une réaction brutale de la part des communautés religieuses. Cela dit, les critiques sont-elles justifiées, ou devrions-nous reconnaître la liberté d’expression artistique de ces chanteurs?

Un clip vidéo controversé

Le 31 octobre 2023, la chanteuse pop américaine Sabrina Carpenter a sorti un clip pour sa chanson « Feather », dans laquelle elle marque la fin d’une relation amoureuse toxique en chantant qu’elle se sent « légère comme une plume, (tdlr) ». Dans la scène qui a fait réagir, la chanteuse porte une robe noire aguichante et danse de manière provocatrice sur l’autel d’une église, en évoquant la métaphore de l’enterrement de sa relation toxique. Suite à ce clip vidéo, la communauté chrétienne a critiqué l’utilisation inappropriée d’un lieu de culte allant à l’encontre des valeurs catholiques de chasteté et de pureté. En dépit des critiques, le clip a été visionné plus d’un million de fois en moins de 24 heures suivant sa publication et, depuis lors, ce nombre a augmenté à 88 millions. De plus, la chanteuse continue à gagner en popularité avec son nouvel album « Short n’ Sweet » et sa tournée internationale qui vient de passer à Montréal le 11 octobre.

Eileen Davidson | Le Délit

En plus des critiques qui ciblent Sabrina Carpenter, l’Église catholique a démis de ses fonctions le pasteur Monseigneur Jamie Gigantiello comme administrateur de l’Église Annunciation of the Blessed Virgin Mary à New York, qui a permis le tournage du clip à cet endroit. Dans une lettre d’excuses, Gigantiello a expliqué que, faute de détails communiqués par les réalisateurs du clip, il a donné son aval au projet en vue de renforcer les liens entre l’Église et la communauté artistique. De façon à se faire pardonner, les 5 000 dollars reçus par l’église pour le tournage du clip seront donnés à la fondation Bridge to Life, qui offre des services aux femmes vivant des grossesses non planifiées.

Liberté d’expression

En explorant l’histoire de clips controversés, on découvre qu’il en existe plusieurs qui ont suscité une réaction comparable à celle de la vidéo de Sabrina Carpenter. Le mélange d’érotisme et de religion dans le clip « Like a Prayer » de Madonna a suscité la même polémique, et continue de le faire encore 25 ans après sa sortie. En 2011, Lady Gaga a scandalisé l’Église avec son titre « Judas », de façon similaire au clip de Lil Nas X sorti cette année dans lequel il incarne Jésus Christ. Les motivations de ces artistes varient : elles vont de messages sur les enjeux sociaux, comme le racisme abordé dans le clip de « Like a Prayer », aux critiques des normes religieuses, en particulier concernant l’exclusion des personnes LGBTQIA+. Mais les artistes font aussi appel à l’illustration métaphorique de leurs expériences, comme celle employée par Lil Nas X à travers la réincarnation de Jésus pour approfondir son message de retour sur la scène musicale. Bien qu’ils aient été parfois condamnés, ces artistes ont conservé leur popularité, puisque leurs admirateurs se reconnaissent dans leurs messages. On pourrait donc penser que Sabrina Carpenter, à travers ses clips, tente de critiquer la sensibilité religieuse de la société ou de se distancer de ses débuts plus innocents de façon à développer sa carrière.

Quelles que soient les motivations des artistes qui attisent ce type de controverse, cela remet en question les limites de la liberté d’expression à laquelle les artistes ont droit. Les clips vidéos permettent aux membres de la société d’exprimer leurs opinions de manière créative sous forme artistique. L’encadrement du contenu artistique, sous prétexte d’éviter les offenses ou les critiques, s’avère fâcheux, puisqu’il contreviendrait à la liberté d’expression. Voilà pourquoi, plutôt que d’établir des contraintes aux sujets sur lesquels portent les arts, il vaudrait mieux comprendre les motivations des artistes afin d’apprécier leur art sans y trouver offense.


La laïcité française est-elle en contradiction avec l’esprit des JO?
Momoka Chosa, Contributrice

Alors que le monde entier se prépare à célébrer la diversité aux Jeux Olympiques (JO), une controverse éclate : l’interdiction du port du hijab pour les athlètes françaises. Cette décision, perçue par certains comme une atteinte à la liberté religieuse, a rapidement enflammé le public. Elle a également mis en lumière le fossé entre les idéaux du pays et la diversité de sa société. En mettant en place cette interdiction, la France défend sa conception de la laïcité, mais à quel prix? Est-ce une mesure nécessaire à la mise en œuvre de la laïcité ou est-ce une exclusion injuste qui travestit l’esprit des JO? En tant que pays qui valorise l’égalité, la liberté et la fraternité, l’imposition de cette règle pose une question fondamentale : la France est-elle en train de compromettre ses propres valeurs au nom d’une laïcité inflexible? Cette interdiction repose sur un plan rigide de la laïcité, concept hérité de la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905.

Comme événement international, les JO représentent un espace dans lequel le respect des valeurs universelles doit prévaloir. En ce sens, la France va à contre-courant de l’esprit-même des JO. Bien qu’il soit légal et compatible avec les règles du Comité International Olympique d’imposer un code vestimentaire aux JO selon un article du Figaro (2023) : « JO 2024 : l’interdiction de porter le hijab pour les Françaises est compatible avec les règles olympiques », le pays risque de marginaliser les athlètes musulmanes qui ne devraient pas avoir à choisir entre leur foi et leur passion pour le sport. D’un autre côté, certains soutiennent cette interdiction, car elle promeut la neutralité religieuse des athlètes. Cependant, je pense qu’il ne faut pas que la neutralité devienne un synonyme de l’uniformité imposée où chacun est obligé de sacrifier son identité pour se conformer.

Eileen Davidson | Le Délit

Le sport est un vecteur puissant pour l’intégration sociale. Notamment, les athlètes voilées sont des modèles pour de nombreuses jeunes filles à travers le monde, qui montrent qu’il est possible de concilier la foi et le sport. En les excluant, nous envoyons un message de rejet à toute une génération. Par exemple, un incident lors de la cérémonie d’ouverture a créé une vive polémique. Sounkamba Sylla, coureuse de relais de l’équipe française, a participé à la cérémonie en portant une casquette après que le port de son voile ait été interdit. Cet acte, perçu comme une forme de défiance par la société, a capté l’attention de divers médias et souligné l’absurdité de l’interdiction. Par exemple, Amnistie internationale, une organisation pour la défense des droits humains, dénonce la discrimination flagrante à l’égard des athlètes musulmanes. Pour les athlètes voilées, cette interdiction représente non seulement une violation de la liberté religieuse, mais aussi une exclusion injustifiée qui vise à effacer une partie de leur identité.

Selon moi, cette interdiction est une manière de contrôler l’expression de la foi sous le prétexte de neutralité. Il n’est donc plus seulement question de sport, mais plutôt d’un débat sur l’acceptation de la diversité dans les espaces publics. En empêchant les athlètes voilées de participer aux JO, la France rate une opportunité unique de montrer que la laïcité peut être un cadre d’inclusion et non d’exclusion. Si l’objectif est de maintenir un environnement où chacun se sens respecté dans ses croyances personnelles, ne devrions-nous pas accepter les croyances des athlètes, quelles qu’elles soient? Il faut que nous réfléchissions à la manière dont nous appliquons nos principes, car une société tolérante doit faire place à tous et toutes, sans exception.

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